J'aime bien les comptables mais encore faut-il être rigoureux. Infoman nous en présentait un le 19 novembre dernier dont l'argumentaire est assez contestable.
Premier raisonnement: «On paie nos augmentations en faisant la grève.» Faux.
- Comme enseignant, chaque jour de grève revient à 0,5% de notre
salaire annuel. Or, on parle ici d'un contrat de travail d'une durée
entre 3 ou 5 ans, selon ce qui sera retenu. Si les enseignants font des
gains par rapport à l’offre actuelle du gouvernement, c'est vrai qu'il
faut soustraire le cout de cette perte de salaire à cause de la grève
d’une éventuelle hausse pour l’ensemble de la durée du contrat de
travail. Néanmoins, il demeure que, si le gouvernement offrait 1-0-1-1-1
au lieu de 0-0-1-1-1 (un gain de 1% la première année), il aurait fallu
que je fasse 10 jours de grève pour ne pas rentrer dans mon argent en
cinq ans. 10 jours.
- À supposer que les prochains contrats de
travail ne voient pas notre salaire réduit (…), il faut aussi comprendre
qu’une éventuelle hausse salariale dans le prochain contrat de travail
est cumulative selon le nombre d’années qui vous ferez avant la
retraite.
- Il faut également comprendre que toute éventuelle hausse
salariale entre en ligne quand vient le temps de calculer votre
retraite. Pour certains, elle est loin. Pour d’autres, elle est plus
proche… Mais il faut comprendre qu’actuellement, si les jeunes
enseignants bénéficient d’une augmentation de leur salaire à cause de
leur progression dans l’échelle d’ancienneté, les plus âgés voient le
montant de leur retraite réduit depuis des années avec la non-indexation
des salaires par rapport au cout de la vie. De plus, les demandes
patronales actuelles constituent déjà un recul en matière de retraite.
Deuxième raisonnement : «Toute résistance est inutile.»
- «À quoi sert-il de faire la grève?», semble suggérer fortement ce
comptable. Il faut savoir que ce n’est pas la première fois qu’il tient
ce discours. De mémoire, il a déjà affirmé par le passé aussi avoir
d’excellentes conditions de travail. Or, que suggère-t-il d’autre?
D’après mes recherches : rien. Ça ressemble pas mal à Mme Marie-Claude Tardif dont on
attend toujours le super moyen de pression…
Un oubli de taille : la négociation de bonne foi.
Un comptable, ce n’est pas un avocat. Or, celui-ci semble ignorer que
le droit du travail a évolué depuis les dernières négociations. Le
gouvernement ne pourrait plus imposer une loi spéciale comme bon lui
semble. Selon plusieurs avocats spécialisés, certaines dispositions
évoquées ou utilisées les années antérieures seraient maintenant tout
bonnement illégales.
Chaque partie est maintenant tenue de
négocier de bonne foi, ce qui complique aussi la donne pour la partie
syndicale qui ne peut partir en grève générale illimitée comme ça. On
nage dans un tout nouveau contexte. Rien n’est clair comme autrefois. Il
faut donc pousser le gouvernement à bout et espérer que M. Coiteux fera
de belles gaffes. Déjà, il en a posé quelques-unes de savoureuses...
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On trouvera une réponse de M. McSween à ce billet.
23 novembre 2015
11 novembre 2015
J’ai honte d’être enseignant
Depuis 22 ans que je pratiquais ce métier avec enthousiasme.
Mais voilà qu’aujourd’hui, j’ai honte d’être enseignant. Il m’a suffi de lire
et d’entendre ce que tout et chacun dit de mes collègues et de moi pour que je réalise
ma bêtise d’avoir ce choix dans ma vie. Ainsi, nous sommes des privilégiés, des
BS de luxe, des profiteurs du système…
Autant de reproches de la part de ceux qui veulent me faire sentir
coupable du salaire que je reçois et des conditions de travail qu’on m’a
offertes.
Je ne comprends plus.
Où sont-ils tous ces gens que j’ai rencontrés dans ma vie et
qui me disaient que j’étais courageux d’enseigner auprès des jeunes du
secondaire, qu’ils ne le feraient pas pour tout l’or du monde? Où sont-ils tous
ces parents qui me confiaient sans aucune inquiétude ce qu’ils avaient de plus
précieux au monde : leurs enfants? Où sont-ils tous ces élèves aujourd’hui
devenus adultes et que j’ai aidés sans compter parce que j’estimais qu’il
méritait le meilleur de ce que je pouvais leur apporter? Leurs voix sont noyées
sous le flot des propos haineux des agitateurs radiophoniques et des vendeurs d’opinion qui ne vivent
que de la médisance qu’ils nourrissent à l’aide de leur micro ou de leur plume
chaque jour.
Où est-il également ce premier ministre du Québec qui
déclarait pas plus tard qu’en mars 2014 à quel point il était fier des
professeurs québécois? Où est-il ce ministre de l’Éducation qui laisse
calomnier depuis des semaines ses propres enseignants mais qui s’est dépêché de
consoler ses hauts fonctionnaires écorchés le temps d’un discours qu’il avait
prononcé? Comment peuvent-ils ne pas
être gênés de leur silence et de leur inaction? Où sont leurs véritables
valeurs dans ce tumulte où l’on met à mal ceux à qui l’on demande d’aider à
bâtir – dans nos écoles - le Québec de demain?
Plus j’y pense et plus je crois que j’aurais dû être un
banquier devenu président du Conseil du trésor qui, un peu comme un personnage
de Saint-Exupéry, se réjouit de compter l’argent qu’il croit économiser. Comme
bien de ses supporteurs, il semble convaincu que l’éducation ne crée pas de
richesse alors qu’elle forme des sociétés productives où des individus
inventent de nouvelles façons de vivre et de s’enrichir. Plus intéressant
encore, j’aurais dû être un de ces ministres de l’Éducation – les Marois,
Legault, Fournier, Bolduc - ou un haut fonctionnaire qui n’a fait que nuire à
mon travail à force d’incompétence et d’improvisation et à qui on offre des
primes de départ ou une retraite dorée sans jamais demander des comptes au nom
des enfants dont ils ont brisé l’avenir.
Non, j’ai choisi d’être enseignant. Et aujourd’hui, j’ai
honte de faire ce métier. La haine et l’envie de certains ont tué
cette passion.
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