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Depuis quelques semaines, le parti libéral
du Québec semble avoir changé radicalement de discours quant à l’avenir des
commissions scolaires. Ce changement est d’autant plus étonnant qu’au fil des
élections, on remarquait que plusieurs élus libéraux avaient au préalable fait
«leurs classes» à titre de commissaire scolaire.
On assiste même aujourd’hui à une fronde de
la part de CS envers le ministre de l’Éducation, Yves Bolduc, qui envisage d’abolir
purement et simplement cette structure décisionnelle, une situation impensable
il y a à peine quelques mois.
Pour être enseignant depuis plus de 20 ans,
ma commission scolaire m’a souvent donné des occasions de rager et m’en donne
encore aujourd’hui ! Sauf que je méfie de cette solution qui m’apparaît
bien simpliste.
En effet, il n’existe aucune étude sérieuse
quant aux bienfaits économiques ou autres entourant l’abolition des CS. Un
simple exemple: quand on suggère de refiler l’organisation du transport
scolaire aux municipalités, on oublie de mentionner que celles-ci n’ont aucune
expertise dans ce domaine et qu’elles le feraient éventuellement à un cout
possiblement plus élevé parce que les salaires dans les villes sont de loin
plus grands que dans les CS. C’est la même chose en ce qui a trait à la gestion
des immeubles. Et qui nous dit que certaines villes, pour des considérations
électoralistes, ne feront pas passer les intérêts des élèves après ceux des
citoyens ?
À travers le monde, on retrouve autant
d’exemples de catastrophes que de demi-succès en ce qui a trait à ce qu’on
appelle les «écoles autonomes». De même en ce qui concerne les écoles
chapeautées par une organisation semblables à des CS. Se peut-il que le succès
d’un réseau scolaire s’explique autrement que par ses seules structures?
Un autre point est que les écoles, si on
les rend autonomes, vont inévitablement se regrouper un jour ou l’autre pour se
doter de ressources communes qu’elles n’auront pas les moyens de se payer
seules. Elles se créeront, au minimum, une structure régionale. Aucune école
n’aura les moyens de se doter d’un service juridique, par exemple, et rien ne
garantit que le secteur privé offrira son expertise à moindre cout.
Enfin, on semble oublier qu’il faudra inévitablement
toujours un arbitre régional sur le terrain pour trancher dans le cas de
certaines décisions. Ainsi, qui déterminera quelle école offrira tel ou tel
programme scolaire? Qui déterminera qu’il faut agrandir telle ou telle école?
Le MELS? Celui-ci est déjà un monstre bureaucratique qui exige des
écoles existantes tellement de redditions de comptes que c'en est absurde! Dans
les faits, le vrai problème est le MELS qui n'a ni confiance aux CS et aux
directions d'école. Quand un ministre, comme Yves Bolduc, en est rendu à
vouloir faire de la microgestion, c'est un signe évident que rien ne va plus.
À ce propos, soulignons que M. Bolduc est incohérent dans
sa gestion de l'administration du réseau scolaire québécois. Il y a quelques
mois, il a coupé les directions régionales du MELS qui étaient devenues en
quelque sorte inutiles avec la fusion des commissions scolaires, ces dernières
étant ni plus ni moins des entités régionales en elles-mêmes. Va-t-il devoir
les «ressusciter» s'il abolit les CS?
Depuis la proposition de l'ADQ d'abolir les CS, on nage
dans le populisme et la pensée magique quant à nos structures scolaires. Demandez-vous combien de millions l’ADQ prévoyait-elle
récolter en éliminant les CS à ses débuts et à combien s’élèvent les coupes budgétaires
dans les CS depuis?
Lors du 50e anniversaire de mon école, j'ai eu à me
pencher sur l'histoire scolaire de ma région. J'ai lu sur la formation des
commissions scolaires, sur la création des écoles régionales, sur le rapport
Parent. À l’époque, on avait pris le temps de s'interroger et d'effectuer une
véritable réflexion. Aujourd’hui, sans juger de la valeur des idées mises de
l’avant, il est manifeste qu'on ne va pas très loin côté analyses et recherches
pour entreprendre une réforme qui serait aussi importante que celle survenue
dans les années 1960. Est-ce logique? Est-ce acceptable? Nos décideurs
politiques ne sont-ils pas tenus à un devoir de saine gestion?
Au cours de ma carrière, j'ai été témoin de trop de
changements de la sorte. J'en ai vu du gaspillage et des élèves victimes des
lubies de nos décideurs. Nos enfants méritent qu'on soit plus sérieux quant à
ce que l'on propose comme modifications au réseau scolaire. Qu’on me comprenne
bien : je ne tiens pas à protéger le statut quo actuel. Des changements
sont nécessaires, mais il faut s'assurer que ceux-ci soient efficaces et au
service de l'élève. Et actuellement, rien ne me convainc que ce sera le cas.