Des collègues de quatrième et cinquième secondaire ont lu, tout comme l'ensemble du réseau scolaire, les nouvelles consignes émanant du ministère de l'Éducation concernant la confection des résultats scolaires de leurs élèves cette année.
On y apprend que la première étape vaudra pour 40% de la note de l'année et la deuxième pour 60%. Or, dans bien des commissions scolaires, la valeur de ces deux étapes étaient différentes de celles annoncées par le MEES: 20% pour la première étape et 20% pour la seconde. Si on calcule ces deux étapes sur une base annuelle, on arrive donc avec un calcul 50%/50%. Ce qu'ont fait plusieurs CS. Pas de quoi fouetter un chat, me direz-vous.
Sauf qu'avec ces modifications, certains élèves en réussite échouent leur année alors qu'ils ne croyaient pas avoir besoin de suivre leurs cours en ligne ... tandis que d'autres se sont obligés à suivre les cours en ligne inutilement alors qu'ils croyaient avoir échoué. Vous commencez à voir le tableau? C'est toujours comme ça en éducation. Et n'allez pas blâmer les profs, s'il vous plait.
Le document du MEES est daté du 29 mai. Les cours en ligne, eux, officiellement commençaient le 11 mai dernier. On comprend donc qu'on a changé les règles du jeu 18 jours après le début de la partie.
Pour les élèves dorénavant en échec, il existe heureusement une échappatoire dans le document du MEES:
«Toutefois, si le dossier de l’élève le justifie, l’enseignant pourra modifier les résultats finaux attribués aux compétences des programmes d’études pour qu’ils reflètent mieux les acquis de l’élève. Pour ce faire, il devra considérer les évaluations qu’il a faites, le cas échéant, entre la fin de la 2e étape et le 13 mars dernier inclusivement ainsi que ses observations quant au travail de l’élève au cours de l’année.»
S'il n'y avait pas eu cette porte de sortie, bien de mes collègues m'avaient indiqué leur intention d'exercer leur jugement professionnel, d'une manière ou d'une autre. Bref, de suivre leur jugement plutôt que les règlements. Parce que. Ils en ont marre que les élèves du secondaire paient pour tout ce gâchis organisationnel, institutionnel, ministériel.
Finalement, pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué? Comment peut-on annoncer 18 jours après le début des cours à distance les consignes les entourant? A-t-on idée du travail supplémentaire que générera une telle décision du MEES dans les écoles et les CS? En passant, les élèves et les parents ne sont pas encore au courant de cette annonce. Ils seront ravis d'apprendre le tout. :)
30 mai 2020
28 mai 2020
JFR ou à la recherche du temps perdu
Chaque crise agit comme un révélateur, ai-je écrit. En éducation, avec la pandémie actuelle, on l'a vu de multiples façons.
Actuellement, de nombreux intervenants se demandent si le ministre de l'Éducation, Jean-François Roberge, est vraiment à sa place et s'il ne travaille pas surtout à essayer de réparer les pots qu'il a cassés comme gestionnaire.
Lorsque la fermeture des écoles a été décidée le 13 mars, le ministre a su adopter le bon ton. Rassurant, calme. C'est un arrêt semblable à des vacances. Après tout, le Québec était sur pause.
Le problème est que le MEES aussi a semblé demeurer sur pause. Au retour de ces deux semaines, on se serait attendu à un plan de match précis ou, tout au moins, à des scénarios prêts à être mis de l'avant rapidement. On se serait attendu à ce qu'un travail préalable ait déjà été effectué. Comment les directions des écoles privées ont-elles pu amorcer un enseignement à distance aussi rapidement alors que le ministre en était encore aux apprentissages facultatifs? L'absence d'appareils électroniques au secteur public et la présence d'une bonne culture numérique au secteur privé n'expliquent pas tout. Comment une petite entreprise de services scolaires a-t-elle pu mettre en ligne des cours chaque jour de la semaine alors qu'au ministère, on en était encore à des hypothèses et des annonces?
Il s'est écoulé un temps incroyable avant que le MEES se mette en action et que des alternatives soient offertes aux élèves et aux parents, que des consignes claires soient données aux enseignants et aux directions d'école. On n'en fera pas la liste ici.
Les émissions de Télé-Québec? Pour le secondaire, trop peu, trop tard. La plateforme École ouverte, une «référence» en télé-enseignement selon le ministre? Tout au plus une vague recension de sites déjà existants. La trousse pédagogique? Hey misère... Mieux que pas de prof du tout. Utiliser la plateforme en ligne du centre de services Beauce-Etchemin? On vient de signer une entente à cet effet, deux mois après que le directeur de celui-ci l'ait offerte à tout le réseau scolaire. On ne comprend pas. Ça ressemble à la malaisante saga des climatiseurs dans les CHSLD.
Dans les faits, bien des enseignants étaient prêts à aller de l'avant, mais on leur demandait d'attendre ce qui viendrait de Québec. Parce que jamais l'emprise d'un ministre n'a été aussi grande sur le réseau scolaire. Avec les aléas qu'on a vus.
Au cours des derniers mois, le ministre a voulu se donner beaucoup de pouvoirs, mais il n'a pas su quoi en faire. À sa défense, ce dernier semblait épuisé. Pendant un moment, j'ai même pensé qu'il avait contracté ce fameux virus.
Encore une fois, à ceux qui répondront qu'il est facile d'analyser une situation après coup, on rappellera ce qui a été fait plus tôt dans d'autres provinces canadiennes. L'Ontario, par exemple, n'a pas tardé avec l'enseignement en ligne et la remise d'appareils électroniques. Dans chaque cas, dans chaque province, une décision a été prise rapidement: on continue en télé-enseignement ou on ferme.
Au Québec, la façon dont le ministre Roberge a géré cette crise n'a réussi qu'à insatisfaire tout le monde et brûler le personnel scolaire à force d'hésitations et de contre-ordres. Prépare des écoles primaires pour une rentrée. Retarde la rentrée. Annule la rentrée. Dans la région du Grand Montréal, la situation était tellement prévisible qu'un journal satirique annonçait que M. Legault organiserait une conférence de presse pour annoncer qu'il ne dirait pas tout de suite qu'il annulerait cette rentrée... Elles ne pourront jamais le dire, mais bien des directions d'école sont épuisées. Même dans les hautes sphères des centres de services, on est excédé. La crédibilité du ministre n'a jamais été aussi basse.
Alors, depuis le 27 avril, M. Roberge semble en mode «rattrapage».
Bref, on est devant un énorme cafouillage et tout le monde est insatisfait, épuisé: parents, enseignants, directions. Le réseau scolaire public a perdu, tout comme son ministre, beaucoup de lustre dans toute cette crise. M. Roberge a voulu sauver la face et c'est tout le réseau qui en paie le prix aujourd'hui.
Bien des enseignants s'évertuent à donner des cours en ligne à des élèves démotivés, quand ils sont là, alors qu'on devrait préparer la prochaine rentrée qui s'annoncera tout sauf ordinaire. Bien des profs se sentent incompétents dans leur travail et sont blessés de voir certains jeunes aussi peu respectueux des efforts qu'ils font pour tenter de les aider à poursuivre leurs apprentissages. J'en connais même qui ont devancé leur retraite! Bien des parents tentent de devenir les accompagnateurs de leurs enfants et maudissent les devoirs qu'ils doivent leur faire faire. Certains se plaignent même de recevoir trop de courriels et demandent qu'on cesse de les importuner! Bien des directions suivent des consignes qu'elles savent inutiles tout en se demandant quand elles vont enfin pouvoir retrouver leur souffle et cesser de travailler 60-70 heures par semaine comme c'est le cas depuis deux mois... Pour la différence qu'elles reçoivent comme salaire, aussi bien revenir à l'enseignement.
Tous ces efforts en valent-ils vraiment la peine? Je ne crois pas. Comme on l'a vu, les parents des élèves en difficulté ne les ont pas envoyés en classe. Où sont-ils? Que font-ils? Dans une école près de chez moi, on est sans nouvelle de deux familles depuis le 13 mars. Et les élèves en difficulté qui sont en télé-enseignement, combien va-t-on en sauver quand un prof au secondaire fait des visioconférences avec parfois 80-100 jeunes à la fois? Ils sont encore plus noyés dans la masse que s'ils étaient en classe. Pour les aider véritablement, il aurait fallu concentrer nos efforts exclusivement sur eux et cesser de nous éparpiller. Pis encore, à quoi sert toute cette énergie dépensée quand on sait qu'au retour, en septembre, il faudra inévitablement revoir tout ce qui n'a pas été abordé depuis la mi-mars dans tous les groupes?
Mais non: il fallait bien paraitre. Alors, comme enseignants, comme parents parfois, nous participons tous à cette triste comédie. Celle de sauver la face d'un ministre.
Plus concrètement, M. Roberge n'a pas actuellement l'autorité morale pour assurer la rentrée de septembre. Et sa façon d'agir ne rassure pas les différents acteurs du réseau. Il ne reconnait pas ses erreurs. Il blâme et fait la leçon aux autres. Les verbes «exiger», «obliger» et «réitérer» sont devenus fréquents dans ses missives comme un enseignant qui a perdu le contrôle de son groupe et qui tente de le retrouver en se basant sur son autorité perdue plutôt que sur sa compétence et son leadership. Cela ne me plait pas d'en arriver à ce constat et je souffre de voir le domaine auquel j'ai consacré autant d'efforts être si malmené et mal mené.
Si chaque intervenant en éducation doit savoir se remettre en question et accepter la critique, l'exemple de ce comportement doit venir d'en haut. Pour retrouver la confiance de ses troupes, ce qui est éminemment souhaitable, M. Roberge doit se livrer à un sérieux examen de conscience.
Actuellement, de nombreux intervenants se demandent si le ministre de l'Éducation, Jean-François Roberge, est vraiment à sa place et s'il ne travaille pas surtout à essayer de réparer les pots qu'il a cassés comme gestionnaire.
Lorsque la fermeture des écoles a été décidée le 13 mars, le ministre a su adopter le bon ton. Rassurant, calme. C'est un arrêt semblable à des vacances. Après tout, le Québec était sur pause.
Le problème est que le MEES aussi a semblé demeurer sur pause. Au retour de ces deux semaines, on se serait attendu à un plan de match précis ou, tout au moins, à des scénarios prêts à être mis de l'avant rapidement. On se serait attendu à ce qu'un travail préalable ait déjà été effectué. Comment les directions des écoles privées ont-elles pu amorcer un enseignement à distance aussi rapidement alors que le ministre en était encore aux apprentissages facultatifs? L'absence d'appareils électroniques au secteur public et la présence d'une bonne culture numérique au secteur privé n'expliquent pas tout. Comment une petite entreprise de services scolaires a-t-elle pu mettre en ligne des cours chaque jour de la semaine alors qu'au ministère, on en était encore à des hypothèses et des annonces?
Il s'est écoulé un temps incroyable avant que le MEES se mette en action et que des alternatives soient offertes aux élèves et aux parents, que des consignes claires soient données aux enseignants et aux directions d'école. On n'en fera pas la liste ici.
Les émissions de Télé-Québec? Pour le secondaire, trop peu, trop tard. La plateforme École ouverte, une «référence» en télé-enseignement selon le ministre? Tout au plus une vague recension de sites déjà existants. La trousse pédagogique? Hey misère... Mieux que pas de prof du tout. Utiliser la plateforme en ligne du centre de services Beauce-Etchemin? On vient de signer une entente à cet effet, deux mois après que le directeur de celui-ci l'ait offerte à tout le réseau scolaire. On ne comprend pas. Ça ressemble à la malaisante saga des climatiseurs dans les CHSLD.
Dans les faits, bien des enseignants étaient prêts à aller de l'avant, mais on leur demandait d'attendre ce qui viendrait de Québec. Parce que jamais l'emprise d'un ministre n'a été aussi grande sur le réseau scolaire. Avec les aléas qu'on a vus.
Au cours des derniers mois, le ministre a voulu se donner beaucoup de pouvoirs, mais il n'a pas su quoi en faire. À sa défense, ce dernier semblait épuisé. Pendant un moment, j'ai même pensé qu'il avait contracté ce fameux virus.
Encore une fois, à ceux qui répondront qu'il est facile d'analyser une situation après coup, on rappellera ce qui a été fait plus tôt dans d'autres provinces canadiennes. L'Ontario, par exemple, n'a pas tardé avec l'enseignement en ligne et la remise d'appareils électroniques. Dans chaque cas, dans chaque province, une décision a été prise rapidement: on continue en télé-enseignement ou on ferme.
Au Québec, la façon dont le ministre Roberge a géré cette crise n'a réussi qu'à insatisfaire tout le monde et brûler le personnel scolaire à force d'hésitations et de contre-ordres. Prépare des écoles primaires pour une rentrée. Retarde la rentrée. Annule la rentrée. Dans la région du Grand Montréal, la situation était tellement prévisible qu'un journal satirique annonçait que M. Legault organiserait une conférence de presse pour annoncer qu'il ne dirait pas tout de suite qu'il annulerait cette rentrée... Elles ne pourront jamais le dire, mais bien des directions d'école sont épuisées. Même dans les hautes sphères des centres de services, on est excédé. La crédibilité du ministre n'a jamais été aussi basse.
Alors, depuis le 27 avril, M. Roberge semble en mode «rattrapage».
- Il annonce des apprentissages obligatoires mais sans conséquence s'ils ne sont pas faits pour la plupart des élèves, élèves qu'il blâme d'avoir décroché et déniché un emploi plutôt que de ne rien faire. À juste titre, la leçon de morale est mal passée auprès de bien des jeunes et des parents.
- Il annonce 15 000 appareils électroniques dont le nombre ne suffira pas et qui arriveront dans certains cas dans les mains des jeunes à la mi-juin. Et tant pis pour les élèves qui voulaient améliorer leurs résultats...
- Il oblige les enseignants à donner leur prestation de travail en télé-enseignement sans s'assurer qu'il disposent des appareils électroniques et de la formation nécessaires. En fait, la formation TÉLUQ qui est supposée les aider finira vraisemblablement en même temps que la fin des classes.
- Il annonce que le retour en classe en septembre sera partiel ou complet alors qu'en réalité, il devrait aussi - et surtout - prévoir un scénario d'enseignement complet à distance s'il veut éviter de répéter la situation qu'on connait actuellement.
Bref, on est devant un énorme cafouillage et tout le monde est insatisfait, épuisé: parents, enseignants, directions. Le réseau scolaire public a perdu, tout comme son ministre, beaucoup de lustre dans toute cette crise. M. Roberge a voulu sauver la face et c'est tout le réseau qui en paie le prix aujourd'hui.
Bien des enseignants s'évertuent à donner des cours en ligne à des élèves démotivés, quand ils sont là, alors qu'on devrait préparer la prochaine rentrée qui s'annoncera tout sauf ordinaire. Bien des profs se sentent incompétents dans leur travail et sont blessés de voir certains jeunes aussi peu respectueux des efforts qu'ils font pour tenter de les aider à poursuivre leurs apprentissages. J'en connais même qui ont devancé leur retraite! Bien des parents tentent de devenir les accompagnateurs de leurs enfants et maudissent les devoirs qu'ils doivent leur faire faire. Certains se plaignent même de recevoir trop de courriels et demandent qu'on cesse de les importuner! Bien des directions suivent des consignes qu'elles savent inutiles tout en se demandant quand elles vont enfin pouvoir retrouver leur souffle et cesser de travailler 60-70 heures par semaine comme c'est le cas depuis deux mois... Pour la différence qu'elles reçoivent comme salaire, aussi bien revenir à l'enseignement.
Tous ces efforts en valent-ils vraiment la peine? Je ne crois pas. Comme on l'a vu, les parents des élèves en difficulté ne les ont pas envoyés en classe. Où sont-ils? Que font-ils? Dans une école près de chez moi, on est sans nouvelle de deux familles depuis le 13 mars. Et les élèves en difficulté qui sont en télé-enseignement, combien va-t-on en sauver quand un prof au secondaire fait des visioconférences avec parfois 80-100 jeunes à la fois? Ils sont encore plus noyés dans la masse que s'ils étaient en classe. Pour les aider véritablement, il aurait fallu concentrer nos efforts exclusivement sur eux et cesser de nous éparpiller. Pis encore, à quoi sert toute cette énergie dépensée quand on sait qu'au retour, en septembre, il faudra inévitablement revoir tout ce qui n'a pas été abordé depuis la mi-mars dans tous les groupes?
Mais non: il fallait bien paraitre. Alors, comme enseignants, comme parents parfois, nous participons tous à cette triste comédie. Celle de sauver la face d'un ministre.
Plus concrètement, M. Roberge n'a pas actuellement l'autorité morale pour assurer la rentrée de septembre. Et sa façon d'agir ne rassure pas les différents acteurs du réseau. Il ne reconnait pas ses erreurs. Il blâme et fait la leçon aux autres. Les verbes «exiger», «obliger» et «réitérer» sont devenus fréquents dans ses missives comme un enseignant qui a perdu le contrôle de son groupe et qui tente de le retrouver en se basant sur son autorité perdue plutôt que sur sa compétence et son leadership. Cela ne me plait pas d'en arriver à ce constat et je souffre de voir le domaine auquel j'ai consacré autant d'efforts être si malmené et mal mené.
Si chaque intervenant en éducation doit savoir se remettre en question et accepter la critique, l'exemple de ce comportement doit venir d'en haut. Pour retrouver la confiance de ses troupes, ce qui est éminemment souhaitable, M. Roberge doit se livrer à un sérieux examen de conscience.
14 mai 2020
La leçon de trop du ministre Roberge
Il faut féliciter Mme Gruda qui, la première, a enfin osé remettre en question la gestion cahotique du ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, en ces temps de crise.
Hier, celui-ci a posé le geste de trop en grondant littéralement les élèves et leurs parents quand on lui a indiqué que de nombreux jeunes avaient décroché de l’enseignement en ligne pour aller travailler dans de multiples commerces qui ont besoin de leur apport. De toute évidence, ce ministre semble incapable de se remettre en question et de prendre la part de responsabilité qui lui revient dans la situation actuelle.
Sur son fil Facebook, aujourd'hui, le ministre écrit:
«J’en profite au passage pour corriger une information qui a circulé hier soir : je n’ai jamais «grondé» les élèves qui travaillent durant la crise, ni leurs parents. J’ai simplement exprimé l’importance pour nos jeunes du secondaire de poursuivre leurs apprentissages, malgré la crise actuelle. L’année scolaire n’est pas terminée. Dans ce contexte, il est préférable pour un jeune du secondaire d’occuper un emploi à temps partiel et non à temps plein, pour consacrer un maximum de temps à ses études, comme c’est d’ailleurs le cas en temps normal. Nous avons tous un rôle à jouer pour valoriser l’éducation et encourager nos jeunes à consacrer tous les efforts nécessaires à la poursuite et à la consolidation des apprentissages.»
Or, voici ce que déclarait M. Roberge hier à l'Assemblée nationale à 14 mntes 30 sec:
«Mais il y a un message qui est clair et qui doit être passé, qui doit être relayé par tout le monde. Au secondaire comme au primaire, l'année scolaire n'est pas terminée. Ni pour les enseignants ni pour les élèves. Et les élèves qui se sont mis à travailler - 10 heures, 15 heures, 20 heures, 30 heures par semaine: c'est une erreur! Je fais appel à tout le monde pour rappeler ça. Je fais appel aux parents aussi, de dire: «Excuse-moi, jeune homme, jeune fille. L'école n'est pas terminée. Tu reçois des appels de ton enseignant. Tu reçois une trousse pédagogique. Tu as accès à tous les cahiers d'exercices en ligne maintenant parce que le gouvernement a pris des ententes avec les maisons d'édition. On doit terminer l'année scolaire et on doit passer le message tous ensemble.»
Au cours des derniers mois, M. Roberge a failli à de nombreuses reprises et a perdu la confiance de plusieurs membres du personnel scolaire et on ne parle pas seulement d’enseignants. Alors, comment le ministre peut-il blâmer des jeunes pour une situation qu’il a lui-même créée? En effet, depuis le début de cette crise, rarement a-t-on vu autant de tergiversations et d’errements de la part d’un ministre. Les arguments que cette pandémie est une situation extraordinaire et que «personne ne voudrait être à sa place» ne tiennent pas quand on regarde ce que d’autres ont fait ailleurs en de pareilles circonstances.
Comment se fait-il qu’après deux semaines où il a donné congé aux enseignants et aux élèves, le ministre soit revenu devant le personnel scolaire avec un plan d’action aussi pauvre et improvisé?
On l’a souligné, comment croire qu’on puisse donner un message cohérent et motivant aux jeunes quand, en six semaines, le discours ministériel passe d’«apprentissages facultatifs» à des apprentissages «fortement recommandés» pour enfin finir par des «savoirs essentiels» qui sont si clairs qu’on nous demande d’en établir nous-mêmes la liste en équipe-école?
Une bonne gestion de classe exige deux qualités : de la constance et de la cohérence. Venant d’un ancien enseignant, on se serait attendu à mieux. Pour bien des collègues, il était devenu gênant d’appeler les parents et les jeunes et de répondre à leurs questions concernant les actions du ministre Roberge. S’il avait fait lui-même de tels appels, le député de Chambly aurait pris la pleine mesure de la crise que nous traversons et aurait fait preuve de plus de bienvaillance et d’empathie à l’égard de nombreux Québécois qui vivent des situations de détresse fort complexes.
De nombreuses actions du ministre demandent à être justifiées. Pourquoi a-t-il refusé dès les premiers jours de cette crise l’expertise reconnue de la commission scolaire Beauce-Etchemin qui œuvre en matière de télé-enseignement depuis plus de 20 ans? Non seulement cette dernière offre-t-elle une vaste gamme de cours en ligne, mais elle peut même leur permettre d’obtenir leur diplôme d’études secondaire à distance. Son ministère peut-il offrir mieux? Non.
Comme pédagogue, comment peut-on avoir confiance en un ministre qui affirme le plus sérieusement que la plateforme École ouverte, dont il a contribué à l’existence, constitue une référence en télé-enseignement pour la francophonie quand on sait qu’elle n’est qu’un collage de différents sites existant ici et là? D’autres ressources en ligne, comme le site Allô Prof!, sont autrement plus intéressantes.
Pourquoi le ministre a-t-il attendu jusqu’au 27 avril pour mettre de l’avant un programme d’acquisition d’appareils électroniques favorisant le télé-enseignement alors que l’Ontario avait déjà fait de même dès le mois de mars? Avec un tel retard, est-il conscient que ces appareils arriveront dans les mains des jeunes au mois de juin? Sait-il que ce même retard empêchera les élèves les plus défavorisés de poursuivre leurs apprentissages mais surtout d’améliorer leurs résultats scolaires, ce qui aurait pu éviter certains échecs au bulletin?
Non, définitivement, le ministre Roberge n’a pas de leçon à donner aux parents et aux jeunes. Comment peut-il leur demander de jouer leur rôle quand il a failli à jouer pleinement le sien, comme l'a soulevé une collègue?
S’il veut regagner la crédibilité qu’il a perdue, il doit impérativement présenter les différents scénarios qu’il entend mettre de l’avant en septembre, notamment en ce qui a trait à l’enseignement à distance. Si l’on veut que la prochaine rentrée soit moins cahotique que la situation actuelle, ces scénarios doivent être connus autrement que par un point de presse deux semaines avant leur application.
Au moins quatre points essentiels doivent être connus dès juin :
- Chaque jeune qui en a besoin recevra-t-il un appareil électronique avant le début des classes?
- Gardera-t-on les mêmes programmes de formation ou conviendra-t-il de travailler maintenant à les modifier, comme le fait actuellement l’Ontario?
- Comment s’effectuera l’évaluation en ligne?
Et surtout, comment arrivera-t-on à motiver les jeunes à poursuivre leurs apprentissages en ligne?
Et surtout, comment arrivera-t-on à motiver les jeunes à poursuivre leurs apprentissages en ligne?
Le ministre a toute une commande devant lui et, en sermonnant malheureusement les parents et les jeunes, il a placé la barre très haut quant à ses prochaines actions
12 mai 2020
Où sont les appareils électroniques annoncés par M. Roberge?
Le 27 avril dernier, le ministre de l'Éducation, Jean-François Roberge, annonçait la fermeture des écoles secondaires du Québec pour le reste de l'année scolaire et l'introduction d'un enseignement à distance dès le 11 mai pour les élèves de ce niveau ainsi que pour tous ceux du primaire que les parents choisissaient de garder à la maison. Il instaurait aussi l'obligation, pour tous les enseignants, d'aborder des savoirs essentiels avec leurs élèves après avoir tergiversé pendant un mois.
Mais plus que tout, M. Roberge annonçait fièrement que son ministère avait conclu une entente avec Apple Canada pour fournir 15 000 appareils électroniques aux enfants qui en auraient besoin pour la poursuite de leurs apprentissages à la maison. Il comptait ainsi rattraper un peu l'Ontario qui, dès le 31 mars, avait décidé que l'année scolaire se poursuivrait. Le gouvernement voisin avait également annoncé une aide de 200$ par enfant de 12 ans et moins pour l'achat de matériel pédagogique. De plus, différents conseils scolaires de cette province avaient déjà commencé à remettre des ordinateurs aux parents. En outre, le conseil scolaire de Toronto prévoyait remettre 28 000 ordinateurs portables ou tablettes avant le 14 avril. 28 000 portables pour une ville, c'est presque le double de ce que prévoit le ministre Roberge pour une province complète.
Voilà: nous sommes le 12 mai, le lendemain de la date annoncée pour le début du télé-enseignement, et on se demande où sont ces nouveaux appareils électroniques. Ces appareils, c'était pour hier. Et ce n'est pas une figure de style: c'est la réalité.
On ne parle pas ici d'appareils qui étaient déjà dans les écoles et que celles-ci ont dû prêter à contrecoeur parfois. On ne parle pas non plus des ordinateurs donnés aux élèves dans le cadre de la mesure gouvernementale 30 810 (dyslexie et autre trouble du langage). Non, on parle de ces nouveaux appareils promis par le ministre. Et s'ils existent, ces appareils, seront-ils en nombre suffisant quand on regarde ce qui se fait dans la province de Doug Ford?
Si on creuse un peu, voici ce que l'on comprend. Le MEES n'aurait acheté aucun nouvel appareil électronique. Il en aurait simplement réservé 15 000 auprès de Apple Canada. Qui devrait les acheter et les payer? Certains disent que ce seraient les écoles et les commissions scolaires qui le feraient à même leur budget actuel, qu'aucun budget additionnel ne leur serait donné. D'autres affirment que le tout sera payé par le MEES à la fin de l'année scolaire. Bref, rien n'est clair.
Ce qui est clair, c'est qu'il sera impossible d'obtenir ces appareils à temps. Comment a-t-on pu penser que le tout sera réalisable en deux semaines? Déjà, les écoles sont débordées à suivre les autres demandes du ministre dont elles apprennent l'existence en point de presse comme tout citoyen ordinaire au gré des jours.
De plus, rappelons ce qu'ont mentionné deux intervenants dans la section commentaires de ce billet quant à cette décision du ministre:
1- «Pis ça, c'est si, et seulement si, les services STIC de la commission scolaire "permettent" les iPad... par exemple, la csdgs a pris la décision, il y a déjà plusieurs années, de NE PAS permettre les apparails MAC sur son réseau pédagogique (tu peux les brancher "invité" mais tu es limité)»
2- «Tout d'abord, ce sont les commissions scolaires qui doivent les payer à même leur budget. Ensuite, ils ont jusqu'au 15 mai pour les commander et il faut prévoir un délais de deux semaines pour la livraison. Finalement, notre service des TICS dit qu'ils ont besoin d'un autre deux semaines pour préparer ces iPads. Bilan de l'histoire, des iPads dans les maisons pour le 15 juin…»
Bref, le ministre annonce des promesses qu'il refile aux autres. On commence à avoir l'habitude, remarquez. Par ailleurs, si les restrictions quant aux produits Apple auraient été levées, on peut néanmoins se demander comment ceux-ci seront accueillis dans un milieu généralement hostile à ceux-ci.
Un autre aspect troublant de cette histoire, c'est que ce ne sont pas tous les élèves qui auront un appareil électronique pour commencer cette période d'enseignement à distance. Parmi les choyés, on retrouve:
Restent les autres... Là où l'histoire prend un aspect choquant, c'est lorsqu'on apprend qu'un élève actuellement en échec après deux étapes pourrait voir son résultat bonifier s'il collabore bien au télé-enseignement offert par son école. Donc, les élèves, issus d'un milieu défavorisé, ceux qui sont les plus susceptibles d'être en échec et sans ordinateur, se voient en quelque sorte exclus de la possibilité de réussir leur année scolaire.
On est, une fois de plus, devant une école avec des vitesses multiples.
Mais plus que tout, M. Roberge annonçait fièrement que son ministère avait conclu une entente avec Apple Canada pour fournir 15 000 appareils électroniques aux enfants qui en auraient besoin pour la poursuite de leurs apprentissages à la maison. Il comptait ainsi rattraper un peu l'Ontario qui, dès le 31 mars, avait décidé que l'année scolaire se poursuivrait. Le gouvernement voisin avait également annoncé une aide de 200$ par enfant de 12 ans et moins pour l'achat de matériel pédagogique. De plus, différents conseils scolaires de cette province avaient déjà commencé à remettre des ordinateurs aux parents. En outre, le conseil scolaire de Toronto prévoyait remettre 28 000 ordinateurs portables ou tablettes avant le 14 avril. 28 000 portables pour une ville, c'est presque le double de ce que prévoit le ministre Roberge pour une province complète.
Voilà: nous sommes le 12 mai, le lendemain de la date annoncée pour le début du télé-enseignement, et on se demande où sont ces nouveaux appareils électroniques. Ces appareils, c'était pour hier. Et ce n'est pas une figure de style: c'est la réalité.
On ne parle pas ici d'appareils qui étaient déjà dans les écoles et que celles-ci ont dû prêter à contrecoeur parfois. On ne parle pas non plus des ordinateurs donnés aux élèves dans le cadre de la mesure gouvernementale 30 810 (dyslexie et autre trouble du langage). Non, on parle de ces nouveaux appareils promis par le ministre. Et s'ils existent, ces appareils, seront-ils en nombre suffisant quand on regarde ce qui se fait dans la province de Doug Ford?
Si on creuse un peu, voici ce que l'on comprend. Le MEES n'aurait acheté aucun nouvel appareil électronique. Il en aurait simplement réservé 15 000 auprès de Apple Canada. Qui devrait les acheter et les payer? Certains disent que ce seraient les écoles et les commissions scolaires qui le feraient à même leur budget actuel, qu'aucun budget additionnel ne leur serait donné. D'autres affirment que le tout sera payé par le MEES à la fin de l'année scolaire. Bref, rien n'est clair.
Ce qui est clair, c'est qu'il sera impossible d'obtenir ces appareils à temps. Comment a-t-on pu penser que le tout sera réalisable en deux semaines? Déjà, les écoles sont débordées à suivre les autres demandes du ministre dont elles apprennent l'existence en point de presse comme tout citoyen ordinaire au gré des jours.
De plus, rappelons ce qu'ont mentionné deux intervenants dans la section commentaires de ce billet quant à cette décision du ministre:
1- «Pis ça, c'est si, et seulement si, les services STIC de la commission scolaire "permettent" les iPad... par exemple, la csdgs a pris la décision, il y a déjà plusieurs années, de NE PAS permettre les apparails MAC sur son réseau pédagogique (tu peux les brancher "invité" mais tu es limité)»
2- «Tout d'abord, ce sont les commissions scolaires qui doivent les payer à même leur budget. Ensuite, ils ont jusqu'au 15 mai pour les commander et il faut prévoir un délais de deux semaines pour la livraison. Finalement, notre service des TICS dit qu'ils ont besoin d'un autre deux semaines pour préparer ces iPads. Bilan de l'histoire, des iPads dans les maisons pour le 15 juin…»
Bref, le ministre annonce des promesses qu'il refile aux autres. On commence à avoir l'habitude, remarquez. Par ailleurs, si les restrictions quant aux produits Apple auraient été levées, on peut néanmoins se demander comment ceux-ci seront accueillis dans un milieu généralement hostile à ceux-ci.
Un autre aspect troublant de cette histoire, c'est que ce ne sont pas tous les élèves qui auront un appareil électronique pour commencer cette période d'enseignement à distance. Parmi les choyés, on retrouve:
- les élèves des écoles privés dont les parents ont payé pour les inscrire dans des programmes avec ordi;
- les élèves des écoles publiques dont les parents ont payé pour les inscrire dans des programmes avec ordi;
- de mémoire, les élèves des écoles publiques de la commission scolaire Eastern Townships qui en ont un fourni par les écoles où ils sont inscrits;
- les élèves dont les parents ont les moyens d'en avoir un ou plus à la maison.
Restent les autres... Là où l'histoire prend un aspect choquant, c'est lorsqu'on apprend qu'un élève actuellement en échec après deux étapes pourrait voir son résultat bonifier s'il collabore bien au télé-enseignement offert par son école. Donc, les élèves, issus d'un milieu défavorisé, ceux qui sont les plus susceptibles d'être en échec et sans ordinateur, se voient en quelque sorte exclus de la possibilité de réussir leur année scolaire.
On est, une fois de plus, devant une école avec des vitesses multiples.
09 mai 2020
Comment le ministre Roberge a créé un trou noir au secondaire
Dans Le Devoir de ce matin, on publie un excellent texte de Marco Fortier où l'on constate l'immense trou noir dans lequel sont tombés certains élèves des écoles secondaires avec la fermeture de leur établissement. Les choses ne sont cependant pas si simples et le rôle du ministre de l'Éducation, Jean-François Roberge, mérite qu'on s'y attarde. Si trou noir il y a, c'est peut-être parce que l'étoile ministérielle a fini par s'écraser sur elle-même.
Un bon départ
Les deux premières semaines de cette crise, le ministre Roberge a bien fait en annonçant que la situation que nous connaissions s'apparentait à un congé et que les examens ministériels à venir étaient annulés. Le Québec vivait (et vit encore) des moments inquiétants. Parler d'école et de notes semblait absurde dans un tel contexte, surtout que bien des gouvernements sonnaient déjà la fin de l'année scolaire de milliers de jeunes partout en Amérique. Il est connu de toute façon qu'il est difficile d'effectuer des apprentissages de qualité dans des situations stressantes ou anxiogènes.
Mais on dirait qu'il n'y a pas que les citoyens québécois qui se soient mis sur pause durant ces deux semaines. Le ministre de l'Éducation et le MEES aussi. Ce précieux temps aurait dû servir à échafauder différents plans précis. Or, à partir de ce moment, les retards et les erreurs n'ont cessé de s'accumuler.
Une série d'erreurs
Après ces deux semaines donc, le ministre aurait dû arriver avec une direction claire: on arrête complètement les activités éducatives comme en Alberta, par exemple, ou on va en télé-enseignement comme en Ontario. Il faut savoir décider. Après tout, gouverner, c'est choisir, dit l'adage. Or, avec M. Roberge, on avait l’impression qu'il ne savait pas sur quel pied danser et, aujourd'hui, à regarder la hâte avec laquelle le gouvernement Legault veut repartir l'économie et utiliser les écoles primaires comme des garderies où les enfants seront dans un milieu confiné, on se demande si cette hésitation n'était pas le signe qu'on ne savait pas quel rôle on voulait vraiment réserver aux écoles.
Il est d’ailleurs incompréhensible, aux yeux de nombreux observateurs, que le Québec soit le seul gouvernement en Amérique du Nord (États-Unis inclus) qui tente, dans le contexte actuel d'ouvrir les portes de ses écoles. Sommes-nous vraiment meilleurs que les autres? Nos voisins seraient-ils si odieux qu'ils seraient insensibles au sort des enfants, à leur alimentation, à la violence physique et psychologique qu'ils subissent? Tous les pédiatres de ces endroits seraient-il finalement moins compétents que les nôtres?
Quoi qu'il en soit, pour imiter l'Ontario, il aurait fallu tout d'abord prendre des décisions plus rapides alors que le ministère a préféré mettre ses énergies dans des projets qui paraissaient bien aux yeux du grand public mais qui n'apportaient rien de bien consistant pour ceux qui s'intéressent à l'éducation. Une preuve de cet échec est que les diverses émissions «éducatives» de Télé-Québec, la plateforme École ouverte et la fameuse trousse pédagogique du MEES ont été battues en brèche par une simple enseignante sur Internet qui donnait chaque jour de semaine une demi-heure de cours en ligne par année du primaire. Les solutions les plus simples sont souvent les meilleures: apprendre peut encore se faire avec une bonne pédagogue et un tableau. Pas besoin de comédiens connus, de chercheurs universitaires émérites et de concept «songés».
Pour imiter l'Ontario, il aurait fallu ensuite que le ministère dispose d'un corpus de cours en ligne accessibles et développés. Or, voilà qu'on apprend que, dès la première semaine de la pandémie, ce corpus existait mais que le ministre Roberge avait refusé l'offre de la commission scolaire Beauce-Etchemin qui était prête à partager son expertise de plus de 20 ans en télé-enseignement. Pourquoi? Le ministre n'a jamais répondu à cette question. De là, toutes les hypothèses farfelues sont possibles, dont celle qui veut que ce dernier aurait refusé par orgueil toute forme d'aide provenant d'une commission scolaire.
Pour imiter l'Ontario, il aurait fallu également que chaque famille dispose d'un appareil électronique afin de permettre aux jeunes d'accéder à une formation en ligne. Ce n'est que le 27 avril, deux semaines après un plan similaire de notre voisine, que M. Roberge a annoncé que 15 000 appareils seraient distribués aux parents. Ce nombre sera-t-il suffisant? On ne le sait même pas. L'autre hic: nous sommes le 8 mai, ces appareils ne sont toujours pas remis et les cours en ligne débutent le 11... Comment était-il réaliste de croire un seul instant que le système scolaire serait capable d'un tel prodige en deux semaines? On est dans la pensée magique.
Enfin, pour imiter l'Ontario, il aurait fallu des directives claires du ministre lui-même. Celui-ci aurait même dû s'adresser aux élèves. Or, dans des communications destinées aux parents et aux enseignants, nous sommes passés des «vacances» aux «apprentissages facultatifs», puis aux «apprentissages fortement recommandés» pour terminer avec les «savoir jugés essentiels».
Un mandat irréaliste
Comment un enseignant d'expérience comme M. Roberge peut-il croire qu'on peut ramener au travail un groupe d'élèves après leur avoir annoncé que plus rien ne comptait? «Il est trop tard. L'année est fucking finie. Le ministre l'a dit», m'a expliqué un jeune au téléphone. Des parents, pas plus bêtes que leurs enfants, ont demandé qu'on cesse de les appeler et ont baissé les bras parce qu'ils ont compris que l'année scolaire était à toutes fins pratiques terminée.
Avec regret, je dois écrire que le ministre vit dans un monde de rêve s'il pense que l'école sera capable de raccrocher les élèves du secondaire après deux mois d'arrêt. Ils sont tous ailleurs. Dans leur chambre. Au travail. J'ai même quelques jeunes de 13 ans qui ont trouvé un petit boulot. Finalement, M. Roberge veut qu'on remette dans un tube le dentifrice qu'il a lui-même fait sortir...
Sur le terrain, bien des enseignants, des parents, des directions ont perdu foi en leur ministre, si ce n’est pas en ce gouvernement. Ils lisent les lettres souvent contradictoires ou peu claires qu'il leur envoie et hochent la tête en se demandant comment ce dernier peut encore croire que ses directives seront réalisables. Il a perdu contact avec la réalité et, de son bunker, lance de nouvelles stratégies d'attaque, donne des ordres de redéploiement alors que la bataille est perdue depuis longtemps. L'année scolaire est finie. Il est temps que quelqu'un le lui dise ou indique au premier ministre Legault qu'on doit arrêter de se couvrir de ridicule, de perdre le peu de crédibilité qu'il nous reste comme intervenants en éducation auprès des jeunes et de leurs parents. Travaillons à préparer la prochaine année scolaire plutôt qu'à nous épuiser à poursuivre de chimériques licornes.
En plus d'être un gâchis, la gestion de cette crise en éducation nous met devant un superbe défi: comment développer la motivation intrinsèque de nos jeunes quant à l'école? Comment amener ceux-ci à vouloir apprendre autrement que parce qu'il y a des notes, des bulletins, des examens? C'est là le puissant et désespérant message qu'ils nous envoient actuellement.
06 mai 2020
La gestion de classe du ministre Roberge
Depuis la fermeture des classes, on est capable d'évaluer les capacités de gestion de certains de nos décideurs en éducation. Ainsi, lors des premiers jours, il était normal d’entendre le ministre Roberge expliquer qu’on ne pouvait rien exiger de nos élèves et que c’était comme s’il s’agissait de «vacances». Le ministre s’était aussi avancé à indiquer qu’il n’y aurait plus d’évaluation ministérielle et que la note finale de l’année serait basée sur le jugement professionnel des enseignants. Cette position se défendait puisque plusieurs provinces canadiennes avaient carrément annulé l’année scolaire en cours. Mais voilà qu’au fil du temps, son discours a changé.
Mais avant, soulignons la lenteur avec laquelle le ministère de l’Éducation a mis en place des alternatives éducatives. C’est comme s’il n’y avait pas que le Québec qui était «sur pause». Pendant que les écoles privées fonçaient avec l’enseignement en ligne, le ministre Roberge refusait, sans aucune explication, une offre de la CSBE de partager son expertise de plus de 20 ans d’enseignement à distance. Il aura fallu trois semaines au MEES, en collaboration avec Télé-Québec, pour mettre en ondes un certain contenu éducatif, soit une de plus que La Classe de Marie-Ève qui offrait en ligne chaque jour un contenu précis pour les six années du primaire. Le ministère a aussi mis en ligne un site Internet (l’École ouverte) qui était essentiellement un recensement de contenus Internet déjà existants. Est venue enfin la fameuse Trousse éducative.
Au fur et à mesure des semaines, le discours du ministre Roberge a aussi connu de nombreuses modifications. Des «vacances», on est passé aux «apprentissages facultatifs», aux «apprentissages fortement recommandés» pour arriver aux «savoirs essentiels». Le ministre a aussi ouvert la porte pour que des enseignants puissent demander à leurs élèves de compléter des évaluations qui pourraient modifier à la hausse leur note finale, ce qui est une bonne idée en soit.
Mais sait-on jamais: le ministre va-t-il encore changer d'avis? En effet, les directions d'école et les commissions scolaires sont dans le brouillard le plus complet quant aux notes de fin d'année et redoutent un autre changement de position du ministre. Actuellement, entre les branches, on comprend que M. Roberge va reculer sur ce qu'il a dit. On commence à entendre que le ministère va demander l'enseignement de nouvelles notions et que les enseignants se remettent même à évaluer formellement les élèves comme facteur contraignant pour susciter une certaine motivation chez eux. Devant le manque de motivation intrinsèque des jeunes, on revient à la pédagogie de la note. Et comme enseignant, je vais être gêné de défendre ce nouveau changement du ministre devant un élève ou ses parents.
Mais sait-on jamais: le ministre va-t-il encore changer d'avis? En effet, les directions d'école et les commissions scolaires sont dans le brouillard le plus complet quant aux notes de fin d'année et redoutent un autre changement de position du ministre. Actuellement, entre les branches, on comprend que M. Roberge va reculer sur ce qu'il a dit. On commence à entendre que le ministère va demander l'enseignement de nouvelles notions et que les enseignants se remettent même à évaluer formellement les élèves comme facteur contraignant pour susciter une certaine motivation chez eux. Devant le manque de motivation intrinsèque des jeunes, on revient à la pédagogie de la note. Et comme enseignant, je vais être gêné de défendre ce nouveau changement du ministre devant un élève ou ses parents.
Actuellement, les écoles primaires devront ouvrir leurs portes selon les régions pour, entre autres, «consolider les apprentissages» des jeunes et toutes les écoles du réseau public ont pour consigne d’assurer un enseignement à distance d’ici peu (ce qui constituera une double tâche au primaire). Au secondaire, certaines écoles planchent déjà sur un horaire de classe en temps réel avec un contenu de «savoirs essentiels» qui n’est pas encore déterminé et qui ne peut être évalué si on se base sur les derniers propos du ministre.
Bien des questions demeurent en suspens. Les jeunes seront-ils obligés d’assister à ces cours en ligne? Si oui, qui fournira l’équipement à ces derniers d’ici la mi-mai? On sait qu’une recension du matériel électronique des familles ayant des enfants à l’école a eu lieu la semaine dernière. Mais les 15 000 appareils commandés par le MEES arriveront-ils à temps et surtout suffiront-ils à couvrir tous les besoins? Les enseignants devront-ils prendre les présences lors de ces fameux cours s’ils sont synchrones? Et surtout, que fera-t-on avec tous ces jeunes qui se sont trouvé un emploi ici et là? J’ai même une élève de 12 ans qui a déniché un emploi de «jeune gardienne» pour tout le mois de mai.
Le ministre ne semble pas réaliser tout ce qu’il demande au réseau de l’éducation. Au primaire, quoi qu’en disent certains de leurs représentants, les directions d’école sont exténuées et M. Roberge ne cesse de leur en ajouter sur les bras. Au secondaire, on navigue à vue avec des jeunes qui ont bien souvent décroché avec tous les signaux contradictoires qu’il leur a donnés. Tout cela pour cinq semaines de classe qui s'apparentent à du confinement scolaire au primaire et à de la perte de temps pour plusieurs au secondaire.
Quand on discute autour de nous, qu'on soit membre du personnel, directeur, directeur-général, on voit bien qu'on nage dans l'incohérence et l'improvisation. La CAQ fait même des miracles: un employé à risque le mardi devient sans danger le mercredi. Mais tout cela n’est pas grave. Inconscient de toutes ces réalités, celui qui a été enseignant pendant des années peut compter sur un personnel «docile et obéissant» pour réparer ses erreurs aux yeux du grand public qui n'y voit que du feu.
Quand on discute autour de nous, qu'on soit membre du personnel, directeur, directeur-général, on voit bien qu'on nage dans l'incohérence et l'improvisation. La CAQ fait même des miracles: un employé à risque le mardi devient sans danger le mercredi. Mais tout cela n’est pas grave. Inconscient de toutes ces réalités, celui qui a été enseignant pendant des années peut compter sur un personnel «docile et obéissant» pour réparer ses erreurs aux yeux du grand public qui n'y voit que du feu.
01 mai 2020
Les devoirs de M. Roberge
Comme enseignant, le ministre de l’Éducation a dû donner de nombreux devoirs à ses élèves. Comme ministre, il vient d’en donner tout un aux commissions scolaires, aux directions d’école et au personnel scolaire: celui d’accueillir tous les élèves du réseau primaire en tenant compte des contraintes reliées à une pandémie comme le Québec n’en pas connue depuis près d’un siècle. Réalise-t-il qu’en moins de deux semaines, il demande littéralement à ces intervenants de dédoubler tout le réseau des écoles primaires? En conférence de presse, M. Roberge estimait à 50% le nombre de parents qui renverraient leurs enfants à l’école. Dans certaines régions, des chiffres préliminaires indiquent que ce pourcentage serait de 80%.
Non seulement le ministre donne-t-il un devoir exigeant, mais il se permet même de changer les règles de celui-ci en cours d’exécution: en effet, des parents pourront maintenant choisir d’inscrire leurs enfants à leur guise aux cours de prochaines semaines. A-t-il seulement idée de l’alourdissement de travail et du stress qu’il vient d’ajout aux directions d’école qui devront gérer des groupes dont la taille sera variable selon les semaines? On dirait que ce ministre a oublié que ce sont ces directions qui ont eu à mettre sur pied un service de garde d’urgence en catastrophe tout en continuant à devoir répondre aux différentes demandes administratives de son ministère. M. Roberge aurait intérêt à cesser d’écouter les représentants des directions d’école qui lui disent ce qu’il veut entendre pour aller directement sur le terrain. Il y verrait des gens dévoués mais épuisés et à qui on exige encore, pour reprendre cet euphémisme administratif, de «relever de nouveaux défis».
Cette décision de rouvrir les écoles primaires, M. Roberge l’a prise seul, sans donner l'impression de véritablement consulter les différents intervenants du milieu scolaire, comme s’ils n’étaient que de simples exécutants de ses volontés politiques. Or, il est paradoxal de voir ce même ministre avoir confiance en ceux à qui il demande de mener à bien une mission impossible, mais rarement écouter leurs avis et leur expertise. Assez bons pour exécuter mais pas pour penser. Le ministre décide, délègue et, temps de pandémie oblige, s’en lave les mains.
Comme ministre, M. Roberge devrait réaliser qu’il a aussi de nombreux devoirs à compléter. Le premier, c’est celui d’être franc avec la population et les différents intervenants qu’il a sous sa responsabilité. S’il demande à ces derniers l’impossible et d’aller au front, il devrait avoir le courage de leur dire que la réouverture des écoles est nécessaire pour remettre en marche l’économie québécoise. En tentant de masquer cette évidence, M. Roberge ne s’affirme pas comme un véritable leader et manque de respect envers le personnel scolaire. Il n’y a rien de pire que cette forme de gouvernance que certains pourraient interpréter comme du mépris. Des soldats doivent avoir confiance en leur commandant. Ici, si le personnel scolaire n’avait pas à coeur le bien-être des enfants, il aurait déserté depuis longtemps
Cette franchise, M. Roberge aurait dû aussi l’avoir à l’égard des parents. La réouverture des écoles primaires ne signifie par une retour à la «vie normale». Il est faux d’affirmer que les jeunes y retrouveront leurs amis et leur enseignant. À toute fin pratique, la seule chose qu’on peut garantir est qu’ils seront confinés dans une classe. Avec qui et où? On ne le sait pas. Là encore, le ministre de l’Éducation aurait dû avoir le courage politique de demander aux parents de n’envoyer que les enfants qui seraient restés seuls à la maison avec une éventuel réouverture de l’économie.
Le deuxième devoir de M. Roberge est d’être davantage pro-actif et de consulter ses différents partenaires en éducation. On a l'impression qu'il n'y a pas que le Québec qui a été sur «pause» pendant deux semaines. Il n’est pas normal que le ministère ait rejeté l’offre d’une commission scolaire de partager son expertise d‘enseignement en ligne. Actuellement, les élèves québécois pourraient continuer leurs apprentissages, en faire de nouveaux et même compléter des évaluations comme c’est le cas de leurs jeunes collègues ontariens. Or, il n’en est rien et le ministre n’a pas eu à expliquer pas les raisons de ce refus. Il n’est pas normal non plus que le ministère ait conclu des semaines après l’Ontario des ententes pour fournir des appareils électroniques aux enfants en ayant besoin.
Par ailleurs, le ministre doit déjà élaborer et faire connaitre les différents projets qu’il a pour la prochaine rentrée scolaire et non faire connaitre ses intentions «exécutoires» à la fin du mois d’août. Les enseignants et le personnel scolaire sauront mettre à profit l’été devant eux pour se préparer à ce qui les attend dans le but d’offrir des apprentissages de qualité aux jeunes sous leur gouverne.
Enfin, M. Roberge doit cesser de vivre dans un monde imaginaire et constater que bien des jeunes n’ont plus une très grande motivation intrinsèque quant à leur parcours scolaire actuellement. En cinquième secondaire, les élèves sont généralement acceptés au programme collégial de leur choix et travaillent dans des secteurs utiles à la société. D’autres sont déjà en vacances. Mes collègues qui les appellent les dérangent. Pour les autres niveaux, le degré de motivation est variable. Ce qui est clair, par contre, est que les enseignants ne savent plus quoi dire à des jeunes qui ont entendu le ministre de l’Éducation parler de «congé», puis d’apprentissages «facultatifs», puis d’apprentissages «fortement recommandés» pour enfin terminer par des «apprentissages essentiels». Il est dangereux d’abuser ainsi de sa crédibilité et tant les jeunes que leurs parents ne sont pas dupes de ce discours que nous tentons, bien mal, de soutenir comme enseignants.
L’année scolaire est finie. Comme c’est le cas dans de nombreuses autres provinces canadiennes. Si le gouvernement a décidé de rouvrir les écoles primaires pour accueillir les enfants qui ne peuvent rester seuls à la maison comparativement à leurs grandes soeurs ou leurs grands frères, c’est un choix politique qu’il devrait assumer par respect pour ceux qui oeuvrent dans ces mêmes écoles. Pour le reste, il est normal d’improviser en temps de crise, mais le ministre de l’Éducation a le temps et les ressources pour présenter dès la mi-juin, avec ses partenaires, différents plans quant à la rentrée scolaire 2020-2021.
Inscription à :
Articles (Atom)