14 mai 2020

La leçon de trop du ministre Roberge

Il faut féliciter Mme Gruda qui, la première, a enfin osé remettre en question la gestion cahotique du ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, en ces temps de crise. 

Hier, celui-ci a posé le geste de trop en grondant littéralement les élèves et leurs parents quand on lui a indiqué que de nombreux jeunes avaient décroché de l’enseignement en ligne pour aller travailler dans de multiples commerces qui ont besoin de leur apport. De toute évidence, ce ministre semble incapable de se remettre en question et de prendre la part de responsabilité qui lui revient dans la situation actuelle. 

Sur son fil Facebook, aujourd'hui, le ministre écrit:
«J’en profite au passage pour corriger une information qui a circulé hier soir : je n’ai jamais «grondé» les élèves qui travaillent durant la crise, ni leurs parents. J’ai simplement exprimé l’importance pour nos jeunes du secondaire de poursuivre leurs apprentissages, malgré la crise actuelle. L’année scolaire n’est pas terminée. Dans ce contexte, il est préférable pour un jeune du secondaire d’occuper un emploi à temps partiel et non à temps plein, pour consacrer un maximum de temps à ses études, comme c’est d’ailleurs le cas en temps normal. Nous avons tous un rôle à jouer pour valoriser l’éducation et encourager nos jeunes à consacrer tous les efforts nécessaires à la poursuite et à la consolidation des apprentissages.»

Or, voici ce que déclarait M. Roberge hier à l'Assemblée nationale à 14 mntes 30 sec:
«Mais il y a un message qui est clair et qui doit être passé, qui doit être relayé par tout le monde. Au secondaire comme au primaire, l'année scolaire n'est pas terminée. Ni pour les enseignants ni pour les élèves. Et les élèves qui se sont mis à travailler - 10 heures, 15 heures, 20 heures, 30 heures par semaine: c'est une erreur! Je fais appel à tout le monde pour rappeler ça. Je fais appel aux parents aussi, de dire: «Excuse-moi, jeune homme, jeune fille. L'école n'est pas terminée. Tu reçois des appels de ton enseignant. Tu reçois une trousse pédagogique. Tu as accès à tous les cahiers d'exercices en ligne maintenant parce que le gouvernement a pris des ententes avec les maisons d'édition. On doit terminer l'année scolaire et on doit passer le message tous ensemble.»

Au cours des derniers mois, M. Roberge a failli à de nombreuses reprises et a perdu la confiance de plusieurs membres du personnel scolaire et on ne parle pas seulement d’enseignants. Alors, comment le ministre peut-il blâmer des jeunes pour une situation qu’il a lui-même créée?  En effet, depuis le début de cette crise, rarement a-t-on vu autant de tergiversations et d’errements de la part d’un ministre. Les arguments que cette pandémie est une situation extraordinaire et que «personne ne voudrait être à sa place»  ne tiennent pas quand on regarde ce que d’autres ont fait ailleurs en de pareilles circonstances.

Comment se fait-il qu’après deux semaines où il a donné congé aux enseignants et aux élèves, le ministre soit revenu devant le personnel scolaire avec un plan d’action aussi pauvre et improvisé?  

On l’a souligné, comment croire qu’on puisse donner un message cohérent et motivant aux jeunes quand, en six semaines, le discours ministériel passe d’«apprentissages facultatifs» à des apprentissages «fortement recommandés» pour enfin finir par des «savoirs essentiels» qui sont si clairs qu’on nous demande d’en établir nous-mêmes la liste en équipe-école? 

Une bonne gestion de classe exige deux qualités : de la constance et de la cohérence. Venant d’un ancien enseignant, on se serait attendu à mieux. Pour bien des collègues, il était devenu gênant d’appeler les parents et les jeunes et de répondre à leurs questions concernant les actions du ministre Roberge. S’il avait fait lui-même de tels appels, le député de Chambly aurait pris la pleine mesure de la crise que nous traversons et aurait fait preuve de plus de bienvaillance et d’empathie à l’égard de nombreux Québécois qui vivent des situations de détresse fort complexes.  

De nombreuses actions du ministre demandent à être justifiées. Pourquoi a-t-il refusé dès les premiers jours de cette crise l’expertise reconnue de la commission scolaire Beauce-Etchemin qui œuvre en matière de télé-enseignement depuis plus de 20 ans? Non seulement cette dernière offre-t-elle une vaste gamme de cours en ligne, mais elle peut même leur permettre d’obtenir leur diplôme d’études secondaire à distance. Son ministère peut-il offrir mieux? Non. 

Comme pédagogue, comment peut-on avoir confiance en un ministre qui affirme le plus sérieusement que la plateforme École ouverte, dont il a contribué à l’existence, constitue une référence en télé-enseignement pour la francophonie quand on sait qu’elle n’est qu’un collage de différents sites existant ici et là? D’autres ressources en ligne, comme le site Allô Prof!, sont autrement plus intéressantes. 

Pourquoi le ministre a-t-il attendu jusqu’au 27 avril pour mettre de l’avant un programme d’acquisition d’appareils électroniques favorisant le télé-enseignement alors que l’Ontario avait déjà fait de même dès le mois de mars? Avec un tel retard, est-il conscient que ces appareils arriveront dans les mains des jeunes au mois de juin? Sait-il que ce même retard empêchera les élèves les plus défavorisés de poursuivre leurs apprentissages mais surtout d’améliorer leurs résultats scolaires, ce qui aurait pu éviter certains échecs au bulletin?

Non, définitivement, le ministre Roberge n’a pas de leçon à donner aux parents et aux jeunes. Comment peut-il leur demander de jouer leur rôle quand il a failli à jouer pleinement le sien, comme l'a soulevé une collègue? 

S’il veut regagner la crédibilité qu’il a perdue, il doit impérativement présenter les différents scénarios qu’il entend mettre de l’avant en septembre, notamment en ce qui a trait à l’enseignement à distance. Si l’on veut que la prochaine rentrée soit moins cahotique que la situation actuelle, ces scénarios doivent être connus autrement que par un point de presse deux semaines avant leur application. 

Au moins quatre points essentiels doivent être connus dès juin :
-       Chaque jeune qui en a besoin recevra-t-il un appareil électronique avant le début des classes? 
-       Gardera-t-on les mêmes programmes de formation ou conviendra-t-il de travailler maintenant à les modifier, comme le fait actuellement l’Ontario?
-       Comment s’effectuera l’évaluation en ligne? 
Et surtout, comment arrivera-t-on à motiver les jeunes à poursuivre leurs apprentissages en ligne?

Le ministre a toute une commande devant lui et, en sermonnant malheureusement les parents et les jeunes, il a placé la barre très haut quant à ses prochaines actions 

11 commentaires:

Danielle Ricard, communications CFQ Acton Vale a dit…

Déjà vous êtes masqué... Auriez-vous fait mieux? L'Ontario n'a pas eu à gérer les CHSLD que les libéraux avaient déconfis...C'est très bien de surveiller les intérêts des élèves, des parents, des profs et du système scolaire actuel et à venir. Être gérant l'estrade C'est facile et là encore C'est un héritage de 10 ans des libéraux à ne pas avoir su faire évoluer les écoles. Je ne vous entend pas critiquer ces années de nivellement par le bas. Soyez juste, équitable et continuez votre vigilance. Merci!

Anonyme a dit…

Ah le fameux argument de «Auriez-vous fait mieux» ou le fameux«Je n'aimerais aps être à votre place.»... Vous êtes sérieux, là? le ministre a promis 15 000 appareils électroniques deux semaines trop tard... Allez-vous comment le ministre de l'Éducation a agi en Ontario.

https://www.journaldemontreal.com/2020/05/15/lecole-a-la-maison-sans-tablette-ni-ordinateur

PM

Pierre a dit…

'L'Ontario n'a pas eu à gérer les CHSLD que les libéraux avaient déconfis...' Était-ce le travail du ministère de l'éducation et du ministre Roberge ? Il s'en est lavé les mains et il a passé la responsabilité aux directions d'école, aux profs et aux... inutiles commissions scolaires.

Arnaud Boucher a dit…

La fameuse faute des libéraux... alors peut-on savoir pourquoi Legault a choisi comme Ministre des aînées la même que sous Jean Charest ?? De plus, les aînées et l'éducation sont deux ministères différents, donc la gestion de l'un n'a rien à voir avec celle de l'autre. Je ne défend pas les libéraux, loin de là... mais je suis tanné d'entendre cet argument pour défendre la CAQ qui a fait campagne sur des enjeux ridicules et éloignés de la réalité, qui ne peuvent que malmener les écoles davantage (maternelle 4 ans, loi 21...), sans parler des baisses d'impôts promises qui dans le contexte actuel ne font aucun sens.

Caraxoel a dit…

Tout est dit!
Merci 🌞

Anonyme a dit…

Les fameuses trousses pédagogiques sont indignes d’un enseignant. Enseigner, c’est planifier ; comment peut-on le faire quand on n’a pas le contenu des trousses pédagogiques ? En tout cas, lorsque mon équipe matière s’est réunie afin de planifier le reste de l’année, personne n’a parlé d’utiliser les trousses pédagogiques. Et en cela, oui j’aurais fait mieux que ces activités construites sur le coin d’une table.

Le professeur masqué a dit…

Unknown 1 je rajoute un peu.

Je ne vois pas en quoi la situation des CHSLD a à voir avec les initiatives d'un ministre de l'Éducation. Je vais radoter mais bon.
1- Il a refusé l'offre de la CSBE de mettre un véritable enseignement en ligne.
2- Il a attendu à la fin avril pour conclure une entente pour des portables. L'Ontario l'a fait en mars.
3- La plateforme École ouverte n'est pas une référence en télé-enseignement. LA référence, c'est Allô-Prof.
4- La qualité pédagogique des émissions de Télé-Québec a été complètement été «blasée« par une simple enseignant du primaire sur internet.
5- Si vous voulez me lire critiquer les années libérales, mon blog couvre aussi cette époque. :)



Anonyme a dit…

J'ajouterais qu'il parle d'une rentrée à distance au secondaire mais persiste et signe avec le maintien et l'augmentation des maternelles 4 ans pour septembre...

Anonyme a dit…

Je veux vous remercier de mettre en mots, à travers les semaines, ce que je constate aussi. Merci!

Anonyme a dit…

Premièrement, Roberge n'a rien à voir avec les chsld, son rôle, c'est de s'occuper de l'éducation et il est évident qu'il ne possède pas les compétences pour remplir son mendat.

Anonyme a dit…

Il semble y avoir 2 mondes entre les écoles pupliques et les écoles privées.
Les écoles privées se sont ajustées rapidement en instaurant des activités en ligne....chaque enfant a son ordinateur 💻 ce qui n'a pas été le cas pour les écoles publiques.
Directives du Ministère qui n'arrivent pas...ordinateurs qui manquent...etc...
À tout le monde en parle Patrice l'Équyer disait : ". Je suis chanceux, mes enfants vont à l'école privée, ils font tous leurs apprentissage en ligne". M. Le ministre, je crois que vos enfants vont également au privé!?
Autour de moi j'entends beaucoup de personnes qui inscriront leurs enfants au PRIVÉ l'an prochain....ne nous demandons pas pourquoi...
Dommage pour tous ces enseignants qui font tout leur possible en ces temps de pandémie.
Je suis de tout coeur avec eux.
Y a-t-il une justice?