Nous vivons actuellement une crise sanitaire comme nous n'en avons jamais connu depuis cent ans et le Québec oscille entre deux attitudes: celle de dire que nous sommes en guerre et celle de vouloir que les choses suivent leur cours normal. Le ministère de l'Éducation est pris dans cette tourmente et s'en tire résolument mal.
Un site décevant pour certains
Le MEES a annoncé hier la mise en ligne d'un site Internet pour accompagner les parents dans les apprentissages de leurs enfants à la maison. Pour le citoyen moyen, ce site sera un bel outil de départ. Par contre, il faut le constater: il ne s'agit que d'un répertoire de sites déjà existants et une recherche sur Internet aurait permis à un individu le moindrement débrouillard de les trouver. De plus, des contenus pour certaines matières sont inexistants, ce qui est troublant. Enfin, des liens fonctionnent mal.
On répond aux critiques que le site sera mis à jour chaque semaine, qu'il faut bien commencer quelque part. Pour les enseignants, le résultat est décevant mais peu surprenant. Il illustre très bien la rapidité d'exécution du ministère. Voilà ce que celui-ci, avec toute son organisation, est capable de produire en deux semaines.
Il est incompréhensible que le MEES n'ait pas demandé à certains enseignants de permettre l'accès à leur site personnel par matière et par niveau avec du matériel qu'ils utilisaient déjà en classe. Au lieu d'utiliser les forces vives du réseau, le ministère fonctionne encore en mode «top-down», c'est-à-dire qu'il se fie toujours à ses fonctionnaires plutôt qu'aux praticiens, soit les enseignants, les orthopédagogues et les psychoéducateurs.
Il est incompréhensible également que le MEES n'ait pas obtenu rapidement des maisons d'édition de mettre en ligne tout le matériel reproductible gratuit qu'elles produisent comme accompagnement aux manuels scolaires qu'elles vendent aux écoles.
Opération «effets scolaires»
Une autre initiative fort questionnable du Ministère est de demander aux centres de services de permettre aux parents de pouvoir aller chercher les effets scolaires de leurs enfants dans les écoles alors que nous sommes, faut-il le rappeler, en pleine pandémie. Déjà, le département de santé publique a annulé cette opération dans deux régions du Québec lourdement affectées par le Covid-19. Attend-on que les chiffres soient aussi désastreux dans d'autres secteurs pour comprendre qu'il ne s'agit pas d'une bonne idée?
On nous répond que les principales de distanciation sociale seront appliquées. Mais pour paraphraser le grand philosophe Pierre-Yves McSween: «En a-t-on vraiment besoin?» Actuellement, alors qu'on commencer à manquer de masques dans les hôpitaux, a-t-on vraiment besoin d'augmenter les risque de contagion? De même, alors que le premier ministre Legault et le docteur Arruda demandent à la population de limiter ses déplacements, comment peut-on approuver une telle initiative qui encourage des dizaines de milliers de parents à circuler ainsi? Le virus n'a pas de jambe, lit-on un peu partout. Non, il a suffisamment des nôtres et du manque de jugement de certains, faut-il croire.
Bref, à force de vouloir que les choses suivent leur cours normal, on s'illusionne. Et bien qu'il faille être solidaire dans la lutte que nous livrons (j'écris à mes élèves, je mets du contenu en ligne, etc.), cela ne nous empêche pas de conserver nos capacités critiques. Quant à moi, l'année scolaire en cours est bel et bien terminée. Les enseignants sont capables de porter un jugement de maitrise sur les apprentissages de leurs élèves de cette année et sauront bien accueillir ceux-ci quand la plupart d'entre eux retourneront en classe.
S'il y a de l'éducation à faire actuellement, c'est davantage d'expliquer aux gens de cesser de faire du tourisme à Bromont...
31 mars 2020
26 mars 2020
Négociations urgentes : je ne comprends pas
Voilà plus de deux semaines que les écoles sont fermées. En ces temps difficiles, c’était la décision à prendre. Il aura fallu attendre une semaine de plus pour mettre tout le Québec sur pause, mais on y est enfin arrivé.
En fait, tout le Québec n’est pas sur pause. Ici et là, on s’inquiète. Pas des risques d’être infecté. Pas que nos proches soient atteints ou malades. On s’inquiète des apprentissages des enfants et on commence à se livrer ici et là à des commentaires parfois désobligeants sur les enseignants.
On me permettra ici d’écrire que moi aussi, je suis inquiet. Comme vous tous, je suis inquiet pour mes proches, ma famille, mes amis. Pour l’avenir. Et honnêtement, je suis aussi inquiet pour certains de mes élèves. Pas à cause de leurs apprentissages. En temps et lieu, j’ai confiance que nous saurons rattraper ce retard. Je suis inquiet pour mes élèves qui ne mangent pas à leur faim, pour ceux qui vivent dans des milieux toxiques, pour ceux qui ne voient pas la psychologue de l’école et qui avaient déjà des idées suicidaires. Ces enfants, bien des parents ne savent pas qu’ils existent. Ce ne sont pas leurs, mais ce sont un peu des miens.
Bien des gens aimeraient que nous fassions comme si de rien n’était, que nous organisions de l’enseignement en ligne. Personne n’est prêt à cela, pour différentes bonnes raisons qu’on a pu lire ici et là. Le système scolaire et certains intervenants ont fait la preuve de leur inefficacité de bien des manières au cours des derniers jours. Il faudra en tirer des leçons. Mais pas maintenant.
Bien des profs piaffent d’impatience aussi. Dans certaines régions, ils ont organisé une parade dans les rues où habitent leurs élèves pour indiquer qu’ils pensent à eux. D’autres ont organisé des groupes Facebook d’apprentissage sans pour autant viser un contenu académique. D’autres enfin attendent. Ils attendent que le ministère se branche. Oui, oui : le même ministère qui nous a parlé de décentraliser les pouvoirs dans les écoles. Pourquoi cette attente? Parce qu’on leur a appris avec le temps à ne plus avoir d’initiative, à suivre les ordres.
L’enseignement en ligne? Il faudra patienter une semaine de plus que prévu pour voir des contenus ministériels en ligne. Des collègues en ont mis en moins de 24 heures. Aller chercher les effets scolaires dans les écoles? Des directions ont trouvé il y a une semaine une façon de rendre les objets essentiels aux parents qui en faisaient la demande parce qu’elles voyaient bien qu’il était insensé d’ouvrir les écoles à tout le monde en même temps. Les services de garde pour les enfants des employés des services essentiels de l’État? Des parents et des directions se rendent compte qu’il est illogique d’envoyer leurs enfants dans un lieu qui va à l’encontre de la distanciation sociale.
Aujourd’hui, le ministère invite les enseignants à écrire à leurs élèves. Je ne sais pas si quelqu’un à Québec sait que certains profs du secondaire ont jusqu’à 360 élèves…
Aujourd’hui, j’apprends aussi qu’en pleine pandémie mondiale, le gouvernement veut négocier rapidement toutes les conventions collectives des employés de l’État. Je croyais que la priorité de tous les Québécois étaient de sauver des vies…
Manifestement, il doit y avoir quelque chose que je ne comprends pas. Ça sera une de plus. Je m en doute. Mais de voir le gouvernement s'empresser de négocier nos conventions collectives, quel mauvais message. Ça manque de distanciation politique et sociale. Les snow birds sont bien légitimes de faire leur épicerie en Winnebago.
24 mars 2020
Examens ministériels annulés : un peu de décence!
Alors que la planète vit au rythme macabre d’une pandémie et que bien des Québécois sont inquiets pour leur santé, ne voilà-t-il pas que deux bons universitaires en éducation trouvent fort à propos de nous entretenir du manque de pertinence des examens ministériels de fin d’année.
Au nom d’une vison progressiste de l’apprentissage, ils expliquent que l’annulation de ces examens est sans conséquence. En fait, ces idéologies opportunistes en temps de crise en profitent surtout pour faire avancer leur agenda personnel.
Désolé, messieurs, mais si vous ne l’avez pas remarqué, notre société vit actuellement des moments angoissants. Qu’on questionne la validité de ces examens, soit. Mais en ces temps troublés, c’est légèrement indécent! Actuellement, les jeunes, que vous dites défendre contre une évaluation abusive, auraient besoin de chevaliers qui pensent plus loin que leur cause personnelle.
L'école au temps du choléra
La crise sanitaire que connait actuellement l'ensemble du monde révèle bien comment nous voyons la vie. Et au Québec, au niveau de l'éducation, celle-ci montre bien la définition que certains ont de l'école.
Tout d'abord, on l'a vu, pour bien des parents, l'école est simplement une garderie. C'est un endroit pratique où l'on parque ses enfants parce qu'on ne sait pas quoi faire avec eux et qu'on est vite dépassé quand vient le temps de les occuper. Qu'on pense à cette dame qui avouait candidement à la caméra qu'avec le confinement demandé par le gouvernement, elle ne savait désespérément pas ce qu'elle allait faire avec les siens...
Ensuite, pour d'autres, l'école est un lieu d'apprentissage. Mais là encore, des nuances s'imposent. C'est un lieu d'apprentissages scolaires. Les jeunes doivent y apprendre des notions utiles pour une éventuelle profession afin de gagner leur vie. Aussi, doit-on s'assurer qu'ils n'aient pas de retard académique, quitte à favoriser un apprentissage en ligne. Cette notion d'apprentissage en ligne sous-tend que le rôle de l'enseignant est peu utile, qu'un jeune peut apprendre seul avec de bons outils. Que fait-on alors de l'effet enseignant, de la relation prof-élève? Elle passe magiquement à la trappe alors qu'elle est pourtant au centre de plusieurs discours visant à mettre davantage de responsabilités sur les épaules des profs.
On découvre aussi à quel point certains parents ont un rapport anxieux avec l'avenir de leurs enfants. S'ils n'ont pas d'école, ce n'est rien de moins que l'avenir de ces derniers qui sera menacé. Dans un contexte où la santé de tout être humain devrait être au coeur de nos préoccupations, on comprend pourquoi certains jeunes sont si stressés avec leurs résultats scolaires. Dans les faits, certains parents projettent leur propre angoisse sur leur progéniture. Oui, une pause n'est pas indiquée, mais elle ne tuera personne au sens propre comme au sens figuré. Il est ironique que, parmi ces parents qui s'inquiètent de l'avenir scolaire de leurs enfants, quelques-uns ont fait manquer la classe à ceux-ci pour aller en voyage dans des pays qu'on sait aujourd'hui contaminés. Je doute également que les parents de Bergame en Italie demandent un rapide retour en classe actuellement, trop occupés qu'ils sont à pleurer leurs proches décimés.
Pour les élèves, particulièrement les plus jeunes, la fermeture des écoles est surtout la perte d'un milieu social dans lesquels ils s'inscrivaient. Amis, adultes, professionnels qui les soignaient: ils se retrouvent seuls avec une réalité difficile à gérer, parfois même avec des parents hautement toxiques. Dans certains cas, ils n'auront rien à manger au déjeuner. Ce sont ces enfants qui devraient être l'objet de nos inquiétudes.
Enfin, de façon générale, ce que l'on constate est que l'école québécoise se définit surtout par son iniquité. À deux, à trois, à quatre vitesse? Dans les milieux plus aisés, on passera au travers de cette crise avec une école privée qui assurera un enseignement en ligne avec des élèves utilisant déjà leur propre ordinateur en classe. J'ai déjà oeuvré avec une clientèle similaire et c'est incroyable ce qu'un jeune peut faire quand il est bien équipé, bien encadré et habile avec différentes plate-formes d'apprentissage. Mais est-ce le cas de tous? Dans les faits, pour les autres, la situation sera variable. Ce qui nous montre bien à quel point il faudra agir quand les temps doux seront revenus. Agir: pas que parler et parler et parler...
Pour l'instant, en ces moments de tourmente, il existe deux choses que bien des parents québécois sont capables d'enseigner à leurs enfants avec un peu de bonne volonté. La première est simplement la vie, avec l'importance des lien et des gens qui nous entourent. La seconde est le respect envers ceux qui se battent en première ligne pour contrer cette pandémie; médecin, infirmière, pharmacien, éducateur, camionneur, concierge, commis d'épicerie, etc. Je connais plusieurs anciens élèves qui occupent ce type d'emploi actuellement et ils ont toute mon admiration.
L'égoïsme de ceux qui refusent de se placer en confinement alors qu'il est obligatoire dans leur cas ou qui adoptent des comportements pouvant nuire à la santé d'autrui est la malheureuse preuve que, comme société, nous avons bien des progrès à faire en matière d'éducation.
Tout d'abord, on l'a vu, pour bien des parents, l'école est simplement une garderie. C'est un endroit pratique où l'on parque ses enfants parce qu'on ne sait pas quoi faire avec eux et qu'on est vite dépassé quand vient le temps de les occuper. Qu'on pense à cette dame qui avouait candidement à la caméra qu'avec le confinement demandé par le gouvernement, elle ne savait désespérément pas ce qu'elle allait faire avec les siens...
Ensuite, pour d'autres, l'école est un lieu d'apprentissage. Mais là encore, des nuances s'imposent. C'est un lieu d'apprentissages scolaires. Les jeunes doivent y apprendre des notions utiles pour une éventuelle profession afin de gagner leur vie. Aussi, doit-on s'assurer qu'ils n'aient pas de retard académique, quitte à favoriser un apprentissage en ligne. Cette notion d'apprentissage en ligne sous-tend que le rôle de l'enseignant est peu utile, qu'un jeune peut apprendre seul avec de bons outils. Que fait-on alors de l'effet enseignant, de la relation prof-élève? Elle passe magiquement à la trappe alors qu'elle est pourtant au centre de plusieurs discours visant à mettre davantage de responsabilités sur les épaules des profs.
On découvre aussi à quel point certains parents ont un rapport anxieux avec l'avenir de leurs enfants. S'ils n'ont pas d'école, ce n'est rien de moins que l'avenir de ces derniers qui sera menacé. Dans un contexte où la santé de tout être humain devrait être au coeur de nos préoccupations, on comprend pourquoi certains jeunes sont si stressés avec leurs résultats scolaires. Dans les faits, certains parents projettent leur propre angoisse sur leur progéniture. Oui, une pause n'est pas indiquée, mais elle ne tuera personne au sens propre comme au sens figuré. Il est ironique que, parmi ces parents qui s'inquiètent de l'avenir scolaire de leurs enfants, quelques-uns ont fait manquer la classe à ceux-ci pour aller en voyage dans des pays qu'on sait aujourd'hui contaminés. Je doute également que les parents de Bergame en Italie demandent un rapide retour en classe actuellement, trop occupés qu'ils sont à pleurer leurs proches décimés.
Pour les élèves, particulièrement les plus jeunes, la fermeture des écoles est surtout la perte d'un milieu social dans lesquels ils s'inscrivaient. Amis, adultes, professionnels qui les soignaient: ils se retrouvent seuls avec une réalité difficile à gérer, parfois même avec des parents hautement toxiques. Dans certains cas, ils n'auront rien à manger au déjeuner. Ce sont ces enfants qui devraient être l'objet de nos inquiétudes.
Enfin, de façon générale, ce que l'on constate est que l'école québécoise se définit surtout par son iniquité. À deux, à trois, à quatre vitesse? Dans les milieux plus aisés, on passera au travers de cette crise avec une école privée qui assurera un enseignement en ligne avec des élèves utilisant déjà leur propre ordinateur en classe. J'ai déjà oeuvré avec une clientèle similaire et c'est incroyable ce qu'un jeune peut faire quand il est bien équipé, bien encadré et habile avec différentes plate-formes d'apprentissage. Mais est-ce le cas de tous? Dans les faits, pour les autres, la situation sera variable. Ce qui nous montre bien à quel point il faudra agir quand les temps doux seront revenus. Agir: pas que parler et parler et parler...
Pour l'instant, en ces moments de tourmente, il existe deux choses que bien des parents québécois sont capables d'enseigner à leurs enfants avec un peu de bonne volonté. La première est simplement la vie, avec l'importance des lien et des gens qui nous entourent. La seconde est le respect envers ceux qui se battent en première ligne pour contrer cette pandémie; médecin, infirmière, pharmacien, éducateur, camionneur, concierge, commis d'épicerie, etc. Je connais plusieurs anciens élèves qui occupent ce type d'emploi actuellement et ils ont toute mon admiration.
L'égoïsme de ceux qui refusent de se placer en confinement alors qu'il est obligatoire dans leur cas ou qui adoptent des comportements pouvant nuire à la santé d'autrui est la malheureuse preuve que, comme société, nous avons bien des progrès à faire en matière d'éducation.
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