24 mars 2020

L'école au temps du choléra

La crise sanitaire que connait actuellement l'ensemble du monde révèle bien comment nous voyons la vie.  Et au Québec, au niveau de l'éducation, celle-ci montre bien la définition que certains ont de l'école.

Tout d'abord, on l'a vu, pour bien des parents, l'école est simplement une garderie. C'est un endroit pratique où l'on parque ses enfants parce qu'on ne sait pas quoi faire avec eux et qu'on est vite dépassé quand vient le temps de les occuper. Qu'on pense à cette dame qui avouait candidement à la caméra qu'avec le confinement demandé par le gouvernement, elle ne savait désespérément pas ce qu'elle allait faire avec les siens...

Ensuite, pour d'autres, l'école est un lieu d'apprentissage. Mais là encore, des nuances s'imposent. C'est un lieu d'apprentissages scolaires. Les jeunes doivent y apprendre des notions utiles pour une éventuelle profession afin de gagner leur vie. Aussi, doit-on s'assurer qu'ils n'aient pas de retard académique, quitte à favoriser un apprentissage en ligne. Cette notion d'apprentissage en ligne sous-tend que le rôle de l'enseignant est peu utile, qu'un jeune peut apprendre seul avec de bons outils. Que fait-on alors de l'effet enseignant, de la relation prof-élève? Elle passe magiquement à la trappe alors qu'elle est pourtant au centre de plusieurs discours visant à mettre davantage de responsabilités sur les épaules des profs.

On découvre aussi à quel point certains parents ont un rapport anxieux avec l'avenir de leurs enfants. S'ils n'ont pas d'école, ce n'est rien de moins que l'avenir de ces derniers qui sera menacé. Dans un contexte où la santé de tout être humain devrait être au coeur de nos préoccupations, on comprend pourquoi certains jeunes sont si stressés avec leurs résultats scolaires. Dans les faits, certains parents projettent leur propre angoisse sur leur progéniture. Oui, une pause n'est pas indiquée, mais elle ne tuera personne au sens propre comme au sens figuré. Il est ironique que, parmi ces parents qui s'inquiètent de l'avenir scolaire de leurs enfants, quelques-uns ont fait manquer la classe à ceux-ci pour aller en voyage dans des pays qu'on sait aujourd'hui contaminés. Je doute également que les parents de Bergame en Italie demandent un rapide retour en classe actuellement, trop occupés qu'ils sont à pleurer leurs proches décimés.

Pour les élèves, particulièrement les plus jeunes, la fermeture des écoles est surtout la perte d'un milieu social dans lesquels ils s'inscrivaient. Amis, adultes, professionnels qui les soignaient: ils se retrouvent seuls avec une réalité difficile à gérer, parfois même avec des parents hautement toxiques. Dans certains cas, ils n'auront rien à manger au déjeuner. Ce sont ces enfants qui devraient être l'objet de nos inquiétudes.

Enfin, de façon générale, ce que l'on constate est que l'école québécoise se définit surtout par son iniquité. À deux, à trois, à quatre vitesse? Dans les milieux plus aisés, on passera au travers de cette crise avec une école privée qui assurera un enseignement en ligne avec des élèves utilisant déjà leur propre ordinateur en classe. J'ai déjà oeuvré avec une clientèle similaire et c'est incroyable ce qu'un jeune peut faire quand il est bien équipé, bien encadré et habile avec différentes plate-formes d'apprentissage. Mais est-ce le cas de tous? Dans les faits, pour les autres, la situation sera variable. Ce qui nous montre bien à quel point il faudra agir quand les temps doux seront revenus. Agir: pas que parler et parler et parler...

Pour l'instant, en ces moments de tourmente, il existe deux choses que bien des parents québécois sont capables d'enseigner à leurs enfants avec un peu de bonne volonté. La première est simplement la vie, avec l'importance des lien et des gens qui nous entourent. La seconde est le respect envers ceux qui se battent en première ligne pour contrer cette pandémie; médecin, infirmière, pharmacien, éducateur, camionneur, concierge, commis d'épicerie, etc. Je connais plusieurs anciens élèves qui occupent ce type d'emploi actuellement et ils ont toute mon admiration.

L'égoïsme de ceux qui refusent de se placer en confinement alors qu'il est obligatoire dans leur cas ou qui adoptent des comportements pouvant nuire à la santé d'autrui est la malheureuse preuve que, comme société, nous avons bien des progrès à faire en matière d'éducation.




Aucun commentaire: