24 janvier 2019

Signes religieux: retour sur les propos de la vice-première ministre

Actuellement, le nouveau gouvernement de la CAQ profite d'une lune de miel particulièrement longue du fait qu'il a été élu en octobre dernier et a ainsi pu bénéficier du long congé parlementaire des Fêtes. Mais voilà: ce congé se termine bientôt et il lui faudra alors affronter la réalité.

Déjà, on commence à voir poindre l'improvisation de certains porte-paroles du gouvernement en place en ce qui a trait à l'éducation. Récemment, Mme Guilbault, ministre de la Sécurité publique et vice-première ministre du Québec, a fait l'étalage, quant à moi, non seulement de sa méconnaissance du sytème scolaire québécois mais aussi de l'incohérence de la CAQ en ce qui a trait à l'interdiction du port des signes religieux pour les enseignants.

On sait que la CAQ propose de déplacer à un autre poste - sans contact avec le public - tout fonctionnaire qui refuserait de se conformer à une éventuelle loi demandant qu'il ne porte plus de signe religieux dans le cadre de son travail. En éducation, dans le cadre d'un entrevue au Journal de Montréal, Mme Guilbault affirmait: «Un enseignant peut travailler, j'imagine, à la direction de l'école.»

Or, la réalité n'est pas aussi simple que la députée de Louis-Hébert semble le penser. Tout d'abord, si on veut qu'il travaille «à la direction d'une école», l'enseignant déplacé devrait avoir les qualifications légales pour occuper ce poste, soit un diplôme d'études supérieures spécialisées (DESS). On ne peut donc pas muter quelqu'un aussi facilement.  De plus, cette façon de procéder ne vient-elle pas court-circuiter le processus de nomination des directions d'école? Devra-t-on obligatoirement choisir certains candidats pour cette importante fonction alors qu'ils refusent de se conformer à la loi? On voit poindre un certain illogisme.

Outre les compétences que n'aurait pas nécessairement l'enseignant muté, on peut également se questionner sur la motivation dont il fera preuve dans un poste aussi important et dont il n'aurait pas voulu. Peut-être l'augmentation de salaire à laquelle il aurait droit saura le convaincre d'occuper cette fonction? Muté à un poste pour lequel il n'est peut-être pas qualifié parce qu'il ne respecte pas la loi et, par surcroît, avoir une augmentation de salaire?  


Ensuite, si un enseignant ne peut porter de signe religieux devant des élèves parce qu'il serait en position d'autorité, comment peut-on penser qu'une direction d'école le serait moins? Non seulement celle-ci doit appliquer le code de vie de l'établissement scolaire qu'elle dirige et les sanctions qui s'ensuivent parfois, mais elle est aussi le leader de cette institution. Et elle pourrait porter un signe religieux mais pas les enseignants sous sa gouverne.

À moins, bien sûr, que Mme Guilbault se soit mal exprimée et ait voulu dire que l'enseignant récalcitrant travaillera «pour» la direction de l'école. Peut-être classera-t-il des papiers, prendra-t-il ses rendez-vous... Encore là: il y a un problème. Il existe déjà des postes clairement définis par les différentes conventions collectives pour de telles tâches. Et cet enseignant fera ce travail normalement moins rénuméré tout en touchant son plein salaire de prof? Chaque déplacement entrainera inévitablement son lot de griefs.

Non, décidément, la rentrée parlementaire québécoise s'annonce particulière.