30 septembre 2008

Elle sévit encore...

J'ai une bête noire que j'aime bien détester. Voilà qu'elle écrit cette semaine une série de textes sur les avantages et les inconvénients de l'école privée et de l'école publique sur Espace parents.ca.
«Voici l'heure juste sur des idées véhiculées au sujet des écoles publiques et privées au Québec.» Heure juste? Pour moi, la montre de certains retarde. Parlons plutôt d'opinions. Si certains éléments de ces textes sont fort informatifs, d'autres versent dans le préjugé et la généralisation, quant à moi. Je me permets de relever ici quelques passages plutôt discutables et d'y aller avec mes préjugés, moi aussi.
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Les mythes à propos des établissements privés et publics (texte 1)
Les meilleurs enseignants se retrouvent à l'école privée

Faux: Il y a de bons et de mauvais professeurs partout. Au Québec, il y a une pénurie d'enseignants. En conséquence, dès qu'une institution, publique ou privée, reçoit une candidature, elle l'étudie avec soin. Il est certain que la sélection est moins sévère partout, étant donné le manque d'enseignants. Cependant, les collèges privés peuvent assouplir certains critères d'embauche (équivalences, cours pas encore terminés) et accepter des candidatures que le milieu scolaire public ne retiendrait pas à cause des obligations liées aux syndicats.
Comment concilier le fait que les candidatures sont étudiées «avec soin» avec le fait que la sélection «moins sévère partout»? Ça me semble un peu contradictoire, non?
De plus, les écoles publiques, elles aussi, peuvent assouplir les condition d'embauche. Et si le milieu scolaire public ne retient pas certaines candidature à cause d'obligation liées aux syndicats, c'est à cause de dispositions liées à des conventions collectives signées à la fois par le gouvernement, les CS et les méchants syndicats qui, on le verra, ont le dos bien large.
Privée ou publique… comment choisir? (texte 2)
Il est vrai que les collèges privés offrent un cadre plus strict. Même si l'école privée n'hésite pas à faire des interventions disciplinaires et à imposer des conséquences, elle n'est pas un centre de redressement!
On sait tous que l'école publique est une foire permissive tandis qu'au privé, on est vraiment sévère. Tiens, au collège privé à côté de chez moi, on n'a pas hésité à suspendre des élèves qui avaient fait une bataille de bouffe à la cafétéria. Rien de cela dans mon école n'a été nécessaire. Il n'y a pas eu de bataille de bouffe.
Dans la même veine, côté rigueur, au Collège Charlemagne, le directeur modifiait les notes des élèves pour mieux paraître dans les palmarès. Je n'ai jamais vu un directeur d'une école publique faire de même.
Tous les professeurs ont la même formation, qu'ils enseignent au privé ou au public. Toutefois, oeuvrant la plupart du temps dans un milieu non syndiqué, les enseignants du privé ont moins recours aux moyens de pression et aux autres revendications.
Ah! Les méchants enseignants syndiqués... À ce que je sache, les derniers cas d'élèves privés de cours sont justement ceux de collèges privés ou les enseignants ont été mis en lock out par la partie patronale. Leur année scolaire a été menacée à un point tel que certains sont allés s'inscrire en catastrophe au secteur public. Bel exemple de conscience sociale et de respect des jeunes. On se garde une petite gêne...
Il est vrai que les revendications des enseignants pour avoir des classes moins nombreuses, de meilleurs services éducatifs sont hautement questionnables.
De plus, on semble confondre ici «moyens de pression» et «revendications». Avoir «recours (...) aux autres revendications» comme il est écrit ici est carrément mal formulé.
Les avantages et les inconvénients des deux systèmes (texte 3)
École publique: les inconvénients

Rotation fréquente des enseignants (maladie, congé de maternité)

C'est bien connu: les enseignants au privé ne se reproduisent pas tellement ils sont ocupés à travailler fort et, pourtant, ils ne sont jamais malades comme les fainéants du réseau public. Sur quels chiffres se base-t-on pour y aller d'une telle affirmation?
Les moyens de pression et les grèves dans le réseau public peuvent nuire aux étudiants et à leurs parents.
Ah! Encore les méchants enseignants syndiqués...
Les repas chauds ne sont pas toujours accessibles et, s'ils le sont, ils seront plus souvent préparés d'avance.
Alcatraz et les écoles publiques, même combat! Encore une fois, peut-on avoir des chiffres? Peut-on aussi souligner que le coût des repas des écoles publiques est moins élevé qu'au privé?
École privée: les avantages
L'enseignement de l'anglais dès la première année est offert depuis longtemps (même si le réseau public l'offre depuis 2006)
Donc, ou est l'avantage si l'école publique offre le même service que le privé? Parce qu'elle l'offre depuis plus longtemps?
Un service de cafétéria (repas chauds) est généralement accessible.
Public = Alcatraz et ses rations froides, ne pas oublier de le répéter...
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Si on additionne ces textes avec celui de Renée Laurin intitulé Peur de l'école publique ou elle explique pourquoi ses deux enfants vont au privé ainsi qu'avec le Palmarès des écoles du Journal de Montréal, il n'y a aucun doute que l'école privée remporte la palme.
Il ne reste plus alors qu'à aimer assez fort ses enfants pour avoir le fric pour les envoyer dans ce type d'établissement.

28 septembre 2008

Le perfectionnisme… envers les autres

Dans ce deuxième billet d’une série de trois, je m’intéresserai au perfectionnisme qu’un enseignant tente d’exercer sur les autres. Car le perfectionnisme qu’un enseignant exerce envers lui-même est bien souvent aussi reporté sur les autres : élèves, collègues et entourage personnel.

En effet, ce métier l’oblige à être constamment en interaction et à développer des comportements qui frisent l’automatisme. Combien de fois corrigez-vous les fautes d’un menu d’un restaurant? Combien de fois êtes-vous sur le point d’appliquer le code de vie à l’extérieur de votre école le soir et la fin de semaine?

Envers les élèves

En poussant les élèves à donner plus que le meilleur d’eux-mêmes, un enseignant peut dévaloriser un jeune en ne soulignant que les aspects négatifs de son travail.

L’insatisfaction du professeur – dont l’élève recherche consciemment ou non l’approbation et le soutien – viendra alors miner la confiance et l’estime de soi de ce dernier. Qu’on ne se trompe pas : je ne suis pas partisan de bercer un jeune dans un monde de douces illusions, mais tout ne peut être rarement que mauvais dans un travail. Pour le perfectionniste, par contre, rien n’est bon, sinon que l’excellence… et encore.

D’autres effets néfastes pourront aussi survenir.

L’élève négligera le travail à effectuer dans d’autres matières pour se concentrer dans celle ou il estime, selon les commentaires de son prof, qu’il est «poche» et finira par insatisfaire tous ses enseignants, développant ainsi l’idée qu’il n’est qu’un bon à rien. Le jeune pourra aussi développer des problèmes d’anxiété et de stress ayant des répercussions importantes dans sa vie personnelle et familiale. Enfin, il pourra s’épuiser à réussir pour finalement s’épuiser tout court.

Les «bébittes» de son prof deviendront alors les siennes. Et comme le mal se nourrit du mal, un enseignant perfectionniste se trouvera encore plus moche du fait que ses élèves ne réussissent pas à la hauteur des attentes et des efforts qu’il a placés en eux.

On pourra alors assister à des affrontements «épiques» entre un prof et ses élèves : ce dernier tentera de les pousser à la réussite pour confirmer en fait la sienne alors que ceux-ci chercheront à se libérer de la tyrannie de la perfection qu’on leur impose et qui les mène à des comportements malsains

Envers les collègues

L’attitude d’un perfectionniste est souvent ambiguë, à l’image de la relation qu’il entretient avec lui-même : il peut souvent dénigrer ses collègues comme les envier.

Généralement, il ne comprendra pas les faiblesses des autres puisqu’il ne se pardonne pas les siennes. Le jugement qu’il exercera sur ses confrères sera à la hauteur de ses attentes personnelles et il n’attendra d’eux pas moins que ce qu’il est prêt à faire lui-même.

Dans un même temps, il enviera les bons coups de ses confrères et pourra aller jusqu’à dénigrer ceux qui lui font de l’ombre, ceux qui sont meilleurs que lui.

Par ailleurs, le perfectionniste acceptera mal les critiques des collègues. À ses yeux, il peut estimer que celles-ci sont injustifiées parce qu’elles sont émises par des gens moins compétents que lui ou tout simplement jaloux. Ou encore, il peut les recevoir comme des blessures parce qu’elles lui semblent pertinentes, ce qui viendra renforcer son dénigrement personnel.

C’est parce qu’il a une image fausse de la réalité et des attentes irréalistes que le perfectionniste finira souvent par créer et entretenir un climat de mésentente avec son entourage professionnel. Il mettra sur le compte de la jalousie des autres ces relations conflictuelles et s’isolera davantage avec son mal-être.

Dans un métier ou les enseignants devraient travailler en collégialité, le perfectionniste devient ni plus ni moins une pomme pourrie qui gâtera le moral d’une équipe de travail.

Envers l’entourage familial

Tout perfectionniste est une plaie pour son entourage personnel et familial. S’il est enseignant et a des enfants, on peut parier que ceux-ci auront l’obligation de réussir à l’école.

En fait, l’enfant devient un élève permanent, un mini-lui qui ne peut décevoir son créateur. S’il échoue à l’école, c’est aussi en tant que représentant symbolique de son parent qu’il subira cette situation qu’on ne manquera pas de lui reprocher à la maison : «Qu’est-ce qu les collègues vont penser de moi?»

Cet enfant se doit d’être meilleur que les meilleurs élèves de son parent puisque ce jeune a le privilège de bénéficier de son enseignement et de sa présence de façon permanente.

L’enfant devient donc le prolongement de l’image du parent enseignant et de sa compétence à bien l’encadrer. Et pour un professeur perfectionniste, il est difficile d’accepter d’être un mauvais parent puisque c’est souvent à cause de mauvais individus de ce genre que les élèves qu’il a sous sa gouverne échouent dans son cours. Il ne peut accepter d’être ce qu’il dénonce.
Enfin, il y a aussi les attentes envers le conjoint. Au-delà des attentes malsaines d'un perfectionniste envers son entourage, un enseignant ne pourra accepter que sa douce moitié ne comrprenne pas sa quête d'absolu pour son métier. De plus, il pourra se montrer intransigeant si le conjoint n'est pas ne maitrise pas aussi bien que lui la matière qu'il enseigne. Il aura tendance à le traiter comme un élève, à l'infantiliser.
Une anecdote: j'ai déjà fréquenté une enseignante du primaire, prisonnière de son métier. Il fallait la voir s'assurer chaque matin, quand je quittais son appartement l'hiver, que j'avais bien mis mes gants et que mon foulard couvrait bien ma gorge. Elle était incapable de tolérer ma manie de porter mes souliers détachés...

Dans un dernier billet, j’aborderai:

Partie 3- Le «control freak»

Les erreurs de La Presse - erratum

umJe ne sais pas qui est au pupitre du site Internet de La Presse, mais de grâce! fournissez-lui une grammaire et un dictionnaire quelqu'un! Voici deux perles lues cette semaine:
Pas tenté de te relire, chose?
En début de semaine, on avait même droit à cette erreur savoureuse (mais malheureusement corrigée depuis):
On savait que les curés avaient tendance à se trouver devant la justice, mais pas un âge si jeune...
Erratum: Renart vient de mettre à mal ma crédibilité son commentaire fort juste. Il a effectivement raison et j'ai évidemment absolument tort. Oups... pas fort, le PM ce matin. Comme quoi, quand on crache en l'air parfois...

24 septembre 2008

Ces malades qui gouvernent les profs - partie 1

Avant de poursuivre la série Les maladies qui gouvernent les profs, j'ai pensé traiter de certains des malades qui nous gouvernent. Parlons direction et adjoints...

Dans une école de ma CS, c'est remarquable comment charité bien ordonnée commence par soi-même. Depuis quelques années, avec une nouvelle direction, les priorités semblent avoir changé. La peinture des classes est dégueue, on manque de dictionnaires, mais... mais... mais...

La direction s'est dotée d'une nouvelle salle de rencontre: peinture, sièges en cuir, frigo. Rien de trop beau pour la classe dirigeante. De même pour les bureaux: nouvel ameublement, nouvelle peinture. On a étendu cette générosité jusqu'aux employés de bureau et aux professionnels avec qui ils sont fréquemment en contact. Même la journée des secrétaires est soulignée avec un brunch pour ces dernières. Par contre, pour les classes et les aires de travail de prof (des locaux où ils sont entassés parfois jusqu'à trente): rien. Pour la journée internationale des profs, un message à l'intercom et une carte photocopiée...

Peut-on m'expliquer pourquoi le moindre directeur adjoint a besoin d'un téléphone cellulaire payé par la CS avec téléphones illimités le soir et les fins de semaine? Pourquoi un directeur doit absolument avoir son Blackberry?

Le chic est de voir les priorités de certains: dans une école de ma CS, on s'est empressé d'identifier plus précisément les places réservées à la direction parce que le panneau Réservé manquait de clarté. Réservé à qui? À la classe dirigeante, bien sûr. Encore de l'argent bien investi!

Au-delà du mépris évident qu'on peut voir à l'égard des profs et de leurs besoins, des élèves et de leurs besoins, on constate un manque évident de compréhension de ce qu'est la véritable mission de l'école et de ses buts. Le fric devrait être dans les classes, pas dans des bureaux d'apparitchicks.

Et au cas où vous penseriez que les parents siégeant au Conseil d'établissement d'une école peuvent avoir leur mot à dire sur ce type de dépenses, détrompez-vous: on évite de leur en parler. on noie toutes les dépenses dans des tableaux et des chiffres. Et si d'aventure un prof se risque à en parler, il sera cuit. En touchant au petit bien-être personnel des dirigeants, il se met assurément dans le trouble. Le principe de Ferme ta gueule s'applique alors avec toute sa fermeté.

22 septembre 2008

Vaut mieux être prêtre que prof

Ceci est un billet incorrect et je me mets peut-être dans le trouble. Qu'on me le pardonne.

Dans un texte précédent, j'écrivais que les enseignants sont jugés bien plus sévérement lorsqu'ils sont devant la justice. Toute chose n'est pas nécessairement comparable, mais qu'on juge:

Un curé de la Montérégie, qui a admis avoir agressé sexuellement un handicapé intellectuel pendant 30 ans, écope de 22 mois de prison avec sursis.

En Montérégie, le curé de Sainte-Martine est libéré de façon provisoire après un mois de détention. L'abbé Denis Tremblay est accusé d’avoir agressé sexuellement un homme souffrant de déficience intellectuelle pendant près de 40 ans.

L'abbé Philippe de Maupeou n'est pas un pédophile même s'il a été condamné à la prison avec sursis plus tôt cette année pour avoir caressé la vulve et les seins d'une petite fille de 8 ans.

Jean Garceau, un ex-professeur d'histoire au Collège Saint-Sacrement de Terrebonne, a été condamné à quatre ans de pénitencier, lundi, pour une série d'agressions sexuelles commises sur cinq élèves, entre 1975 et 1995.

Si le comportement de cet enseignant n'est pas excusable et mériterait une peine plus sévère et l'obligation de suivre une thérapie, on remarquera qu'il aurait mieux valu pour lui d'être prêtre. La robe de la justice a beaucoup de respect pour la soutane au Québec, il me semble. Inconsistance de justice est en soi une injustice.

Yolande James et Le Privé

J'avais reçu le publi-magazine des collèges privés du Québec - Le Privé - il y a deux semaines et je l'ai foutu au recyclage comme tout ce qui publicité, d'ailleurs. Puis, un ami m'a suggéré d'écrire un billet là-dessus.

Or, ne voilà-t-il pas que cette feuille de chou fait l'actualité. En effet, la ministre de l'Immigration, Yolande James, est prise à partie parce qu'elle a été interviewée par cette publication qui fait la promotion de l'école privée. Plusieurs critiques associent ce geste à un appui à ce réseau.

«Il n'était pas question de cela. Le but était de parler de la diversité des relations interculturelles, une réalité aussi présente au privé qu'au public», dit Christian Tanguay, attaché de presse de la ministre qui, souligne-t-il «est un pur produit de l'école publique.»

Le président de la centrale des syndicats du Québec (CSQ), Réjean Parent, a condamné ce geste: «Les ministres ont le devoir de promouvoir le réseau public: c'est un réseau d'État. Si tu travailles chez Provigo, tu ne vantes pas le concurrent.»

Ah bon... et tous ces profs qui envoient leurs enfants dans un collège privé ont-il la même obligation? Et tous ces politiciens qui se font soigner dans une clinique privée? Si je comprends l'intention derrière les propos de M. Parent, il n'en demeure pas moins que ce dernier demande aux gens d'être plus catholiques que le Pape.

L'incident impliquant Mme James a cependant ceci de croustillant qu'il nous apprend que la publication Le Privé efface sciemment toutes les références au type d'école fréquenté par les personnes interviewées dans ce magazine, laissant ainsi croire qu'elles sont le produit de ce réseau d'éducation.

«C'est de la fraude intellectuelle, croit Réjean Parent. La première réaction du lecteur, c'est de penser que tous les gens qui figurent dans la revue sont allés au privé, et il n'y a rien pour le démentir.» Ce raisonnement, je me l'était fait l'année dernière quand j'avais remarqué quelques grands noms de la culture québécoise dans cette publication.

Il suffit de prendre connaissance des propos du porte-parole de la FEEP (Fédération des établissements d'enseignements privés), Auguste Servent, pour avoir l'impression que les demi-vérités ne le chicotent guère.

Ainsi, ce dernier a mentionné, selon La Presse, que «ce guide s'adresse aux parents qui ont déjà choisi le privé et ne doit pas être perçu comme un dépliant publicitaire.» Ben oui... Le Privé est distribué à un million d'exemplaires. Un magazine de luxe, papier glacé, graphisme accrocheur, présence de personnalités publiques.

Le geste de Mme James était malhabile. L'utilisation qu'on a fait de sa participation à cette publication quelque peu douteuse. Mais c'est une adulte qui assumera ses actions.

17 septembre 2008

Ces maladies qui gouvernent les profs – partie 1

Prof masqué suit depuis quelque temps une démarche fort personnelle, professionnelle et coûteuse dans le but de mieux comprendre la vie, disons. Si celle-ci m’appartient, il n’en demeure pas moins que j’aimerais partager avec vous un aspect de cette dernière qui a beaucoup retenu mon attention : certains profs sont des maudits malades et leurs travers personnels, souvent recherchés par des employeurs, deviennent parfois leurs pires ennemis. Allons-y avec quelques observations que vous compléterez, je l’espère!

Le perfectionnisme… envers soi

Chez l’enseignant, la recherche de la perfection se traduit de deux façons : le perfectionnisme exercé sur soi et celui exercé sur les autres. Quoi de mieux qu’un enseignant parfait, penserez-vous. Dans les faits, le mieux est souvent l’ennemi du bien.

Le perfectionnisme qu’un enseignant exerce sur soi le pousse à puiser au maximum de ses ressources et peut l’amener à atteindre des sommets inégalés. Perfectionnisme rime alors avec performance. Mais on oublie souvent les dérapages et les effets secondaires d’une telle attitude au travail.

Un enseignant peut avoir des attentes déraisonnables par rapport à son égard ou à son potentiel. De même, les conditions dans lesquelles il œuvre peuvent l’empêcher de donner le meilleur de lui-même, peu importe les efforts qu’il met.

Dans le monde chaotique de l’éducation dans lequel nous vivons, il est presque normal aujourd’hui que les enseignants performants tombent d’épuisement : ils vivent sous l’emprise d’une double contrainte. En effet, ils se demandent ou on leur demande la perfection alors que le système qui les entoure est incapable de leur fournir les outils et les moyens d’atteindre certains idéaux. Également, comment être parfait quand on est parfois dirigés par de purs incompétents? Comment faire toujours plus avec deux fois moins?

Dans une telle dynamique, l’image que l’enseignant de lui-même sera nécessairement faussée. Il aura souvent de la difficulté à bien connaître ses forces et à apprécier ses faiblesses, tout simplement parce qu’il n’a, selon lui, que des faiblesses et aucune force. S’ensuivra évidemment le renforcement d’une faible estime de soi ou l’incapacité à recevoir des compliments pourtant largement mérités, par exemple.

Au fond, l’enseignant est prisonnier d’une spirale dont il ne sortira qu’épuisé moralement ou physiquement et être perfectionnisme rime alors avec destruction. Si, en plus, son travail est dévalorisé par ses employeurs, les parents, les médias ou le grand public, on est certain que cette recherche de l’absolu mènera absolument au désastre.

Dans des prochains billets, j’aborderai:

Partie 2 - Le perfectionnisme… envers les autres
Partie 3- Le «control freak»

13 septembre 2008

Parizeau: des chiffres et au-delà des chiffres.

Travaillons à partir des mêmes documents (ici et ici) que M. Parizeau, si vous le voulez bien, en ce qui a trait à la diplomation des garçons québécois selon qu'ils aient étudié dans une commission scolaire francophone ou anglophone. J'exclus de cette démonstration les commissions scolaires autochtones pour des raisons que j'expliquerai plus tard.

La commission scolaire de Montréal, utilisée comme base comparative par Monsieur Parizeau, a l'un des pires taux de diplomation des garçons après sept ans au Québec, toutes régions du confondues avec un cinquième avant-dernier rang sur 69 commission scolaire (50,4% pour la cohorte de 1999 et 49,4% pour 2000).

La commission scolaire English Montreal, elle, vient au deuxième rang pour ce qui est de la diplomation des garçons après sept ans au Québec, toutes régions confondues (77,4% pour la cohorte de 1999 et 78,6 pour 2000).

On comprend que M. Parizeau n'a systématiquement retenu que les chiffres illustrant le plus sa thèse. Oui, il existe un écart entre diplomation francophone et anglophone, mais le tableau est moins sombre que ce que l'ancien premier ministre du Québec le laisse entendre. Amusons-nous un peu à penser ce qui aurait pu être les manchettes des journaux si on s'était basé sur ces chiffres, par exemple:
  • Commission scolaire des bluets: 73,8% pour la cohorte de 1999 et 70,4% pour 2000.
  • Commission scolaire des découvreurs: 79,8% pour la cohorte de 1999 et 80,1% pour 2000.
  • Commission scolaire Eastern Townships: 53,6 pour la cohorte de 1999 et 45,25 pour 2000.
  • Commission scolaire Eastern Shores: 51,0% pour la cohorte de 2000.
Et que penser de ce bond de la diplomation des garçons de la commission scolaire de la Moyenne-Côte-Nord qui est passé de 51,5% pour la cohorte de 1999 à 70,3% pour 2000? Vite, allons découvrir ce nouvel Eldorado pédagogique!

Lorsque M. Parizeau écrit «Le taux de diplomation après cinq ans des garçons anglophones est presque deux fois plus élevé que celui des garçons francophones. Après sept ans, comme nous l’avons vu, plus de la moitié des garçons francophones n’ont toujours pas de diplôme, contre à peine plus de 20 des élèves anglophones», il ne faut pas oublier qu'il ne travaille qu'avec les exemples montréalais qui sont parmi les plus extrêmes.

De même quand il écrit «Un écart aussi prodigieux serait-il, comme je l’ai souligné plus haut, un effet pervers de la loi 101 ? Non. J’ai compté 13 commissions scolaires où le taux de diplomation des garçons après cinq ans est inférieur à 40 %. Dans la région des Laurentides, des quatre commissions scolaires, trois affichent des taux inférieurs à 40 %», là encore M. Parizeau regarde les exemples qui le confortent le plus dans sa vision catastrophique.

De façon plus générale, il faut reconnaitre que les commissions scolaires francophones ont un taux de diplomation des garçons après sept ans inférieur à leurs consoeurs anglophones. Elles s'en tirent autour du 63% tandis que leurs homologues anglophones sont davantage autour des 70%.

Mais il faut aussi ne pas négliger l'impact des écoles privées dans ces pourcentages qui ne concernent, il faut le rappeler, que les écoles publiques. Jouons aux hypothèses.

Prenons la réalité montréalaise: il y existe des établissements privés d'enseignement dans les deux langues. Peut-on supposer que les francophones préfèrent y inscrire leurs jeunes à cause du fort taux d'immigrants qu'on retrouve dans le réseau public ou d'une perception négative quant à celui-ci? Un tel phénomène vide alors ces écoles publiques d'élèves plus performants, entraînant à la baisse le taux de diplomation. Du côté anglophone, retrouve-t-on le même phénomène? Il serait donc intéressant de savoir combien d'élèves pour chaque communauté ne fréquentent pas le réseau public.

En région, il existe généralement davantage d'écoles privées francophones qu'anglophones. Cela a-t-il un impact sur les élèves fréquentant le réseau public? Un parent anglophone n'a alors pas le choix d'y inscrire son enfant, ce qui diminue la fuite des élèves performants de cette communauté vers le privé. Cela n'est évidemment pas le cas pour les élèves francophones. Dans les Laurentides et la région de Lanaudière, plusieurs collèges privés francophones draînent ainsi des élèves performants.

Il s'agit d'hypothèses, je le rappelle, mais quant à moi, la sortie de M. Parizeau est basée sur des données savamment choisies et la réalité de la diplomation des garçons francophones, si elle est préoccupante, n'est pas aussi désastreuse que celui-ci voudrait le laisse entendre.

Non, le véritable scandale du taux de diplomation des garçons est celui-ci:
  • Commission scolaire crie: 23,2% pour la cohorte de 1999 et 17,4% pour 2000.
  • Commission scolaire Kativik: 18,2% pour la cohorte de 1999 et 14,7% pour 2000.
Mais à propos de cette situation, M. Parizeau n'a pas daigné écrire un seul mot.

Enseignants; une espèce menacée?

Dans le Journal de Mouréal, on apprend ce matin qu'un juge a acquitté Paul Gonthier, cet enseignant accusé de voies de faits en se basant sur la notion du doute raisonnable.

Fait à noter: le procès a duré seulement une demi-journée et le juge a rendu immédiatement sa décision. On peut donc se questionner sur la pertinence pour les policiers et les procureurs de l'endroit d'avoir porté de telles accusations dans une cause qui fut si évidente aux yeux de ce magistrat: «Je ne crois pas l'entièreté du témoignage de M. Gonthier. Mais je retiens qu'il n'était pas en colère au moment des faits et qu'il a agi comme un instituteur qui doit faire respecter le règlement. J'ai un doute raisonnable quant au fait que l'accusé ait utilisé une force plus grande que nécessaire (pour se faire obéir.» Le juge a aussi pris en compte que l'élève ne s'était pas plaint de douleur immédiatement après cet incident et était même retourné en classe pour son prochain cours.

Bien qu'acquitté, l'enseignant poursuivi n'est pas moins craintif pour autant: «Je marche toujours sur des oeufs. Je trouve ça pénible pour moi et pour les autres professeurs qui ne sauront pas quoi faire.»

D'autres affaires semblables sont pendantes devant les tribunaux et ne sont pas sans rappeler à quel point les enseignants doivent être plus-que-parfait. Ils doivent pouvoir exercer l'autorité parentale et voient parfois leur carrière compromise à la moindre erreur. Un jeune hockeyeur tabasse un adversaire et s'en tire avec cinq minutes. Un prof prend les nerfs et voit sa carrière hypothéquée à jamais.

Je partage entièrement l'avis de l'avocat de M. Gonthier, Me Dury, à l'effet qu'il faudrait se pencher la façon de mieux protéger les enseignants dans le cadre de leur profession et d'éviter la judiciarisation de certaines situations: «C'est bien de protéger l'enfant, mais où est la protection du professeur? On demande une protection minimale.» L'histoire l'élève supposément mis en cage est en un bon exemple.

De plus, il faut revoir, quant à moi, les paramètres juridiques à l'intérieur desquels un enseignant exerce sa profession. C'est avec consternation que j'ai ainsi appris qu'un jugement de la Cour suprême du Canada interdirait à un enseignant d'être en colère en classe: «Les professeurs ont des émotions, explique Me Dury. Alors, c'est quoi la ligne de démarcation entre la colère et être fâché? Qui n'a jamais été vraiment fâché contre un enfant? Appliquer à la rigueur le jugement de la Cour suprême est délicat. C'est demander à l'humain d'être contre nature.»

«Engagez-vous, qu'ils disent»...

Textes ici, ici et ici.

A quatre heures et quart, moi et mon kirpan, on t'attend au rack à bécyk...

Attendons d'avoir plus d'informations avant de ruer dans les brancards, mais un jeune sikh aurait utilisé son kirpan comme arme lors d'une dispute dans une école de ville LaSalle.

Voilà un événement qui ne rassurera pas ceux qui s'étaient opposés au port de cet objet religieux à l'école. On se rappellera que les défenseurs du kirpan avaient expliqué qu'il ne s'agissait en aucun cas d'une arme.

Enfin, à tout hasard, je vous signale qu'il est impossible de monter à bord d'un avion en Amérique du Nord avec un tel objet (les adeptes de cette religion doivent le laisser dans la soute à bagages), surtout si l'on considère qu'un pirate de l'air sikh a déjà utilisé cet objet religieux pour détourner un avion.

Remarquez qu'un simple cutter aurait fait l'affaire...

C'est un dossier à suivre, comme on dit. (textes ici, ici et ici)


petit ajout de Richard Martineau aujourd'hui: http://www.canoe.com/infos/chroniques/richardmartineau/archives/2008/09/20080914-095123.html

et ce texte dans La Presse: http://www.cyberpresse.ca/article/20080914/CPACTUALITES/809140519/1028

Les valeurs québécoises

Si Richard Martineau vit souvent «au-dessus de ses moyens intellectuels» (dixit Danny Laferrière) et verse parfois dans la démagogie, il n'en demeure pas moins que son texte de ce matin vaut un peu le détour.

Surtout si on met en parallèle cet aveu de la porte-parole de la deuxième opposition officielle, Louise Harel, qui réclame un moratoire sur le financement de nouvelles écoles privées et le maintien de la réforme scolaire: «Quand je vois dans les sondages qu'il y a à peine 5 pour cent des Québécois qui considèrent l'éducation comme une priorité, je suis très inquiète.»

Madame Harel, au lieu d'être inquiète, pourriez-vous être concernée? Croyez-vous sérieusement que les idées que vous mettez de l'avant résoudront ce désintérêt des Québécois quant à la valeur de l'éducation? J'en doute.

Dans un texte franchement désolant, Yves Chartrand y va du commentaire suivant: «Devant l'état pitoyable du système scolaire public francophone, il ne peut qu'être bénéfique que ceux et celles qui ont participé à sa construction dans le passé reprennent le flambeau et nous rappellent selon quels principes ils l'ont faite.»

Tout d'abord, M. Chartrand gobe sans rechigner l'analyse de M. Parizeau pour ensuite oublier que ceux qui ont participé à la construction du système scolaire public sont parfois ceux qui en ont été les principaux démolisseurs...

Et quand je vois un journaliste comme Jacques J. Samson remercier M. Parizeau de sa contribution au débat sur l'éducation, je me dis que nos bons vieux collèges classiques n'ont pas nécessairement former que des génies...

Le point de vue de Michèle Ouimet, de La Presse, me semble bien plus consistant. dans un texte intitulé Zéro crédibilité, elle n'hésite pas à écrire: «Mais où étiez-vous au cours des 15 dernières années? C'est vous, oui, vous, premier ministre du Québec, qui avez lancé les états généraux sur l'éducation en 1995 parce que, et je vous cite, «il faut trouver la lumière à travers ce drame national que représente un taux de décrochage de 36% au secondaire». 9...) Alors vous pouvez repasser avec votre «déchirage» de chemise sur l'écart «effrayant» entre le privé et le public. Pour moi, vous avez zéro crédibilité parce que vous n'avez rien fait lorsque vous étiez aux commandes.»

Et vlan dans les dents!

Pour bientôt: l'effondrement du système de santé québécois

Attention, amis lecteurs: Jacques Parizeau va bientôt récidiver. Ayant mis la main sur des chiffres du ministère de la Santé et des Services sociaux (disponibles sur Internet tout comme ceux du MELS - on ne nage pas dans le scoop, vous l'avouerez), Monsieur nous expliquera que le système de santé québécois connait un effondrement sans précédent du côté des francophones en se livrant à l'analyse suivante:

  1. Il prendra uniquement les chiffres concernant les hôpitaux et les citoyens montréalais;
  2. Il étendra ces chiffres à l'ensemble du Québec;
  3. Il découvrira que les anglophones vivent plus longtemps et sont en meilleure santé.
À partir de là, il n'en faudra pas plus pour que les journaux propagent à tort et à travers cette analyse sans en questionner la méthodologie et qu'on en fasse l'objet d'un débat totalement erroné.

À noter: d'ici deux semaines, monsieur Parizeau fera le même exercice avec les routes québécoises et en viendra à la conclusion que la SAAQ connait un effondrement sans précédent par rapport aux francophones. Ensuite, ce sera avec le ministère de l'Agriculture et les fromages ayant un nom français...

Sans méchanceté, vous rappelez-vous qui était ministre des Finances du parti Québécois dans les années 80? Ou encore, qui était premier ministre du Québec de 1994 à 1996 alors qu'on concoctait la réforme dans les officines du MELS? Je ne sais pas mais, moi, je me garderais une petite gêne au lieu de jouer au grand pourfendeur public.

11 septembre 2008

Parizeau voit-il flou?

Jacques Parizeau, ex-premier ministre du Québec, y va une fois de plus avec une de ses charges médiatiques dont il a le secret. Ainsi, selon lui, l'école publique francophone est au bord de l'effondrement: le Québec, écrit-il est «confronté à une situation scandaleuse, à un formidable gaspillage qui compromet l'avenir. Ce n'est plus de ressources ni d'argent qu'il s'agit aujourd'hui, c'est à l'effondrement d'un système auquel nous assistons.»

La charge de M. Parizeau est un peu facile et méthodologiquement discutable quant à moi: «La faillite de notre système scolaire, ce n'est pas moi qui vais l'expliquer, même si j'aurais une foule de pistes à avancer. Je refuse de jouer à l'apprenti sorcier.» Pourtant, ce dernier n'hésite pas à dénoncer «une succession de ministres des deux bords, dans un charabia brumeux, avec la complicité des facultés d'éducation» qui ont «imposé aux enseignants des contorsions intellectuelles étonnantes».

Pour étayer son affirmation, M. Parizeau se base au départ sur l'écart important entre le taux de diplomation entre les réseaux publics francophone et anglophone montréalais. Par la suite, il compare les résultats d'autres commissions scolaires francophones à travers le Québec avec ceux des élèves anglophones montréalais Pour ma part, il utilise pour les fins de sa comparaison des éléments discutables. En effet, il base celle-ci uniquement sur des chiffres concernant les élèves anglophones montréalais. Or, il serait vain de vouloir étendre la réalité de la Métropole à l'ensemble du Québec tant il s'agit de deux réalité différentes. Qu'en est-il des résultats des CS anglophones hors Montréal?

De plus, est-ce l'école qu'ils fréquentent ou le milieu socio-économique dont ils sont issus qui explique cet écart entre les élèves francophones et anglophones montréalais?

Pour la ministre Courchesne, cet écart, selon le Journal de Montréal, «reposait sur une plus grande homogénéité de la communauté anglophone dans ses écoles. Elle estime que la communauté anglophone participe beaucoup à la vie des écoles, qui constituent des lieux de rassemblement.» Le chef de l'ADQ, Mario Dumont opine d'ailleurs dans le même sens. Peut-être.

Peut-être aussi que l'éducation est une valeur plus prononcée chez les anglophones comme l'a déjà montré certains sondages canadiens.

Peut-être également que M. Parizeau sous-estime le fait que l'école francophone doit, loi 101 oblige, intégrer davantage de jeunes immigrants dont le niveau socio-économique et la préparation à la scolarisation sont insuffisants?

Par contre, Mario Dumont est complètement dans le champ quant il affirme que ce sont les compressions en éducation et l'inefficacité des commissions scolaires qui expliquent ce supposé gâchis. À ce que je sache, les écoles anglophones sont sises au Québec et ont connu les mêmes politiques gouvernementales que leurs consoeurs francophones. C'est peut-être davantage dans la façon de gérer leurs écoles au quotidien et de vivre leur pédagogie que les anglophones se démarquent. Par ailleurs, le terme «girouette» convient très bien à celui qui pense maintenant, selon le Journal de Montréal, que «Tout débat qui remettrait en question la réforme scolaire serait toutefois long et stérile.»

Enfin, la réaction péquiste est plutôt décevante. Louise Harel, critique de la deuxième opposition en matière d'éducation, blâme le gouvernement Charest dans le dossier du décrochage. Décrochage, mais quel décrochage? N'est-ce pas son parti politique qui a mis de l'avant des politiques comme la réforme scolaire qui devait tout régler?

Il faut s'interroger sur l'état actuel du réseau scolaire québécois, mais je ne crois pas que la façon dont M. Parizeau l'ait faite soit exacte et productive.

Quelques textes (ici, ici, ici, ici, ici, ici, ici, ici et ici).

06 septembre 2008

Les jeunes et la liberté d'aller à l'école

J'aurais pu intitulé ce billet «Only in America» parce qu'il aborde une nouvelle pratique éducative de nos voisins du Sud. Sauf que c'est l'opinion d'une universitaire québécoise qui est finalement très révélatrice dans cet article publié dans La Presse.

Dans le comté texan de Bexar, les adolescents de 15 à 17 ans qui manqueront l'école plus d'un mois et demi seront surveillés nuit et jour au moyen d'un bracelet GPS fixé à leur cheville. Une telle pratique existe déjà dans un comté voisin et aurait réduit le taux de décrochage de 95%. Une autre visée de cette initiative - qui coûtera environ 100 000$ et s'adressera à entre 50 et 75 jeunes - est d'éviter que ces derniers entrent dans les gangs de rue.

Au Québec, une telle approche est impensable, d'après la professeure de droit Violaine Lemay, spécialiste du droit de la jeunesse, de l'Université de Montréal: «Au Québec, un directeur d'école qui constate des absences répétées doit tout d'abord contacter les parents, puis ensuite seulement la DPJ, qui doit prouver que l'absence de fréquentation scolaire compromet la sécurité de l'enfant. La liberté des personnes est très protégée au Canada. Les jeunes ont aussi droit à l'égalité. Si l'employeur d'un adulte le soupçonne de ne pas travailler assez, il n'a pas le droit de le surveiller avec un bracelet GPS. C'est la même chose pour les jeunes et l'école.»

Permettez-moi ici quelques commentaires. Je n'ai jamais connu de cas d'élève absent référé à la DPJ. Entre la théorie et la pratique, je crois qu'il y a un écart incroyable.

Ainsi, j'ai eu un élève de cinquième qui manquait une à deux journée par semaine, avec l'accord de sa mère. Le gamin, extrêmement intelligent, aurait pu facilement poursuivre des études au cégep. Mais il travaillait et était le principal soutien financier de la famille. Signaler ses absences trop fréquentes à sa mère revenait à se faire engueuler vertement, même si on proposait le recours à différents services pour remédier à la situation financière difficile de cette famille dysfontionnelle.

Ensuite, ma CS a équipé tous ses véhicules de service de GPS afin de surveiller ses employés des ressources matérielles. Il en est de même avec certains cols bleus de la ville de Montréal. On fait indirectement ce qu'on ne peut pas faire directement.

En fait, au Canada, les jeunes ont beaucoup de liberté, dont celle de demeurer ignorants. Sans verser dans la nostalgie et tout en étant conscient que je généralise un peu, autrefois, les bracelets GPS étaient davantage constitués de certains parents qui ne toléraient pas des jeunes oisifs et désoeuvrés. Il y avait certaines valeurs et un réseau familial ou social qui poussait le jeune à aller à l'école alors qu'aujourd'hui, on les laisse stagner dans des sous-sol de maison à jouer au X-Box. Les parents sont débordés, dépassés. La société de consommation, avec ses valeurs de satisfaction immédiate de plaisirs faciles et standardisés, réduit d'autant les notions d'effort et de persévérance.

Ne pensez pas que je prône la contrainte et l'asservissement à l'école mais, en instaurant l'instruction obligatoire, je ne me demande si on ne doit pas accepter que certains jeunes décrochent.

Mme Lemay aborde un peu ce sujet: «L'école n'est pas nécessairement faite pour tout le monde. Avant, seulement les élites y avaient accès, maintenant tout le monde doit y aller. Les jeunes hyperactifs qui auparavant excellaient dans les champs se retrouvent enfermés dans une classe. Ça me fait penser à La fortune de Gaspard, de la comtesse de Ségur: un paysan décidait que ses deux fils le deviendraient aussi, ce qui rend très malheureux le fils qui aimait l'école; puis il se revire de bord, et décide qu'ils iront tous deux à l'école, ce qui rend malheureux le fils qui aimait les champs.»

On doit poursuivre l'atteinte de certains idéaux, par exemple celui de la réussite du plus grand nombre, mais j'en ai un peu marre de cette école que se définit toujours en fonction de jeunes qui ne seront pas intéressés par quoi que ce soit, de toute façon. Je ne sais pas. Sauf qu'actuellement, le programme de formation actuel avec son caractère uniforme, ne convient pas à tous les enfants. En voulant faire un seul modèle d'école s'adressant à tous les jeunes, je me demande si on ne fait pas une école pour personne. On est passé d'une tyrannie à une autre, quant à moi.

04 septembre 2008

Dans la chaleur infernale des écoles (ajout)

Température: 29 Celsius en classe avec 56% d'humidité. Voilà les conditions dans lesquelles mes petits apprennent depuis une semaine. S'ils suent, ce n'est pas de ma faute, bien que...

Il n'est venu à l'idée de personne de la direction d'apporter des mesures correctrices à cette situation. Certains collègues enseignent dans des locaux sans fenêtre et à l'aération hasardeuse. Le règlement interdit les bouteilles d'eau en classe, mais je ferme les yeux. Il y a des limites à l'application rigoureuse d'un code de vie.

Il y a quelques années, les enseignants d'une école de ma CS avaient même spontanément débrayé en réaction à une sitution encore plus chaleureuse.

En période d'examen, on agit autrement: ventilateurs et bouteilles d'eau à volonté. Il ne faut pas que les résultats ministérielles s'en ressentent. Là, c'est juste de l'enseignement...

En question quizzzzzz (comme le suggère Bulle):
Existe-t-il légalement des température minimum et maximum pour enseigner dans un local de classe?

03 septembre 2008

Les profs et l'utilisation de la force physique - la suite

Le Journal de Montréal revient sur ce sujet aujourd'hui avec deux textes.

Le premier, celui de Richard Martineau, cite l'exemple d'un jeune, expulsé 22 fois au cours des quatre derniers mois, et qu'un enseignant excédé a finalement pris par le cou.

Dans un deuxième texte, intitulé «Les enseignants bien formés», le secrétaire général de la Commission scolaire de Laval, Jean-Pierre Archambault, affirme que le personnel enseignant reçoit une formation adéquate quant à la façon de se comporter devant des événements violents.: «Même les surveillants du midi reçoivent cette formation. Mais vous savez, nous avons 44 000 élèves. Il y a des journées meilleures que d'autres.» Peut-être à Laval... mais, dans ma CS, j'ai un grand doute. Le titre de l'article est peu exagéré, quant à moi.

Enfin, je signale ce troisième texte dont je cite quelques passages en pensant à ce que j'écrivais dans un billet précédent. Denis Jeffrey, professeur à la faculté des sciences de l'éducation de l'Université Laval, a analysé près de 300 jugements québécois et canadiens dans le cas d'accusations portées contre des enseignants: «Les juges sont de plus en plus sévères envers les enseignants, il semble en fait qu'on s'acharne sur eux. On leur demande d'avoir une moralité encore plus élevée que les politiciens, les curés, les avocats et les notaires. En plus, on s'attend à ce qu'ils soient irréprochables en tout temps, même dans leur vie privée, en vacances, partout : on ne tolère plus rien. (...) Un juge a même statué qu'un prof se trouvant dans un bar et repérant un élève qu'il sait avoir moins de 18 ans devrait le signaler au gérant pour qu'il soit expulsé. On demande à l'enseignant de faire davantage que le parent.»

M. Jeffrey note que les enseignants, tout comme les parents, n'apprennent pas comment intervenir physiquement. «On agit souvent sans pouvoir réfléchir, avec les moyens du bord, parce que l'intervention se fait rapidement. C'est d'autant plus difficile pour les enseignants qu'ils doivent composer avec des élèves plus difficiles, qu'on a intégrés dans les classes normales alors qu'ils étaient autrefois regroupés dans des classes spéciales.»

Et vous, vous en pensez quoi?

02 septembre 2008

Les profs et l'utilisation de la force physique

Deux textes intéressants dans le Journal de Mouréal aujourd'hui portant sur les conséquences de l'utilisation de la force physique de la part d'un enseignant (ici et ici). Si la une du journal est un peu sensationnaliste, il n'en demeure pas moins qu'il est vrai que les profs ont de plus en plus peur de s'interposer ou d'intervenir lors de certains événements de crainte d'éventuelles poursuites judiciaires.

Loin de moi l'idée de me prononcer à savoir si nos écoles sont plus violentes ou les jeunes plus impolis (pour ma part, je crois que oui), mais trois faits sont peu soulevés dans toute cette question.

Le premier est que les enseignants sont de plus en plus amenés à intervenir à l'école parce qu'on leur confie des tâches relevant davantage des surveillants. J'ai de la difficulté à comprendre qu'on paie quelqu'un mon salaire alors qu'un surveillant est moins coûteux et que je pourrais aider davantage mes élèves en leur offrant de la récupération. Mais la tendance patronale est de remplir nos tâches avec n'importe quoi pour s'assurer qu'on fait le nombre de minutes prévu dans la convention collective. On place donc dans des situations potentiellement dangereuses des gens qui n'ont peut-être pas envie d'y être et qui, on le verra, n'ont pas la formation pour exercer ce rôle de façon adéquate.

Le second est justement que les profs ont reçu peu ou pas de formation sur comment intervenir en situation de crise. Rien à l'université et souvent rien de la part de leur employeur. Je me rappelle bien une formation à mon école. J'en ai retenu de ne pas tenir un élève par le bras, car les risques que je le lui casse malgré moi sont assez élevés. Pourtant, on n'hésite pas à congédier des enseignants pour un tel motif alors que des policiers, officiellement mieux formés, encourent à peine une suspension pour des actions drôlement plus violentes et impardonnables. Cherchez l'erreur.

Enfin, la troisième et la plus délicate est que l'intégration d'élèves ayant des troubles de comportements confronte parfois les enseignants avec des situations auxquelles ils ne sont pas préparés. Je me souviens encore de ma première rencontre avec un élève atteint du syndrome de la Tourette: «Va chier! Mange d'la marde...» Mon sang n'a fait qu'un tour mais, je ne sais pas pourquoi, je suis demeuré plutôt calme.

Quoi qu'il en soit, il est vrai que les profs hésitent de plus en plus à intervenir à la fois de crainte de conséquences judiciaires, mais aussi de la réaction des parents, de représailles de la part des élèves ou du manque de soutien de leur direction. Tout comme dans cette chanson de Félix Leclerc, ils ont appris «à faire un grand détour ou à fermer les yeux.» Les conséquences de cette non-intervention est que le climat dans les écoles ne peut que s'envenimer.