14 juillet 2017

La magie des cours d'été

Pendant que la très grande majorité des jeunes profitent de leurs vacances québécoises pluvieuses, environ 20 000 élèves, majoritairement de la troisième, quatrième et cinquième secondaire, seraient de retour en classe pour tenter de réussir un cours échoué. Et comme on sait qu'il y a plus de 325 000 jeunes au secondaire, on peut présumer que c'est environ un élève sur 13 qui ira s'asseoir sur les bancs d'école cet été.*

De ce 20 000 élèves, 85% réussiront en trois semaines là où ils ont échoué en 10 mois. Plusieurs facteurs peuvent être avancés pour expliquer ce taux de réussite incroyable qui devrait faire saliver plus d'un ministre de l'Éducation en recherche de procédés pour améliorer la réussite scolaire des jeunes Québécois:

  • une plus grande motivation des élèves;
  • un meilleur suivi des parents;
  • un encadrement plus serré à l'école;
  • un enseignement concentré et orienté uniquement en vue de la réussite de l'examen final.

Pour 1200 élèves, ces cours sont même donnés en ligne comme c'est notamment le cas des commissions scolaires de la Beauce-Etchemin et de Montréal.

Pour ma part, les cours d'été demeurent une incongruité majeure dans notre système scolaire actuel. Plusieurs questions me viennent pêle-mêle en tête par rapport à ceux-ci.

  • Qu'apprennent véritablement les élèves dans ces cours?
  • N'est-on pas devant un exemple très net d'«enseigner pour évaluer»?
  • Faut-il absolument un prof d'expérience dans les milieux à forts taux d'échec quand on sait que la majorité des profs d'été sont souvent assez jeunes en ancienneté?
  • Comment un tel système a-t-il pu se maintenir dans un milieu où l'on disait favoriser un Renouveau pédagogique misant sur la pédagogie par projets?

J'ai déjà eu l'occasion de donner des cours d'été au début de ma carrière. Pour mon grand bonheur, il avait plu durant presque toutes les trois semaines. Il était alors plus facile de garder les élèves concentrés sur le travail à effectuer. Ont-ils tous réussi? Oui. Ai-je vu tout le programme ministériel? Non. Il était clair que l'objectif que je devais viser était de préparer les élèves à réussir les épreuves finales. Point à la ligne. Et les quelques élèves que j'avais eu dans ma classe estivale avaient réussi à pas mal tout oublier de retour à l'école en septembre.

Un dernier point enfin qui m'embête de tout cet« aménagement» pédagogique est que celui-ci-ci a un cout pour les parents variant de 90 à 350$ par cours. Pour une éducation qui se proclame gratuite, les familles nombreuses ou de milieu défavorisé me semblent nettement désavantagées. N'est-on pas ici  devant un cas probant de taxe à l'échec?

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* (Il ne faut pas croire que ces nombres indiquent le nombre réel d'élèves du secondaire ayant connu un ou plusieurs échecs dans ces matières de base: certains ayant des résultats trop faibles pour accéder à ces cours - en dessous de 50% - tandis que d'autres ont été promus automatiquement en se basant sur la volonté d'éviter le redoublement.)

06 juillet 2017

À propos du «tripotage» des notes: un oubli majeur

Depuis quelques semaines, le monde de l'éducation a connu tout un débat concernant le «tripotage» des résultats scolaires qu'obtiennent les élèves (lire ici le dernier chapitre de cette saga). On a ainsi constaté que les notes données par les enseignants pouvaient être modifiées de différentes manières. Effectuons tout d'abord un nécessaire retour sur ces pratiques dont on a parlé récemment avant d'en aborder une qui y est directement reliée et qui a été complètement oubliée.

Les modifications des résultats par le MEES

Ainsi, au niveau du ministère de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur, (MEES) concernant les résultats scolaires des élèves, trois opérations sont possibles.
- L'augmentation automatique à 60% par le MEES des résultats compris entre 57 et 59% à tout examen ministériel. On explique cette pratique par la volonté de ne pas pénaliser un élève quant à un éventuel biais lié à la correction des examens. On note que ce principe de précaution ne s'applique qu'à la hausse.
- La conversion du résultat de la note de l'élève à un examen ministériel afin de s'assurer que les taux d'échec soient comparables d'une année à l'autre et ainsi éviter le biais lié à la conception d'épreuves différentes chaque année. Après des dizaines d'années d'application de ce principe, on peut se demander si ce dernier n'a pas fini par dénaturer les résultats obtenus par les élèves. En effet, ce que l'on peut remarquer est que cette conversion ne semble s'appliquer qu'à la hausse avec comme conséquence qu'un examen trop facile viendra automatiquement influencer également à la hausse la conversion des examens subséquents. Pour appuyer mon propos, notons les deux passages suivants (les mots en italique sont de moi):
  • «Cette conversion consiste à relever légèrement les résultats à une épreuve, rendant ainsi comparables les taux d’échec des différentes cohortes.» - tiré du site Internet du MEES.
  • « Afin d’éviter de pénaliser indûment les élèves, le ministre peut réviser les résultats qu’ils obtiennent aux épreuves qu’il impose pour pallier les imperfections ou les ambiguïtés de ces épreuves qui peuvent être portées à sa connaissance après leur passation.» - article 470 de la Loi sur l'instruction publique
- La modération du résultat-école des élèves en fonction de leur note obtenue à l'examen ministériel. Cette modération peut se faire à la hausse ou à la baisse, mais elle ne peut évidemment pas entrainer un échec qui a obtenu la note de passage à l'examen ministériel.  Cette pratique vise à minimiser les écarts qui pourraient se produire entre les résultats donnés au cours de l'année par différents enseignants. On comprend ici que le résultat à un examen ministériel, qui ne couvre jamais l'ensemble du programme qu'a vu (ou non) un enseignant en classe, fait foi de tout.


 Les modifications des résultats par les commissions scolaires ou les écoles

Pour leur part, au niveau des commissions scolaires (CS) ou des écoles, on a vu dans l'actualité récente que deux opérations sont possibles quant aux résultats scolaires.
 - Une invitation, pour les enseignants dans certaines écoles, à inscrire dans le bulletin une «note plancher» se situant entre 30 et 40%. L'argument le plus souvent invoqué pour justifier cette pratique est de vouloir éviter qu'un élève se décourage devant ses résultats scolaires et ainsi limiter le décrochage.
- L'augmentation automatique à 60% par les écoles des résultats compris entre 57 et 59% à toute note de fin d'année scolaire. Dans le cas présent, les CS indiquent se baser sur une pratique similaire à ce que fait le MEES quant aux examens ministériels, mais le ministre de l'Éducation, Sébatstien Proulx, leur a demandé de revoir cette pratique. Dans les faits, une telle façon de procéder existe d'aussi loin que je me rappelle. Au début de ma carrière, dans le cas d'un élève ayant un résultat annuel compris en 57 et 59%, on nous invitait soit à donner 60% à l'élève concerné soit à maintenir notre résultat. Plusieurs années plus tard, on nous invitait soit à donner 60% à l'élève concerné soit à modifier à la baisse le résultat afin qu'il ne soit pas automatiquement augmenté.

Une pratique qui a sombré dans l'oubli... après trois ans

Un élément qui a été oublié dans tout ce débat a pourtant secoué le monde de l'éducation au début de l'année 2014: les règles de passage d'une année scolaire l'autre (voir ici, ici, ici et ici).  Regardons ce qu'il en est pour le secondaire.

Il faut savoir qu'avec la réforme, le parcours scolaire d'un élève a été divisé en cycle. Ainsi, la première et deuxième année du secondaire constituent le premier cycle du secondaire tandis que la troisième, quatrième et cinquième année, le deuxième cycle.

Si l'on prend le premier cycle du secondaire, le passage d'une année à l'autre n'est pas automatiquement relié à la note donnée par un enseignant. Afin d'éviter le redoublement, par exemple, un élève en échec en mathématique de première secondaire pourra être promu en deuxième secondaire par la direction d'une école. Elle fera alors une étude «cas par cas», pourra suggérer des moyens de soutien et ne tiendra pas compte, le cas échéant, de l'avis défavorable d'un enseignant.

Si l'on prend maintenant le passage d'un élève du premier au deuxième cycle (de la deuxième année du secondaire à la troisième), les règles diffèrent d'une commission scolaire à l'autre. On repassera pour l'uniformité. Dans un cas, pour être promu, un élève doit avoir cumulé 28 unités sur 36 de deuxième secondaire et avoir réussi ses cours de français et de mathématiques. Dans un autre, l'élève doit avoir réussi deux matières de base sur trois (mathématiques, anglais et français) et avoir cumulé 18 crédits de deuxième secondaire.

Il faut savoir que les moyens d'accompagnement ne suivent pas toujours ce qui est annoncé et l'enseignant qui accueillera ce jeune, ainsi que plusieurs autres parfois, pourra être rapidement débordé. Un fardeau énorme est ainsi mise sur les épaules des enseignants de troisième secondaire qui accueillent des jeunes qui n'ont pas réussi un cours de mathématiques depuis la sixième année. De plus, un élève peut être promu à une année suivante tout simplement parce qu'il a suivi un cours d'été qui, on le sait, ne constitue pas une révision d'une année scolaire complète mais plutôt un cours préparatoire à la réussite d'un examen (un bel exemple d'«enseigner pour évaluer»). Je m'explique toujours mal comment un élève qui a échoué une année précédente pourra reprendre ce retard tout en assimilant en même temps de la nouvelle matière. Enfin, notons aussi la pression que ressentent les enseignants des matières autres que celles de base. À cause des unités minimales exigées, comment justifier qu'un échec dans le cours d'Éthique et culture religieuse puisse empêcher la promotion d'un jeune en troisième secondaire?

Dans les faits, la promotion des élèves d'une année à l'autre relève de la direction de l'école et des CS jusqu'à la troisième année du secondaire. Ce n'est qu'en quatrième et cinquième année, avec la présence d'examens ministériels, que cette situation est différente. Des école ou des CS utilisent-elles à leur avantage cette façon de procéder afin d'améliorer leurs résultats en termes de décrochage scolaire? Certains se posent cette question à laquelle il m'est impossible de répondre.