12 novembre 2007

Des écoles de quêteux

Pour qui écoute les débats à l'Assemblée nationale, l'information a été diffusée au grand public (deux personnes) la semaine dernière par l'ADQ. Ainsi, les élèves de l'école Explorami en sont réduits à recueillir des cannettes vides pour acheter des dictionnaires (ici, ici et ici).

L'initiative vient d'une enseignante qui en avait assez d'attendre du matériel neuf, semble-t-il. Certains des ouvrages de référence de sa classe avaient plus de 30 ans. En passant, j'écris «semble-t-il» par prudence parce que les enseignants ont souvent le dos large et que je doute que l'enseignante ait fait cette démarche sans en informer qui que ce soit dans son école.

«On était scandalisés, ça n'avait pas de bon sens qu'ils attendent d'avoir 800 canettes vides pour se payer un ouvrage», explique la mère de Claude Hébert, l'élève qui a signé une lettre envoyée aux entreprises et à son député adéquiste du coin.

Pour le directeur général de la Commission scolaire de la Riveraine, à laquelle appartient l'école Explorami, le remplacement des dictionnaires ne semblait pas compter parmi les priorités de l'établissement: «J'ai une auto qui est peut-être passée date, mais elle me déplace encore, lance Normand Perreault. Ils avaient des dictionnaires, mais ils étaient vieux. Dans le passé, l'école a sans doute jugé que ce n'était pas prioritaire de les changer.»

M. Nadeau devrait savoir que la ministre Courchesne veut faire de la maîtrise de langue française une priorité. «Passée date» est un calque de l'anglais. Un dictionnaire Colpron le lui aurait appris. Que dirait-il de ramasser des cannettes pour s'en acheter un? Quant à l'auto du DG, je doute qu'elle date des années 70. De même pour le mobilier de bureau du directeur de l'école Explorami, j'imagine

Ces choses étant écrite, à mon école, il a fallu quatre longues années de combat pour qu'on achète enfin des dictionnaires. Une année, alors qu'ils rédigeaient un texte sur les nouvelles technologies lors de l'examen ministériel d'écriture, mes élèves ne trouvaient pas le mot «Internet» dans les dictionnaires fournis par l'école. Ils étaient tout bonnement désuets.

Toute cette histoire n'est pas sans rappeler celle de cette commission scolaire ou les élèves recuillaient des fonds pour acheter des pupitres.

Pathétique.

5 commentaires:

Gooba a dit…

On a aussi dû taper du pied, claquer des mains et criser en masse pour avoir de nouveaux dictionnaires. On était arrivés à l'étape bed-in quand ils nous ont annoncé qu'on allait enfin pouvoir s'acheter du neuf. Remarquez, on finissait par en rire, au lieu d'en pleurer.

On pensait travailler la coopération à l'aide de nos dictionnaires démembrés : Heille, t'as-tu la page 54? J'l'ai pas dans mon dico. Ok, je te l'échange contre la page 18 que j'ai deux fois.

On pensait aussi envoyer une demande d'aide aux pays du tiers-monde au cas où ils auraient eu des dictionnaires plus récents que les nôtres.

Ok, je déconne, mais nos délires de récréation montraient bien l'absurde de la situation.

bobbiwatson a dit…

Il faudrait que nos dirigeants scolaires connaissent la loi 51! Ainsi, nos enfants ne seraient pas obligés de se transformer en quêteux comme au début de la colonie!

A.B. a dit…

Même commission scolaire, mais deux poids deux mesures d'après ce que je peux lire dans ton billet.
Dans mon école, nous aurons droit à des dictionnaires neufs d'ici peu et c'est la direction qui nous a proposé d'en acheter nous disant qu'elle avait de l'argent pour le faire. La commande est donc passée. Nos classes sont remplies, entre autres, de dictionnaires Hachette qui, malgré qu'ils soient à peu près les seuls où l'on peut retrouver la nouvelle orthographe, ne contiennent à peu près rien d'autre. Nous avons choisi des Robert pour tous qui ont le mérite d'avoir des pages faites de papier épais, les mots écrits en rouge, des numéros aussi en rouge pour les mots qui ont plusieurs sens, etc. Surtout: ils ne sont pas chers (28$ environ). Bref, ces dictionnaires sont parfois pour les visuels et très faciles d'utilisation. Je te dirai ce que les élèves en pensent lorsqu'on les aura dans nos classes.

Le Prof a dit…

En ma qualité de précaire, on m'a gentiment refilé en septembre des Larousse datant au bas mot de 1962 puisque le dernier exploit de la course à l'espace qui y est recensé est la sortie de Gagarine en 1961...

Je me trouve bonasse d'avoir laissé ça entrer dans ma classe. Je vais avoir quelques 2008 pour les remplacer, mais pas tous, sous prétexte que les autres profs en ont des aussi vieux que les miens.

Uh-huh. Je comprends que chacun veut sa part du gâteau, mais je suis pas mal sûre que je pourrais améliorer mon sort en échangeant mes 1968 contre les dictionnaires rejetés des autres profs.

Quelle perte d'énergie...

Le professeur masqué a dit…

Gooba: mais vous développez des compétences! pour ce qui est du Tiers-monde, il y a des jours ou j'ai tendance à croire que l'éducation est comme certains pays en développement. On y envoie de l'argent, mais on ne sait pas ou il va et à quoi il sert...

Bobbi: effectivement.

Safwan: je vais analyser un Robert plus et je te reviendrai là-dessus!

Le prof: vous pourriez demander à vos élèves de faire des récits d'anticipation à partir de vos vieux dictionnaires... ou les refiler au prof d'histoire comme étant des artefacts. Moi, je pencherais pour le recyclage.