12 août 2010

L'estime de soi et le bulletin unique

À propos du bulletin unique, Josée Bouchard, la présidente de la Fédération des commissions scolaires du Québec (FCSQ) resert un vieux couplet: l'estime de soi. Lisez ses propos.

« Le nouveau modèle d’évaluation de Québec pourrait nuire à l’estime personnelle des enfants en difficulté en les faisant redoubler. Avec le système de pondération suggéré, les mauvaises notes du début de l’année scolaire pourraient faire doubler l’élève même s’il se reprend avec succès en juin. »

Selon elle, des recherches ont démontré qu’un enfant qui a redoublé a plus tendance à décrocher.


Ah! L'estime de soi des p'tits pits. Il ne faut pas les brusquer, les traumatiser. Quant aux recherches, je me pose la question suivante: un enfant décroche-t-il parce qu'il a doublé ou décroche-t-il parce qu'il ne satisfera pas de tout façon aux exigences du programme?

Je vais être un peu cru dans mes propos, j'en suis désolé. J'enseigne au premier cycle du secondaire et je vois plein de jeunes de première secondaire se pogner le cul à deux mains parce qu'ils savent qu'ils peuvent échouer sans qu'il n'y ait de véritable conséquence. Arrivés en deuxième secondaire, ils continuent sur ce rythme jusqu'à ce que l'inéluctable se pointe devant eux: ils risquent d'être recalés. Là, quand ils ne blâment pas le prof, ils essaient de se prendre en main parfois avec juste assez de succès pour éviter le pire. Et cela, c'est quand la commission scolaire n'impose pas au prof des barêmes de correction tellement ridicules que n'importe quel élève sachant tenir un crayon peut les atteindre.

10 commentaires:

Jonathan Livingston a dit…

Alors finissons-en avec cet argument:

Tout le monde évoque l'estime de soi en s'économisant de bien définir de quoi l'on parle. Attachons-nous donc à une référence en la matière, la tradition de recherche en psychologie.

Pour la majorité des chercheurs reconnus s'étant attachés à cette dimension psychologique de l'être, l'estime de soi ne construit pas seulement sur l'approbation en situation d'incompétence manifeste. Il faudrait lire le résumé des définitions de l'estime de soi que Wikipédia - qui présentent un résumé pertinent - en donnent pour bien cerner ce dont on parle. Ce qui ressort dans ces tentatives de comprendre cette donnée sensible du sentiment de valeur personnelle de l'individu, c'est qu'on s'estime en rapport avec un idéal de soi (valeur de ce qui est important pour soi).

«Il n'existe actuellement pas de consensus sur une définition de l'estime de soi. Mais la plupart des chercheurs, malgré des divergences parfois importantes, s'entendent sur un point : l'estime de soi se mériterait. Soit qu'il s'agisse de gagner un sentiment d'appartenance en se conformant aux exigences du miroir social (Mead, 1934), soit qu'il faille atteindre un objectif particulier pour s'autoriser une fierté personnelle (Coopersmith, 1967), soit enfin qu'il convienne de respecter des « piliers » moraux afin que la réalité récompense la vertu (Branden, 1994). Pour jouir du privilège d'une bonne estime de soi, il faudrait donc s'ajuster à des principes extérieurs à soi.» (Wikipedia)

Prônez la réussite de tous sans affirmer des critères extérieurs de réussite correspondant à une exigence sociale valorisée ne favorisent pas une estime de soi, mais encourage une inflation de soi, une illusion. Et l'école n'a manifestement pas à sanctionner positivement l'incompétence ni des mirages de réussite bidon. Car ce faisant, elle ne serait qu'une contrefaçon de l'éducation et le sentiment d'estime de soi soi-disant qu'elle engendre en ce contexte, une fausseté susceptible de connaître un naufrage des plus navrant.

Enfin, l'école n'est pas le vecteur principal de l'estime de soi, ce sont les valeurs parentales qui seraient bien plus importantes. De fait, dans une famille où l'on estime les études, ne pas réussir peut conduire à une problématique d'estime de soi. Mais réussir sans effort dans un système disqualifié permet-il de satisfaire nos valeurs de réussite scolaire? Il reste, dans l'esprit de tous, un gros doute, si ce n'est un mépris pour ce qui n'est que faussement valorisé, ce qui ne peut en aucun cas, sauf idiotie flagrante, conduire à de l'estime de soi. En gardant un système scolaire mou, on fabrique donc de l'estime de soi faible chez tous ceux qui ne réussissent pas vraiment, mais qui satisfont «minimalement» les exigences.

On peut construire une estime de soi en autant qu'on réussisse vraiment dans un domaine qui compte à nos yeux. L'école n'est qu'une des nombreuses possibilités de développer un sentiment d'estime de soi.

En somme, la meilleure façon de détruire la valeur de l'éducation a été d'empêcher les enseignants de fournir aux jeunes une rétroaction continue et claire des exigences scolaires.

Aussi, l'évaluation reste le nerf de la guerre concernant la valeur que l'on met dans notre système scolaire. Madame Courchesne, qui nous quitte, avait bien compris cela. La mécanique de faussaire des «pro-réformes» ne nous dupera plus très longtemps.

Jonathan Livingston a dit…

J'ai fait comme nous tous,je suppose, la même observation. Je propose sur mon blogue d'en finir avec cet argument bidon.

Charles Samares a dit…

Objectif 2020 cher Prof Masqué!

Si on veut atteindre ce fameux objectif d'un taux de diplomation de 80%, il faut bien prendre les grands moyens afin d'y parvenir!

Puisque, tout comme une majorité de parents, les grands penseurs du milieu scolaire ont abandonné l'idée de faire réussir nos jeunes en leur demandant de fournir des efforts, tous les moyens sont bons pour créer l'illusion que nos jeunes s'améliorent!

La technique de la passoire avec des trous de 2 pouces n'a pas son égal!

Andréanne a dit…

J'étais première de classe.

Mon fiancé, lui, a fait deux fois son secondaire 3. Il parle de cette expérience comme de celle qui lui a ouvert les yeux.

Il était nul en maths. Il ne comprenait rien. Il avait beau essayer, mais ça ne fonctionnait pas pour lui. Mais la deuxième fois qu'il a fait ses maths de secondaire 3, il a compris. Quelque chose s'est placé dans sa tête, peut-être grâce au prof, peut-être parce qu'il était plus vieux, peut-être un mélange des deux. Mais quoiqu'il en soit, le simple fait qu'il a réussi à comprendre ce qui lui avait si longtemps échappé a fait en sorte qu'il s'est mis à vouloir en savoir plus. Le sentiment d'accomplissement était grisant.

Il a fait une technique en administration, un diplôme de trois ans en trois ans. Lorsqu'il a un projet en tête, il sait qu'il peut l'accomplir, parce qu'il sait que peu importe la difficulté, elle est surmontable.

Parfois, il repense à où il serait s'il n'avait pas refait le secondaire 3. Et il se dit qu'il aurait décroché.

Anonyme a dit…

Ah! l'estime de soi.

Le professeur masqué a dit…

Jonathan: je reviendrai avec un billet là-dessus.


Charles: bonjour à toi. je suis content de te lire, surtout après la saga que tu as connue. Pourquoi deux pouces? Tu es trop exigeant.

Andréanne: le redoublement n,est pas la solution universelle. Pour que ça marche, il faut tomber sur un prof sans préjugé et qui soit capable de se démarquer de celui qu'on a eu précédemment, je crois. Mais je ne crois pas que faire passer un gamin en difficulté soit la solution.

Andréanne a dit…

Je suis d'accord. En fait, je crois qu'il n'y a pas de solution universelle. On ne peut pas non plus généraliser sur un seul cas.

Mais on ne peut pas non plus affirmer que le redoublement est systématiquement mauvais pour l'estime de soi...

Paul C. a dit…

Bonjour,

L'estime de soi est une business TRÈS profitable (voir coach de vie). Curieusement, alors que tous cherchent à l'augmenter, je suis de ceux qui pensent que la majorité des gens en ont trop.

Heureusement, on commence à faire le lien avec l'inflation de l'estime de soi et les agressions violentes. Un exemple: http://books.google.ca/books?hl=fr&lr=&id=M47vCHp1mUAC&oi=fnd&pg=PA111&dq=self+esteem+violent+crime&ots=Dt5mvW9UvK&sig=QolQtmyu57zgPCUDICxx5Zgn76s#v=onepage&q=self%20esteem%20violent%20crime&f=false

Méfiez vous des gens qui utilisent ce concept indéfini et payant!

Paul C.

Le professeur masqué a dit…

Paul C.: je vais aller lire, mais je promets un petit billet sur ce sujet bientôt.

Paul C. a dit…

Bonjour,

Un des auteurs de l'article, Roy Baumeister, semble être un ancien adepte (1970) de l'estime de soi.
Il en serait venu à douter des bienfaits de ce concept.

Deux autres articles:
The dark side of self-esteem.
Exploding the Self-Esteem Myth .