21 septembre 2012

Intimidation: attention avant d'affirmer que... (ajout)

Le Journal de Montréal aujourd'hui y allait d'un article percutant où des parents dénoncent, dans une requête de 44 pages, l'intimidation dont aurait été victime leur enfant dans une école de Granby. Ils poursuivent conjointement pour 400 000$ la direction de l'école de l'enfant, deux enseignantes (elles sont nommées dans l'article) et la commission scolaire des Hautes-Rivières.

J'ai de grandes réserves à propos de tels cas, surtout que la journaliste à l'origine de ce texte ne donne pas la parole aux gens visés par la poursuite et ne vérifie pas certains faits.

Les affirmations des parents

Dans cet article, on rapporte que les parents se seraient plaints que leur enfant aurait subi les éléments suivants pendant toute une année: «Bousculade, agression physique, mépris, crocs en jambe, insulte, exclusion.» L'élève, qui souffre d'arthrite juvénile et porte des orthèses, «se serait fait voler des objets, ridiculiser lorsqu'elle portait ses orthèses et ostraciser.»  Une de ses consoeurs de classe l'aurait frappée avec une chaise et lui aurait donné un coup de poing. Malgré une plainte à la Sûreté du Québec, la situation aurait perduré jusqu'à la fin de l'année scolaire, semble-t-il.

D'après les parents, la direction de l'école aurait affirmé que l'intimidation dont leur enfant aurait été victime «n'existait tout simplement pas», qu'elle ne faisait que chercher de l'attention et qu'elle «avait des comportements particuliers.»

La présentation des faits par la journaliste

Si on analyse ce texte, on remarque tout d'abord qu'il ne présente qu'une version de l'histoire: celle des parents. À mon avis, le traitement de l'information journalistique doit être équilibré, ce qui n'est manifestement pas le cas ici. Pourquoi n'a-t-on pas la version des gens poursuivis par les parents?

Ensuite, la journaliste rapporte du ouï-dire: les parents affirment que la direction a dit que... En cour, une telle preuve est immédiatement rejetée à juste titre. Très délicat comme façon de faire.

Enfin, la journaliste n'a pas procédé à deux vérifications élémentaires qui auraient pu donner un éclairage important à cette histoire. Qu'est-il arrivé de cette plainte déposée à la SQ? A-t-elle été retenue? Enquête-t-on sur ce cas? Il me semble que cette vérification était nécessaire avant de publier une telle histoire. De même pour l'incident avec la chaise. Y a-t-il un rapport médical appuyant une partie des faits avancés par les parents?

Par contre, et soyons honnête, on notera que la journaliste emploie le conditionnel pour décrire les faits qui seraient survenus et indique fréquemment qu'il s'agit de ce que soutiennent les parents de l'élève concerné. Un excellent point en sa faveur, mais qui ne contrebalance la façon dont elle a traité cette «nouvelle».


Évitons de tirer des conclusions

En plus de déplorer le fait que nous n'ayons pas les différentes versions de toute cette histoire, un autre aspect du traitement médiatique de cette «nouvelle» est que l'on demande à divers individus de la commenter alors qu'ils ne semblent pas avoir l'ensemble des éléments nécessaires pour agir ainsi.

Ici, dans la capsule vidéo accompagnant ce texte, Mario Dumont fait preuve de ses faiblesses journalistiques et présente la situation comme vraie: en introduction, il emploie le présent pour décrire toutes les exaction dont serait victime l'enfant concerné. Quant à elle, Chantal Longpré, invitée sur le plateau, fait exactement de même en plus de blâmer sans manifestement s'en apercevoir une direction d'école («il faut que je m'assure que.. ça n'a pas été fait.») et de tirer de cette «nouvelle» une multitude de  conclusions inexactes en prenant pour acquis que cette histoire est vraie. Ça donne du beau trashnews mais, pour la rigueur, on repassera.

Si on pousse plus loin, je n'arrive même pas à comprendre comment  Mme Longpré puisse affirmer en fin d'entrevue: «Là, on est en train d'investir des sommes incroyables, 400 000$. Une poursuite pour un élève. Ce 400 000$ pourrait servir à plusieurs écoles.» Euh... On n'investit pas 400 000$ ici. On parle d'une poursuite. Même pas encore inscrite en cour. Même pas encore certain du jugement et d'une possible somme à verser.

Dans les faits, si on lit bien le texte publié dans le Journal de Montréal, à partir de ce seul cas, on ne peut pas affirmer que l'école québécoise manque de moyens pour contrer l'intimidation en ses murs. Premièrement, la direction aurait été informée, selon les parents, des faits survenus à leur enfant et aurait volontairement décidé de ne pas y donner suite, estimant que la situation ne méritait pas qu'on y accorde de l'importance. Le présent cas n'aurait donc rien à voir avec un manque de ressources, mais plus avec une décision prise par une direction d'école et le désaccord des parents concernés. Deuxièmement, cet article traite d'une poursuite entamée par des parents, pas d'un jugement en leur faveur. Aucun des faits allégués ici n'a été prouvé. Aucune vérification minimale n'a été effectuée.  On ne dispose que de la version des plaignants. Rien ne prouve (encore) que l'enfant ait été réellement victime d'intimidation. 

En commentant cette nouvelle et en prenant pour acquise la version des parents, certains commentateurs semblent ignorer qu'ils peuvent s'exposer à des poursuites criminelles. Ils doivent donc être très prudents dans leurs propos et toujours les accompagner de remarques appelant à la prudence du genre: «Si cela est vrai.. Si le cas qu'on rapporte est avéré...»

Si vous croyez que j'exagère, je vous rappellerai le cas de Félix, l'enfant dans la cage. (ici et ici). Il y a quelques années, des parents ont dénoncé médiatiquement le traitement qu'aurait subi leur enfant à l'école. Divers chroniqueurs et gérants d'estrades s'en étaient mêlés. Des poursuites ont alors été intentées par l'enseignante visée par les propos de nos «experts» et se sont conclues par une entente hors cours à son avantage et une belle compensation financière.

*********
Puisqu'on parle de traitement équilibrée de l'information...  Quand un animateur télé, ancien chef d'une formation politique qui a prôné l'abolition des commissions scolaires, reçoit comme invitée spécialiste en éducation une candidate d'une autre formation politique qui a également prôné l'abolition des commissions scolaires, faut-il se surprendre qu'ils s'entendent tous les deux sur certains constats?

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Malheureusement je crois que pour plusieurs journalistes, il est plus important de créer une nouvelle que de creuser les histoires. L'avantage de cette méthode c'est qu'elle fait vendre des journaux. Encore une fois c'est l'argent qui mène et si les faits ne sont pas avérés ils vont se retracter en page 97 juste en bas des sports question qu'on ne le voit pas.

C'est triste et tant que je journalisme sera une question d'argent nous aurons droit à des histoires de ce genre en première page de certain torchon.

Anonyme a dit…

Lu sur Facebook :


" Bonjour à tous,

Vous avez sûrement entendu parler de l’école Micheline-Brodeur de St-Paul-d’Abbotsford hier, dans les journaux?

...
Je suis profondément aberrée par ce genre de médias (journal de Montréal particulièrement) qui nomment et accusent des enseignantes et direction d’école en ne connaissant qu’une version des faits.
Ce journal a-t-il questionné ces professionnels ?
Ce journal connaît-il toute la situation?
Ce journal connaît-il toutes les interventions que ces enseignantes ont réalisées?
Ce journal connaît-il cette maman qui n’a peut-être eu d’autres moyens pour intervenir que d’utiliser son pouvoir?

Avant d’arriver aux journaux, y a-t-il d’autres moyens que d’user de son pouvoir?

Malheureusement, le mal est fait. L’école est accusée publiquement sans défense .

Je suis une maman dont le fils était dans cette classe il y a deux ans.

J’ai eu connaissance de d’autres situations d’intimidation où ces mêmes professionnelles ont dû intervenir et ce, de façon adéquate.

Je vous pris de faire la part des choses et d’être très prudents envers cette désinformation qui détruit ceux qui travaillent pour le bien de nos enfants.

Je suis profondément aberrée de toute cette haine que le JOURNAL DE MONTRÉAL ainsi que d’autres médias encouragent au nom des droits ……………de qui?

Soyons vigilants! "

Brigitte Rainville

Il y a 42 minutes · J’aime

Anonyme a dit…

Bravo pour vos précisions apportées sur ce sujet. Je connais les personnes impliquées et j'en reviens simplement pas comment un journal peut faire cela! Il faut connaître les personnes accusées et le travail des professionnels du monde de l'éducation pour savoir que de nos jours, l'intimidation est pris au sérieux! Il faut aussi avoir confiance en ces gens et les laisser travailler sans toujours les accuser de tout et de rien!!
Merci

Le professeur masqué a dit…

J'ai hâte d'en savoir plus sur cette histoire.

Anonyme a dit…

Vous irez sur le site de la CSDHR qui défend son école et son personnel. Bravo!