14 septembre 2013

Symboles religieux: un débat mal lancé


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Délicat comme sujet. Et mon opinion n’est pas affirmée ni confirmée. Beaucoup de questionnements. Beaucoup trop de préjugés encore. Et de moins en moins de certitudes.
Une chose est certaine : les mots sont des pièges et des traîtes et, si j’ai longuement hésité à écrire sur ce sujet, c’est par la peur du jugement de l’autre, quel que soit ce jugement et qui que soit cet autre.

Un point essentiel avant de commencer. Je crois que je suis agnostique et, si je respecte les gens qui pratiquent une religion, j’ai beaucoup de difficulté intellectuellement et émotivement à comprendre comment on peut croire en un ou des dieux. Il faut la foi, parait-il. Je n’ai pas cette ambition personnelle. Je préfère plus simplement travailler à rendre l’humain meilleur. C’est déjà tout un défi. Mais je suis aussi animé d’idéaux basés sur le respect, le mieux vivre ensemble et la pérennité de l’espère humaine.

Y-a-t-il un problème?

À cette question, la réponse est complexe. Ce n’est pas parce qu’on n’est pas en crise qu’une situation ne mérite pas qu’on se penche sur cette dernière. D’ailleurs, souvent, les crises sont le résultat d’une cécité bien volontaire. J’y reviendrai.

Chose certaine, il y a  un certain malaise plus qu’un malaise certain. Et – ne soyons pas hypocrite - celui est davantage exacerbé par la présence de certains musulmans au Québec. Prenez note : je n’ai pas écrit dans la société québécoise. Simplement, parce que le débat est là : immigration, intégration, assimilation, identité nationale, valeurs québécoises.  

À ceux qui seraient tentés de dire qu’il s’agit simplement d’une lubbie du PQ, une majorité de Québécois seraient en faveur de cette Charte. Pour moi, un nombre n'est pas un argument et je me méfie de la tyrannie de la majorité. Par contre, ici, on doit tenir compte de la présence de ces derniers si on veut s’assurer que cette situation ne dégénère pas.

Amateurisme et hypocrisie

Tout le débat actuel sur les signes religieux ostentatoires est un cocktail explosif que nos politiciens, quels qu’ils soient, semblent manipuler comme des apprentis sorciers.  M.Drainville  ignore manifestement que la Révolution tranquille n’a pas engendré la déconfessionnalisation du réseau scolaire québécois. M.Couillard peine à faire la différence entre interculturalisme et multiculturalisme dans une métaphore arboricole. Bref, on n’est pas sorti du bois.

Certains intellectuels ne sont pas en reste. Je pense à MM Bouchard et Taylor partis en commission itinérante avait des volontés d’éduquer les ignorants ne partageant pas leur point de vue. Sur ce point, la récente sortie poutinesque de M. Taylor me pousse à penser que ce dernier devrait descendre de sa tour universitaire et avoir le courage de ses convictions en se lançant en politique. 

Et puis, il y a cette hypocrisie ambiante.

Celle du PQ :
  • qui refuse d’enlever le crucifix de l’Assemblée nationale, un endroit qui devrait être profondément neutre, dans le but sûrement de ne pas s’aliéner certains catholiques et tous les «Lala Tremblay» qui veulent une prière avant un conseil municipal.
  • qui parle d’état laïc tout en continuant de subventionner les écoles de confession religieuse.
Celle du PLQ :
  • qui qualifie d’opportunisme ce geste du PQ de lancer le débat autour d’une charte des valeurs québécoises. C’est bien par opportunisme politique que le gouvernement Charest a volontairement oublié le rapport Bouchard-Taylor sur une tablette.  
  • qui ne veut pas offusquer une base électorale issue d’une immigration récente ou ancienne.
  • qui cite la mémoire de René Lévesque alors que cette formation le présentait comme un liberticide avec la loi 101.
Celle de divers intervenants comme :
  • l’hôpital Juif de Montréal qui annonce qu’il se soustraira à la chartre par respect pour les libertés de ses employés mais qui s’est déjà fait condamner par la Commission des droits de la personne pour avoir manqué à son devoir d’accommodement raisonnable.
  • le Centre Culturel Islamique de Québec (CCIQ) qui craint rien de moins que le projet de Charte des valeurs québécoises ne porte atteinte aux droits des femmes, et particulièrement aux droits des femmes musulmanes, comme si cet organisme était un porte-étendard de l’égalité des sexes.

Et en éducation?

Pour ce qui est du monde de l’éducation, devrait-on interdire le port de signes religieux ostentatoires aux enseignants? Le PQ le demande dans une volonté de laïciser l’État. La CAQ, elle, prend appui sur la position d’autorité qu’occupent les enseignants. Pour le PLQ, il ne faut rien faire dans ce dossier. Dans les deux premiers cas, les positions de ces  formations politiques sont incohérentes. Dans le troisième, cette position va à l'encontre de ce qu'avançaient MM Bouchard et Taylor.

Pour le PQ, si l’État est laïc, qu’il cesse de financer les institutions d’éducation ayant un projet éducatif confessionnel. Quant à la CAQ, dans une école, il n’y a pas que les enseignants qui occupent une position d’autorité. Tous les éducateurs qui y vivent ont aussi ce statut. Je pense notamment aux surveillants d’école, mais aussi à la bibliothécaire ou au TES qui sera peut-être appelé à intervenir dans les corridors dans le cas d’une situation conflictuelle.

En ce qui concerne la commission Bouchard-Taylor, les auteurs recommandaient d'interdire les signes religieux aux représentants de l'État exerçant une fonction d'autorité comme des juges ou des policiers. Ce qui rejoint jusqu'à un certain point l’idée de Daniel Baril :«Pour qu’il y ait neutralité, il faut qu’il y ait apparence de neutralité». Or, si on impose cette contrainte à un juge ou à un policier, pourquoi cela ne le serait-il pas aussi pour un enseignant?  L'enseignant ne jouit-il pas d'un statut d'autorité légalement? Ne lui a-t-on pas délégué une certaine autorité parentale? Ne devrait-il pas être neutre pour l'exercer?

Bien sûr, l’habit ne fait pas le moine et, en éducation, un individu ne portant pas de signe religieux ostentatoire peut très bien se révéler le pire des manipulateurs religieux.
Par ailleurs, le MELS lui-même marche sur des œufs quand on parle des convictions religieuses. Prenons le cours d’Éthique et culture religieuse. Le MELS exprime clairement que l’enseignant doit avoir un devoir de réserve dans l’exercice de sa profession, pour ne pas dire plus :

  • (...) Puisque ces disciplines renvoient à des dynamiques personnelles et familiales complexes et parfois délicates, un devoir supplémentaire de réserve et de respect s’impose au personnel enseignant, qui ne doit pas faire valoir ses croyances ni ses points de vue.
    (...) Dans ce contexte, il lui faut comprendre l’importance de conserver une distance critique à l’égard de sa propre vision du monde, notamment de ses convictions, de ses valeurs et de ses croyances.
    (...) Pour favoriser chez les élèves une réflexion sur des questions éthiques ou une compréhension du phénomène religieux, l’enseignant fait preuve d’un jugement professionnel empreint d’objectivité et d’impartialité. Ainsi, pour ne pas influencer les élèves dans l’élaboration de leur point de vue, il s’abstient de donner le sien.
Le fait de porter des signes religieux ostentatoires va-t-il à l’encontre de ce programme?

Le débat est lancé et mal lancé, je crois. Dans ma tête, plusieurs questions tournent en boucle. Le port de certains symboles religieux est-il vraiment obligatoire?  Le devoir d’accommodement ne doit-il être réservé qu’à ceux qui accueillent? Qu'en est-il de ceux qui sont accueillis? Doit-on revoir certains critères de sélection en immigration parce que les écarts entre les valeurs de la société québécoise et certains arrivants sont trop grands?

Je ne sais pas. Mais ça tourne.  Par moment d’un côté. Par moment, de l’autre. 

Tiens, un sondage. Sur le côté droit.

Le port des signes religieux ostentatoires en éducation.
Pour
Contre
Ne sais pas

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