29 août 2015

Qualité du français des enseignants : évaluation douteuse et gestion incohérente


 Le ministre de l’Éducation, François Blais, affirme que les facultés universitaires d’enseignement acceptent des candidats dont la maitrise du français est trop faible et entend resserrer les exigences quant à l’admission de ces derniers : «On prend des étudiants qui sont trop faibles dans une discipline pourtant fondamentale parce que les professeurs, les enseignants, devraient être des modèles sur le plan intellectuel, sur le plan moral aussi.»

Des enseignants officiellement compétents

Le ministre Blais semble oublier que ces futurs enseignants ont réussi avec succès trois évaluations quant à la maitrise de leur langue écrite :
  •        celle en français écrit dont la réussite est obligatoire pour l’obtention du diplôme d’études secondaires (DES);
  •        l’épreuve uniforme de français  (ÉUF) dont la réussite est obligatoire pour l’obtention du diplôme d’études collégiales (DEC);
  •         et le test de certification en français écrit pour l’enseignement (TECFÉE) dont la réussite est obligatoire si l’on compte poursuivre des études dans tous les programmes de formation à l’enseignement.

De plus, ces enseignants en devenir ont également réussi des stages en milieu scolaire où ils ont été évalués à la fois par leur maitre-associé et par un superviseur relevant d’une université.

Concernant le TECFÉE, il est révélateur de noter la réaction des universités quand la ministre de l’Éducation Michelle Courchesne avait décidé d’aller de l’avant avec cette mesure en 2006. À l’origine, les futurs enseignants avaient trois chances d'atteindre le seuil de réussite, fixé à 70 %.  Un candidat qui connaissait un troisième échec était automatiquement exclu du programme pour un an tandis qu’un quatrième échec entrainait une expulsion définitive.  Puis, les universités ont voulu revoir à la baisse le seuil de réussite de 70% pour le placer à 60%.  Ensuite, ce fut le nombre de reprises possibles qui a été remis en question – certains doyens suggérant même un nombre illimité de reprises! - avec, pour résultat, que les sanctions en cas d'échec varient présentement d'une université à l'autre.

Le fameux contingentement

L’accès aux études universitaires en enseignement est souvent contingenté, mais il arrive pourtant que bien des candidats discutables soient acceptés tant le nombre de places disponibles est élevé. En fait, dans leur course au financement, les universités les accueillent simplement pour des raisons financières. Il n’est donc pas étonnant alors que ce soit en enseignement qu’on retrouve souvent les candidats ayant la cote R la plus faible.  Cela ne signifie pas que tous les futurs enseignants soient faibles : il en existe d’excellents dont la compétence est indiscutable, mais ils en côtoient d’autres qui n’auraient pas dû être admis.

Par ailleurs, soulignons qu’il n’y a aucune véritable concordance entre les besoins du réseau scolaire en terme d’enseignants et le nombre de candidats admis dans les universités. Depuis des années, on forme des diplômés qui viennent s’ajouter aux interminables listes d’ancienneté. Certains jeunes excellents enseignants finissent par se lasser de la précarité de leurs conditions de travail et quittent le domaine de l’éducation, laissant ainsi leur place à d’autres parfois tout aussi bons et passionnés mais aussi à ceux dont la persévérance n’est pas nécessairement un gage de compétence.    

Ce que le ministre Blais devrait comprendre quant à la qualité de la maitrise du français des futurs enseignants, c’est qu’elle constitue le reflet de la qualité de la formation qu’ils ont reçue mais aussi de la gestion qu’exercent les hauts fonctionnaires et les décideurs politiques sur notre système scolaire.  On peut bien resserrer les conditions d’entrée des étudiants universitaires en éducation; il n’en demeure pas moins que, fondamentalement, c’est l’ensemble de l’enseignement du français et les évaluations reliées à celui-ci qui sont à revoir. 

3 commentaires:

Lucie a dit…

Toujours intéressant de vous lire! Bonne rentrée scolaire, Professeur Masqué!

Anonyme a dit…

Ça fait plaisir de vous lire à nouveau PM.
Les sites internet de CS et d'écoles sont une grande source de fautes de toutes sortes...ce sera de plus en plus difficile d'avoir des pages corrigées et en plus nous ne sommes pas dans un temps d'embauche mais ça prend clairement des correcteurs, à tout le moins pour les sites internet.
Tout le monde dans une école devrait savoir écrire!
Bonne rentrée
Lady

Anonyme a dit…

Il y a un an déjà, on critiquait encore la compétence des enseignants et des futurs enseignants en admettant que les exigences d’admission dans les programmes d’enseignement soient trop faibles. Or, ce sont des critiques que j’entends toujours aujourd’hui. En effet, comme vous le mentionnez, PM, il est vrai que les programmes d’enseignement acceptent certaines personnes qui ne devraient pas y être, mais il y a aussi, dans ces programmes, beaucoup d’étudiants qui ont leur place et qui feront d’excellents enseignants plus tard. Étant moi-même présentement en formation, je peux certainement confirmer que de bons enseignants prendront place dans les écoles du Québec d’ici quelques années. Je peux aussi, malheureusement, confirmer que le Québec a perdu plusieurs bons enseignants qui ont décidé de changer de voie à cause des mauvaises conditions auxquelles ils auraient dû faire face en entrant sur le marché du travail. Vous parlez des listes d’ancienneté, je parle aussi des budgets coupés, des classes bondées, du manque d’encadrement et de soutien, etc. Il est triste de constater que ces étudiants quittent non pas parce qu’ils n’auraient pas fait de bons enseignants, non pas parce qu’ils n’avaient pas les compétences requises, non pas parce qu’ils n’avaient pas le cœur au bon endroit, mais bien parce qu’ils ne pouvaient supporter de passer leur carrière entière à se défendre contre les jugements, à se prouver aux yeux des autres et à se battre pour obtenir ce qui devrait leur être dû et surtout, ce qui devrait être dû à leurs élèves. Dans les universités, on accepte beaucoup d’étudiants pour la formation, mais à quoi bon si l’on ne tente même pas de conserver les gens que l’on forme ? Je crois donc qu’il n’est pas suffisant de resserrer les exigences d’admission ; il faut plutôt se concentrer à reconnaitre les compétences des enseignants et des futurs enseignants de façon à conserver nos meilleurs atouts.