25 février 2017

Les connaissances grammaticales: peu importantes à l'école (ajout)

Selon une récente étude réalisée auprès de 85 futurs enseignants de français au secondaire, leur maîtrise des règles grammaticales serait «fragile». Qui plus est, ces derniers s'estiment meilleurs qu'ils ne le sont dans les faits. Cette confiance excessive en eux-mêmes les amène ainsi à croire - à tort - qu'ils ont une très bonne ou même une excellente maitrise de la grammaire.

Cette étude démontre bien qu'un concept propre au Renouveau pédagogique, qui régit le système scolaire québécois depuis les années 2000, ne semble pas fondé, soit que la maitrise d'une compétence mobilise nécessairement un ensemble important de connaissances. En français, on le constate, rien n'est plus faux et il n'est donc pas étonnant que de futurs enseignants de cette matière pensent erronément bien connaitre les différentes règles grammaticales. Mais comment s'explique ce décalage entre leur perception et la réalité?

Les examens de grammaire au pilori

Un premier élément important pour comprendre cette situation est que, de plus en plus, des enseignants au secondaire se font suggérer de ne pas évaluer la grammaire sous la forme d'examens standards.  Ce type d'évaluation ne répondrait pas aux compétences expressément mesurées par le programme en français: la maitrise de la grammaire devrait être évaluée en contexte, c'est-à-dire lors de la rédaction d'un texte. 

Avec ce type d'évaluation, il est alors parfois bien difficile pour un enseignant de vérifier systématiquement si un élève maitrise l'ensemble des règles abordées en classe.

Des examens d'écriture peu mobilisateurs

Il faut également savoir que les examens de français écrit - à chaque niveau - ne nécessitent pas la mobilisation d'un nombre important de connaissances grammaticales, contrairement à ce que l'on peut penser et à ce que certains affirment. En effet, il existe peu d'exigences quant au réinvestissement des notions grammaticales vues en classe au secondaire dans ces examens. Un élève peut réussir l'épreuve écrite finale en s'en tenant à ce qu'il connait et non pas à tout ce l'on affirme qu'il doit maitriser. Par exemple, un jeune éprouvant des difficultés mais débrouillard - bien qu'il ait accès à un dictionnaire et une grammaire durant l'épreuve - évitera d'employer des adjectifs de couleur, des participes passés complexes, etc., s'il n'est pas certain de bien les écrire.

Alors qu'il est impossible pour un élève de réussir un examen de mathématique ou de chimie de cinquième secondaire sans faire appel aux connaissances qu'il a vues au cours de la dernière année de son parcours scolaire avant le cégep, en français, un élève n'ayant qu'une bonne maitrise des règles de grammaire vues au primaire pourra néanmoins réussir l'examen ministériel final en écriture.

Une correction permissive

Un autre élément qui explique pourquoi les futurs enseignants de français croient de façon erronée qu'ils ont une excellente maitrise des règles grammaticales est bien sûr que la grille de correction de l'examen final d'écriture est très permissive en ce qui a trait à la maîtrise de la langue. On leur transmet alors le message erroné qu'ils sont compétents.

Par exemple, dans cette grille, le critère «respect des normes relatives à l'orthographe d'usage et à l'orthographe grammaticale» ne représente que 20% de la note totale de l'examen alors que celui concernant  la syntaxe et la ponctuation en vaut 25. De plus, une erreur n'entraine pas automatiquement la perte d'un point. Ainsi, un élève ayant commis 13 fautes ne perdra en réalité que 7 point sur 20. Dans les faits, dans un texte de 500 mots, pour être recalé, un élève devra avoir commis 35 erreurs ou plus en ce qui a trait à l'orthographe d'usage et à l'orthographe grammaticale, soit une faute aux 14 mots.  

Enfin, dernier point important, depuis 2004, le résultat obtenu par un élève en écriture durant l'année scolaire auprès de son enseignant ne peut être inférieur à la note de l'examen final d'écriture. Celui-ci sera alors ajusté à la hausse, le ministère de l'Éducation estimant qu'une note supérieure obtenue à l'examen final d'écriture fait foi de la valeur réelle du jeune. Peu importe que cet examen ne mobilise pas un ensemble important de connaissances grammaticales, peu importe que la correction de ce dernier soit généreuse.

La grammaire: une partie minime de la note globale

En français, si l'on regarde de plus près, on constate que la maitrise de la grammaire ne vaut que 20% de la compétence Écriture qui, elle, vaut 50% de la note globale de l'élève. Cela revient donc à dire que la maitrise grammaticale ne représente environ que 10% du résultat global d'un jeune. L'élève peut donc avoir 0 sur 10 en grammaire, faire une faute aux 15 mots et malgré tout réussir son cours avec un résultat honorable.

Si rien de cette situation ne change, il est évident que les futurs enseignants de français continueront de frapper aux portes des universités en ayant un maitrise «fragile» des règles grammaticales et une perception surévaluée d'eux-mêmes. La raison en est que l'évaluation de la grammaire n'est généralement pas effectuée de façon systématique durant leur parcours scolaire et que la part accordée à celle-ci dans l'évaluation est minime.

À cet égard, vouloir serrer la vis aux futurs profs, comme le demandent les universités, est une solution qui ne vise qu'à régler - d'une façon pas nécessairement efficace - une partie d'un problème bien plus vaste, soit que, dans les faits, la maitrise de la grammaire à l'école au Québec n'est pas si importante. Le plus tragique dans tout cela demeure que bien des élèves ne sont pas dupes des beaux discours qu'ils entendent et ont compris qu'ils peuvent réussir leur cours de français sans savoir bien écrire.

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Je mets ici en ajout un billet du Prof et goéland qui complète  le mien

4 commentaires:

Jonathan Livingston a dit…

Bonjour Prof! Content de te lire en ce temps de relâche. Je suis très d'accord avec toi sur le fait que, dans l'évaluation, on ne permet pas d'«insister» auprès des élèves pour travailler avec eux les connaissances grammaticales, ce qui explique que l'on puisse sortir du réseau scolaire en surestimant ses capacités.

Cependant, je crois que le problème ici soulevé est aussi et surtout 22 ans d'enseignement d'un système d'analyse grammaticale structuraliste, inefficace et encombrée qui n'a fait l'objet d'aucune remise en question sérieuse depuis son installation dans nos classes en 1995. Quand on examine cette étude, il est clair que la connaissance grammaticale est une connaissance de le nouvelle grammaire. Or, cette grammaire nouvelle seulement enseignée dans 4 provinces canadiennes n'est pas la seule description de la langue.

Je développe chez nous (Prof et goéland), car mon analyse a pris des proportions!

Bon, on radote encore! Le système tourne pour lui-même et ne change pas ses perspectives...

Bonne relâche!

Anonyme a dit…

Non pas nécessairement pour ce billet-ci, mais pour l'ensemble de ton œuvre (dans laquelle le dénigrement à peine voilé des personnes qui soutiennent des idées contraires aux tiennes [Égide Royer, Pierre-Yves Mc Sween, Jean-Marc Saint-Jacques, etc.] est l'une de tes pratiques favorites), il me semble que tu aurais avantage à lire et relire la dernière chronique de Normand Baillargeon, dont deux extraits en particulier.

Description d'une façon de faire

"S’exprimer, à l’écrit ou à l’oral, sur un ton ou avec des mots ou des expressions qui ne laissent aucun doute sur le fait que l’on pense que l’on a absolument raison et que les autres sont au mieux des crétins qui se trompent, au pire des personnes intellectuellement malhonnêtes."

Quelques-unes des propositions de l'auteur

"On ne devrait pas insulter les gens, leur intimer de se taire, employer des mots dénigrants; on devrait toujours s’en prendre aux idées plutôt qu’aux gens; on devrait écouter ce qu’autrui veut dire et présumer qu’on pourrait en apprendre quelque chose. Toutes ces choses, qui n’interdisent pas d’avoir de profondes convictions et de vrais désaccords, sont connues et nous devrions exiger qu’on les applique. La pratique de déplorer qu’on ne s’y emploie pas devrait se répandre, partout, depuis les médias sociaux jusqu’aux grands médias en passant par les conversations privées."

https://voir.ca/chroniques/prise-de-tete/2017/03/10/pour-desintoxiquer-les-debats/

Le professeur masqué a dit…

Savoureux.

Je lis M. Baillargeon toujours avec plaisir, pour ne pas en dire plus.

Donc, le dénigrement des personnes est une des pratiques favorites de l'oeuvre du Prof masqué. Et vous citez trois cas (Égide Royer, Pierre-Yves Mc Sween, Jean-Marc Saint-Jacques) sans donner aucun exemple à l'appui quant à ces trois derniers.

Ah bon. Voyez-vous la contradiction dans votre commentaire? Moi oui.

Le professeur masqué a dit…

Et je vais me permettre d'en ajouter une couche: j'ai une maudite bonne idée de qui vous êtes et ça me fait marrer pas mal en plus.

Sur PY MC Sween, un seul texte. Pour votre gouverne M. Mc Sween et moi avons échangé dans le plus grand des respects à quelques reprises à la suite du SEUL texte que je lui ai consacré. Il est cassant dans certaines interventions, moi aussi. Mais je le respecte, même si je ne partage pas toujours certaines de ses idées. Pour le trolisme, on repassera.

Sur M. Royer, sept textes. Un seul de discutable au niveau de la forme. Le discours public de M. Royer a légèrement changé depuis quelque temps. Mais son discours sur le décrochage a longtemps été teinté d'un masculinisme et de préjugés qui ne font pas honneur à un universitaire. Je suis désolé de l'écrire. Le jour où les associations LGBTQ+ vont prendre vraiment connaissance de ses propos, il risque de les trouver pas mal plus rock and roll... De plus, d'une façon pas vraiment implicite, M. Royer remet constamment en question le professionnalisme des enseignants du Québec. Et on ne parle pas des raccourcis douteux dans son discours entre le décrochage des garçons et les enseignantes.

Quant à M. Saint-Jacques. il est parfait. :)