12 mai 2008

Ben ordinaire

Je ne le croyais pas. On m'en a apporté la preuve et j'en reste quasiment paralysé des doigts. À mon école, dans la grille-matières, l'enseignement dispensé aux élèves n’appartenant pas à des profils particuliers est qualifié d'enseignement ordinaire.

Imaginez la situation suivante.
  • Hey, Paul! Tu as quoi comme tâche cette année?
  • Moi, Ringo, je fais de l'enseignement ordinaire.

Ou encore.

  • Ouins, mon petit débute le secondaire cette année. Il a été accepté en sport-études. Pis, vous, madame Chose ?
  • Le mien, ben, il est en ordinaire, vous savez...

Ordinaire au dictionnaire Robert 2007 a les sens suivants :

  • conforme à l’ordre normal, sans condition particulière;
  • dont la qualité ne dépasse pas le niveau moyen le plus courant, qui n’a aucun caractère spécial;
  • qui n’a rien d’exceptionnel.

Regardons maintenant le terme régulier employé auparavant pour désigner cet enseignement:

  • conforme à la règle, à la norme.
  • (régionalisme - critiqué) Au Canada: normal, ordinaire

Vous savez, il y a longtemps, on mettait de l'essence ordinaire dans le réservoir de nos voitures. Puis, les pétrolières ont compris que ce terme était perçu de façon péjorative. Elles ont alors parler d'essence régulière.

Même les vendeurs de gaz l'ont compris...

Si l'essence précédente l'existence, avec un terme aussi ordinaire, je n'ose pas penser à toute la motivation qu'on donne aux enseignants et aux enfants en les désignant implicitement ainsi.

Mais comme chu rien qu'un gars ben ordinaire...

11 commentaires:

A.B. a dit…

Le terme «régulier» a déjà une connotation péjorative chargée. Il ne fallait pas en rajouter, mais le terme «ordinaire» le fait, malheureusement. Qui a eu cette «belle» idée? J'ose espérer qu'on ne te répondra pas que c'est une catégorie automatisée du système d'horaires des élèves. Ça enfoncerait le clou pas mal trop profond.

bobbiwatson a dit…

il semblerait que ce terme soit utilisé par le MELS

Mía a dit…

Il n'y a rien de mal à vouloir suivre une formation GÉNÉRALE, sans aucune spécialisation... LOL! Voilà que le prof masqué devient soucieux de problèmes de "rectitude politique"!?!
Mía

Anonyme a dit…

Assez ordinaire hein... Moi qui se fend le c.. à démontrer aux jeunes qu'ils ont chacun des intelligences émotionnelles particulières afin qu'ils croient en leur capacité... Me voilà que je dois leur programmer un Mea culpa à l'ordre du jour demain pour faute de zèle non-convenable à mes tâches d'éducatrice ordinaire...

Une éducatrice qui raconte n'importe quoi...

Anonyme a dit…

Hahaha!

J'adore cette blague.

On aura donc des profs ordinaires dans des classes ordinaires qui feront de l'ordinaire. C'est extra-ordinaire, ça!

Mon dieu que le MELS a un sens de l'humour ordinaire!

Zed

Le professeur masqué a dit…

À tous: et si on calquait cette époque ou l'on achetait de l'essence en parlant du «gaz jaune» et du «gaz rouge»?

bobbiwatson a dit…

Je rejoins Mandoline dans son commentaire. C'est déjà assez compliqué de valoriser nos enfants dru "régulier" parce que cette appellation les "fait paître moins bons que ceux des autres programmes. S'ils deviennent "ordinaire" ce sera une autre bataille à désamorcer.

Peut-être qu'on les prend pour de l'essence! Faire le plein de régulier ou de ordinaire est pareil : tout dépend de la station d'essence o`u on va!

Hortensia a dit…

Je suis un prof ben ordinaire
Des fois, j'ai pu le goût de rien faire
J'fumerais du pot, j'boirais de la bière
J'ferais de la musique avec PMT
Mais faut que j'pense à ma carrière
Je suis un prof ben ordinaire

Vous voulez que je sois un Dieu
Si vous saviez comme j'me sens vieux
J'peux pu dormir, j'suis trop nerveux
Quand j'enseigne, ça va un peu mieux
Mais ce métier-là, c'est dangereux
Plus on en donne plus l'monde en veut

Jonathan Livingston a dit…

C'est la nouvelle stratégie du MELS pour stimuler la différenciation pédagogique: puisque tout le monde veut être extraordinaire et a horreur d'être juste ordinaire, ben, on va se mettre à revendiquer avoir son programme particulier. Les écoles vont se fendre en quatre pour sauver tout le monde de l'ordinaire.

Remarquez que l'expression n'est pas nouvelle, depuis 1989, je crois, on a mis dans la loi la politique d'intégration des élèves "différents" dans la classe "ordinaire". Pour les classes spéciales, c'était une promotion d'aller en classe ordinaire. Mis dans ce contexte, personne ne réalisait que le régulier était ordinaire en fait. Les circuits viennent de connecter partout avec un éclaircissement du Mels: oui, le régulier est bien une classe ordinaire qui a intégré les EHDAA.

Mais bon, on sait tous que les classes ordinaires résultant de cette intégration est ce qui crée la diversification des programmes. Tous les élèves de niveaux réguliers du public s'en vont vers le privé, ou tente de se placer dans un programme particulier pour fuir le chaos de l'intégration.

Résultat: dans 15 ans, il ne restera que les élèves en difficultés dans la classe ordinaire et on votera une loi pour intégrer les élèves en difficulté dans la classe extraordinaire. Et ordinaire voudra dire bientôt en difficulté!

Marie-Piou a dit…

Bienvenue dans le merveilleux monde PEI. Tu vois, je n'ai même pas à t'initier à l'humour pei-ien. Quand tu connaîtras les aires d'interaction et comment tu vas devoir les appliquer " subtilement" en classe : ça va se faire tout seul!

Excellent billet

@ Hortensia : Très bonne adaptation!!!! :D

Le professeur masqué a dit…

Bobbi: je partage ce point de vue.

Hortensia: j'avais fait une version de la même chanson, mais la tienne est cent fois plus géniale.

Jonathan: ça me rappelle toute cette sémantique autour des Québécois francophone d'Amérique de souche française...

Marie-Piou: je les connais déjà par coeur!