26 mai 2008

Le professeur voilé...

Québec Solidaire en remet une couche aujourd'hui dans l'actualité sur la possiblité pour les enseignantes de porter le voile pendant leur travail. Je rapporte ici les extraits importants de ce texte et je les commente au fur et à mesure.

Le parti politique le plus ouvertement féministe partage donc sans réserve la recommandation du rapport Bouchard-Taylor voulant qu'il faudrait permettre aux enseignants et fonctionnaires de porter des signes religieux ostentatoires, comme le voile islamique, symbole de soumission des femmes aux hommes et d'intégrisme musulman. (...)

Le voile islamique n'est pas un accessoire de mode innocent. Il découle d'un système de valeurs et de pensée bien différent de celui qu'on retrouve en Occident. Qui plus est, bien des immigrants ont justement fui leur pays d'origine à cause de celui-ci. Et voilà qu'au Québec, on l'autoriserait dans le contexte de l'enseignement alors que d'autres pays occidentaux et arabes ne le font pas justement à cause de sa signification intrinsèque. Décidément, au Québec, on est les meilleurs.

Là où le foulard islamique représente une menace à la stabilité démocratique et aux droits des femmes, «ce sont des pays où l'islam occupe 80 pour cent de la place», a-t-il (Amir Khadir) fait valoir, en rappelant que les musulmans ne forment que deux pour cent de la population québécoise.

Et puis, après? Désolé, mais cet argument du nombre est bien faible. On parle ici de principe, pas de chiffres. Si le voile est en soi une menace, pourquoi le tolérer?

Québec solidaire est aussi d'accord avec la commission Bouchard-Taylor, qui a remis son rapport la semaine dernière, pour dire que ceux qui exercent une fonction d'autorité - comme les policiers et les juges - devraient s'abstenir d'afficher des signes religieux. Mais ce principe ne vaut pas pour les enseignantes. Selon Québec solidaire, interdire le voile serait aller à l'encontre du principe de la laïcité, qui doit «être un instrument d'inclusion et non d'exclusion». «Le port du voile est un choix individuel», selon M. Khadir.

Désolé, mais l'enseignant est une figure d'autorité, quant à moi. Il est un modèle, un représentant social et gouvernemental. Dans les pays de l'Est à l'époque, ce n'est pas pour rien que ces états voulaient tant contrôler l'éducation. C'est un lieu idéologique puissant.

Quant au principe que la laïcité est un instrument d'inclusion, je pense que, dans la pratique, ce principe est parfois perverti. Je me rappelle de cette école religieuse à Montréal qui obligeait les enseignantes à porter le hijab. Ces dernières auront-elles le droit de ne plus le porter maintenant, question de présenter aux jeunes des modèles culturels et religieux différents?

Par ailleurs, le port du voile est-il un choix individuel ou le résultat d'un conditionnement social, culturel et religieux? Dans la même veine alors, pourquoi s'insurger devant nos élèves à demi habillées et hypersexualisées qui exercent un choix individuel? On vit en société. Certaines limites sont nécessaires et acceptables, je crois. Je ne porte pas mon chandail du Bloc Pot en classe, à ce que je sache.

On assiste lentement mais sûrement vers un glissement des droits collectifs vers des droits individuels et je me demande ce que signifiera le mot «inclusion» si toutes les différences se valent et doivent être acceptées.

L'autre porte-parole du parti, Françoise David, a dit partager les vues de M. Khadir, voyant même un côté positif au port du voile par une enseignante.«Le fait de porter un signe religieux va à tout le moins nous indiquer en quoi elle croit», a-t-elle indiqué, en jugeant que cette question ne devait pas devenir une «obsession».

D'accord. Alors, fidèle à la pensée de Mme David, je propose que chaque enseignant se munisse d'un écriteau qu'il portera bien en évidence autour du cou: «Je suis végétaliste, nihiliste, marxiste, voilé, masqué...» Toute ma vie, on m'a appris que l'enseignant devait être neutre, savoir s'effacer devant son devoir et sa matière, qu'il avait un devoir de réserve envers ses élèves.

Sur la défensive, les deux porte-parole ont tenu à rappeler qu'ils étaient féministes. L'ouverture au port du hidjab à l'école, loin de constituer une menace à la laïcité de nos institutions publiques, doit être vue selon eux comme un facteur d'intégration à la société québécoise et à ses valeurs. Ce serait donc là le meilleur moyen de ne pas pousser les femmes et les fillettes qui le portent «dans les bras de ces mollahs de tout acabit qui veulent les encarcaner. Québec solidaire demande au gouvernement de ne pas tarder à appliquer l'ensemble des recommandations du rapport Bouchard-Taylor.

Je comprends cet argument et c'est à mon avis le meilleur mis de l'avant par Québec Solidaire mais, en même temps, je considère qu'il contient en lui-même son propre contre-argument. On relie ici implicitement le voile à des individus «encarcanants» alors qu'on tente de nous dire précédemment que celui-ci ne représente pas une menace. Et je ne suis pas sûr que, dans les faits, ce dernier mènera à une plus grande émancipation des femmes musulmanes au Québec.

Enfin, qu'à cela ne tienne, Québec mettra bientôt sur pied une ligne 1-800 «aider les commerçants, fonctionnaires, enseignants et autres «décideurs» à traiter les demandes d'accommodement raisonnable.» Celle-ci devrait être opérationnelle vers la fin du mois de juin. L'idée est intéressante et évitera de nombreux dérapages. mais en même temps, j'ai bien hâte de voir comment on suggèrera de régler certaines demandes d'accommodement.

8 commentaires:

Missmath a dit…

J'ai beaucoup de mal à voir le hijab comme symbole de la soumission des femmes aux hommes dans la société québécoise. Le hijab, ce n'est pas la charia, son port n'est pas obligatoire.

Le professeur masqué a dit…

Miss math: il l'est davantage dans la famille et la communauté musulmane au Québec, je crois.

Hortensia a dit…

Je suis perplexe. Mon opinion n'est pas complètement faite sur le sujet, mais j'ai plutôt tendance à penser comme toi.

Je te recommande cette entrevue avec une Française d'origines iraniennes qui est l'auteure d'un livre qui s'intitule Bas les voiles!:
http://www.dailymotion.com/video/x24a28_chahdortt-djavann-chez-ardisson_politics

Pour elle, le voile des filles mineures est une maltraitance physique, sociale et sexuelle. Elle dit que le voile est l’étoile jaune de la condition féminine. Ses propos sont forts.

Bulle a dit…

Brrr! J'aime décidément de moins en moins Québec solidaire... C'est aussi démagogue que l'ADQ mais en disant l'inverse...
Des profs se font encore taper sur les doigts s'ils disent trop fort qu'ils sont souvrainistes ou s'ils blâment le gouvernement. On nous parle alors de "devoir de réserve" et de "rôle de modèle". On nous demande de ne pas manger de mal-bouffe et d'être en forme pour promouvoir une bonne hygiène de vie... Si ma croyance, c'est "raëlien", est-ce que je peux promouvoir la "méditation sensuelle"??? Ou le mariage à 10 ans comme le "pasteur" Cormier???

Mon rôle de professionnelle de l'éducation c'est de promouvoir (je suis bien dressée j'évite le verbe transmettre ;p) les valeurs de l'école (dictée par la C.S., le projet pédagogique, etc.). Mes valeurs personnelles "teintent" mon enseignement mais ne doivent pas prendre l'avant plan.

Enfin, il me semble...

A.B. a dit…

«[...]interdire le voile serait aller à l'encontre du principe de la laïcité[...]» Belle antithèse!
J'ai tout aussi hâte que toi de voir concrètement ce que donnera comme solutions la fameuse ligne 1-800. J'ai bien l'impression que les canulars et/ou appels de mauvaise foi y seront nombreux...

Méli a dit…

Je suis pas mal d'accord avec toi, le voile est un symbole de soumission, ici, on prône l'égalité des femmes, pas leur soumission... Je ne pense pas que c'est une bonne idée de le permettre chez les enseignants.

Anonyme a dit…

Bonjour Monsieur,

Combien y a-t-il d'enseignantes voilées au Québec?

Merci.

Le professeur masqué a dit…

J'en connais deux ou trois, non-musulmanes dans des écoles confessionnelles. Plus sérieusement, je crois avoir écrit:

«Et puis, après? Désolé, mais cet argument du nombre est bien faible. On parle ici de principe, pas de chiffres. Si le voile est en soi une menace, pourquoi le tolérer?»