06 octobre 2008

Pénurie d'enseignants - encore!

Ainsi, le nombre de tolérances permettant à des individus non qualifiés d'enseigner aurait explosé, passant de 1 054 à 2 345 en deux ans. Quelle surprise! Pour moi qui voulais rédiger un billet sur la valorisation de la profession d'enseignant, voilà un signe clair - au-delà du fait que nous soyons d'éternels chiâleux - que cette profession est en perte de vitesse chez les jeunes!

Si je reviendrai sur les causes de ce phénomène, selon moi, permettez que je parle un peu de ce texte paru dans La Presse sous le clavier de Marie Allard.

Tout d'abord, la pénurie actuelle d'enseignants dure depuis 1995 avec le programme de mises à la retraite anticipée offert par le gouvernement Bouchard. Ce programme visait à économiser des sous en renouvelant le personnel enseignant avec le départ des vieux trop coûteux et l'embauhe de jeunes plus économiques.

Résultat: plus de 8 000 enseignants ont fui le réseau de l'éducation, un chiffre que même le MELS n'avait pas anticipé. A l'époque, les universités affirmaient être capables de répondre à la demande, disaient-elles... Depuis 10 ans, notre charmant ministère qualifie cette crise de passagère et estime qu'elle devrait se résorber sous peu.

Qu'a fait le monde de l'éducation pour résoudre cette crise? Pas grand chose, à mon avis.

Le fait que le bac en enseignant dure quatre ans au lieu de trois comme précédemment est une aberration en soi. À l'époque, on justifiait cette année supplémentaire par l'ajout d'une deuxième matière à enseigner par des profs qu'on voulait plus polyvalents dans l'esprit de la réforme à venir. Ironiquement, quand on s'est aperçu que l'étudiant universitaire recevait moins de cours de concentration dans chaque matière qu'avec le bac précédent, on est revenu en arrière tout en laissant le bac à quatre ans en ajoutant des stages en classe.

Puisqu'on parle du bac en enseignement, que celui-ci dure quatre années est unique, à ma connaissance. De plus, le fait que les stages en milieu scolaire ne soient pas rémuncérés constitue aussi un grave handicap. Le futur enseignant devra donc travailler comme enseignant de jour, corriger de soir et être assez riche pour ne pas avoir à cumuler un autre boulot pour subvenir à ses besoins. Quand on connait la réalité des jeunes d'aujourd'hui et leur habitude de consommation, on voit à quel point ce scénario est peu possible.

Dans plusieurs autres programmes universitaires, ces formations sur le terrain sont payées. Les plus cyniques disent que cette pratique est une initiation au métier: beaucoup d'heures et des conditions de travail moches...

Le jeune désireux de devenir enseignant doit donc vraiment le désirer en s'engageant dans une formation longue (inutilement longue, devrais-je dire) et être capables de jeûner de longues périodes.

Oh, bien sûr! Il existe ce qu'on appelle des passerelles qui permettent à des étudiants qualifiés dans la matière à enseigner d'obtenir une formation leur permettant d'être légalement qualifiés. Mais vous êtes-vous déjà renseigné sur cette option?

Un jeune collègue a tenté. J'ai bien dit «tenté». Il a renoncé après une semaine tellement cela ressemblait aux Douze travaux d'Astérix. Le peu qu'il a su l'a aussi découragé. Il aurait fallu qu'il suive des cours le soir pendant près de deux ou trois ans. Cela, en plus de travailler! Père de deux enfants, il préfère la suppléance, tout aussi payante et moins lourde côté correction.

À ce sujet, je vais tenter de savoir combien de futurs enseignants ont opté pour ces passerelles.

15 commentaires:

bobbiwatson a dit…
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
Anonyme a dit…

Quand j'étudiais en soins infirmiers c'était la même chose: des stages non payés. On faisait la même job que les autres infirmières sauf, qu'en plus, on devait faire des travaux, des rapports de stages et des examens. Et, bien entendu, on devait payer nos livres et nos frais de scolarité. C'est ridicule. Le salaire minimum, au moins, à titre compensatoir, me semble...

Anonyme a dit…

Bien plus que l'introduction de la "polyvalence", c'est l'ajout de stages progressifs (700 heures de stages selon la formule magique) à chaque année de formation qui a allongé la durée des baccalauréats en enseignement (qui existaient déjà avant les BAC de 4 ans). Je ne crois pas que les étudiantEs (ni le milieu) ne voudraient voir disparaître cette composante cruciale de la formation, bien qu'ils aimeraient la voir rémunérée, les associations étudiantes y travaillant depuis un bon bout de temps déjà.

En fait, cette notion de "polyvalence" est disparue à cause des difficultés de gestion qu'elle entraînait pour les universités qui devaient gérer une multitude de "profils", mais surtout à cause de l'introduction, en 2001, des nouveaux "profils" de formation ( dont certains sont toujours multidisciplinaires), calqués sur les domaines disciplinaires proposés dans le programme de l'école québécoise... D'ailleurs, certains universitaires se sont indignés de la disparition du nom de leur discipline dans le libellé des programme au nom de dénominations jugées fantasques, tel "univers social".

Par ailleurs, il n'est pas rare que des formations professionnelles universitaires aillent au-delà des trois années du baccalauréat "standard". Le premier exemple qui me vient à l'esprit étant évidemment la formation en génie, qui est également de quatre ans. D'autre formations professionnelles exigent une formation de cycles supérieurs comme un DESS ( comptabilité), une maîtrise (architecture), voire un doctorat ( psychologie). Il ne faut pas oublier les professions de la santé, dont plusieurs exigent un doctorat de premier cycle ( 4-5 ans). Il va sans dire qu'il n'y a pas de passerelles pour ces formations et personne ne s'en plaint. Il faut donc faire attention avant de souligner le caractère "unique" des formations en enseignement, et de souligner l'"inutilité" de leur durée.

Les universités sont en train d'implanter des programmes de maîtrise en enseignement afin de répondre aux besoins des candidats ayant déjà un baccalauréat, voire une maîtrise, disciplinaire. Mais comme vous, je ne vois pas là une panacée. Il demeure que dans certains champs, il y a tout simplement pas assez d'individus interressés par l'enseignement. C'est le cas notamment des sciences et des mathématiques, les salaires en enseignement y étant probablement pour quelque chose. Or, sommes nous prêts à faire les efforts financiers pour attirer des candidats de qualité dans ces champs? Le système ( et ça comprend les syndicats) est-il prêts à payer davantage les enseignants dans ces champs? Est-ce là une solution valable? Viable?

En ce qui a trait à la longueur des programmes de formation à l'enseignement (puisque cela semble être votre cheval de bataille), une façon de la réduire serait de tabler davantage sur la formation collégiale. On pourrait réfléchir à l'introduction d'une formule de type DEC-BAC. Bien entendu cela demanderait un travail de réflexion sur le partage inter-établissements de la formation et de solides partenariats. Choses simple de prime abord, mais qui ont tendance à s'envenimer... le diable étant dans les détails...

Une femme libre a dit…

C'est quoi ces "passerelles" qui permettent d'enseigner légalement sans la formation régulière de quatre ans?

pgiroux a dit…

Bonjour,

J'aimerais souligner que la justification de la 4e année était surtout d'ajouter des heures de stages. En échange, les étudiants obtiennent leur brevet ou permis dès la sortie de l'Université. Pas de "probation"... Il y a des éléments positifs et des éléments négatifs associés à cette situation.

J'endosse ensuite votre commentaire quant aux stages rémunérés. Je crois que les stagiaires devraient être rémunérés. Ce serait un bon pas dans la reconnaissance des enseignants.

Cela étant écrit, j'aimerais apporter d'autres éléments à la problématique que vous décrivez... Comment expliquer que l'on donne autant de "tolérances" alors qu'il y a des centaines d'enseignants au Québec qui ne font que deux ou trois heures de suppléances par semaine? Ici au Saguenay, certaines Commissions scolaires ont des listes de suppléants énormes. Mal informés, des dizaines de diplômés vendent des jeans le soir et les week-ends en attendant le fameux téléphone qui leur permettra enfin d'aller enseigner. Je connais des enseignantes (2!) qui ont gagné des prix pour certains de leurs projets pédagogiques, mais qui n'ont pas de postes permanents. Chaque année, elles attendent le téléphonent qui leur assurera 20%, 50% ou 70% d'une tâche.

Comment un gouvernement peut-il justifier de donner des tolérances alors que sur son territoire, certains enseignants sont pratiquement sans emploi? Avant d'accorder des tolérances, ne devrait-on pas envisager de favoriser/encourager/organiser le déplacement des ressources disponibles vers les régions où il y a un besoin plus criant.

Un exemple? L'an dernier, certaines CS sont venues rencontrer nos diplômés. Elles n'avaient rien d'extraordinaire à offrir. Elles offraient des contrats et assuraient les diplômés qu'ils enseigneraient toute l'année (une tâche complète ou presque!). Plusieurs CS ont trouvé des ressources enseignantes parmi les finissants. Imaginez si elles avaient pu fouiller dans la liste des CS locales! Ne devrait-on pas encourager ce type d'initiative et aider les CS à aller recruter ailleurs. Ne pourrait-on pas favoriser le déplacement des jeunes diplômés, même si cela veut dire de partir d'une région pour aller en ville?

Qu'en pensez-vous?

KaYoUx a dit…

J'étudie en adaptation scolaire à Sherbrooke et je peux vous dire que des cours inutiles on en a en masse!
Un cours de culture mathématique où on tourne en rond, un cours "d'histoire du MELS", en passant par le cours de TIC pas adapté du tout...
Ils veulent nous garder sur les banc d'école le plus longtemps possible... faut croire qu'ils ne veulent pas plus de payeurs d'impôts!

unautreprof a dit…

Lors de mon BAC (de 4 ans), vue la pénurie qui existait déjà, j'ai fait en masse de suppléance lorsque je n'étais pas en stage. Je choisissais mes cours de manière à avoir plus de disponibilités possibles, quitte à avoir des cours le soir.
Plusieurs étudiants font de même maintenant.
La quatrième année de cours me semblait alors inutile et perdue, sauf en effet, pour mon stage.
Pourquoi ne pas allonger les deux derniers stages?

Anonyme a dit…

J'ai un bac en littérature et une maitrise en histoire. Je suis enseignante "tolérée" depuis 4 ans. Je suis en train de faire un programme de maitrise "qualifiante" sur l'internet. C'est donné par l'université de Sherbrooke et ça va me prendre genre...heu... 6 ans avec un cours par session. Après 2 cours je change de désignation, je vais avoir une autorisation provisoire ce qui va me permettre d'être sur un poste. Une chance que ma commission scolaire me rembourse les frais de scolarité et que les cours se donnent sur le net, J'ai 4 enfants de 12-11-9 et 8 ans...

Les cours sont vraiment bidons et je me demande bien ce que je peux y apprendre. Je suis une enseignante très respectée à mon école, on vient me demander des conseils de gestion de classe (!!), des idées d'activités et je suis très impliquée dans la vie étudiante. Je pense que mes années d'animation dans les camps de vacances étaient une bonne formation...ainsi que mes années de maman à la maison...sans compter ma formation de base en littérature qui font de moi une des seules enseignante vraiment passionnée par sa matière. Comme je lis facilement un roman par jour, je détonne dans ce milieu d'inculture...voilà c'est dit et je généralise un peu car j'ai tout de même des collègues pas si mal (dont mon mari...lol...)!

Laurence la petite démone

Le professeur masqué a dit…

Gen: bienvenue dans le cheap labor organisé! On devrait se demander si ces stages ne sont pas rémunérés parce qu'il s'agit d'emplois à prédominance féminine.

Je remarque qu'on manque d'enseignants et d'infirmières au Québec, mais qu'on ne fait rien pour faciliter la formation de ceux-ci.

M. D'Arrisso: j'ai fait un bac en enseignement de trois ans et cela m'a suff. Quatre ans m'auraient poussé au décrochage. Je reviendrai bien un jour sur le sujet de l'utilité de la formation en éducation.

Quant à moi, je ne comprends pas qu'avec mes trois ans, je puisse faire le boulot et que les nouveaux étudiants en éducation ne le puissent pas eux aussi en trois ans. Je ne suis pas convaincu non plus que les étudiants voulaient et veulent d'un bac de quatre ans.

Plusieurs stagiaires en éducation actuellement enseignent déjà durant leur bac, font des remplacements, des suppléances pour toucher des sous. Certains m'ont confié qu'ils trouvent difficile de comprendre qu'ils sont assez bons pour boucher les trous mais pas assez pour être profs. Surtout quand ils côtoient des profs avec des brevets A ou B...

Quand vous em dites que les universités sont en train d'implanter des programmes de maîtrise afin de répondre aux besoins des candidats ayant déjà un bacalauréat, j'ai envie de hurler. Ça dure depuis 1995! Déjà, à cette époque, les responsables universitaires affirmaient qu'elles arriveraient à répondre à la demande. Personne en voyait de problème. Il est là depuis 12 ans, il me semble.

Un manque d'effectif quant au personnel enseignant, ça me semble uin problème criant. Un manque de personnel qualifié, un rotation des employés démente, de l'insécurité permanente: il n'y a rien là pour un réseau de l'éducation devant vivre avec une réforme aussi majeure que le Renouveau. Connaissez-vous des entreprises privées qui toléreraient une telle situation?

Une femme libre: un début de réponse dans le billet suivant.

P Giroux: merci de cet éclairage intéressant. Je crois qu'en région (je déteste ce terme), il y a une baisse de clientèle importante, ce qui fait qu'il y peu de postes ouverts. Les tolérances sont plus fréquentes dans les grands centres et les banlieues en développement.

Youx: utilité de la formation... J'y reviendrai.

un autre prof: vous illustrez une situation dont j'ai glissé un mot plus tôt.

Laurence: merci pour ces informations! Vous êtes chanceuse que votre CS paie votre formation. ne le dites pas trop fort: il y aura des jaloux.

Vous illustrez aussi à quel point il est difficile pour certains de conjuguer formation et vie personnelle.

KaYoUx a dit…

Pourquoi, tout simplement, ne pas offrir la suppléance aux étudiants à la place de les envoyer en stage?
Résultat : moins de dettes pour nous et plus de profs dans les écoles.

Anonyme a dit…

Il manque des profs au Québec? Vraiment? Où? Présentement, je suis en Alberta. Je n'ai pas réussi à trouver un emploi au Québec. En début de carrière, je me retrouvais avec une tâche à 25%. En Alberta, ce fut automatique. 100%, dans une école francophone.

Pourtant, j'ai mon brevet du Québec. Enseignant de français au secondaire. Et je me considère comme un bon enseignant. Pas de problème à vendre ma salade en entrevue non plus. Dites-moi où il manque des enseignants, selon vous. Faut-il sortir des pôles universitaires?

En Alberta, côté salarial, c'est doublement intéressant (c'est le cas de le dire...) Mon salaire net = le salaire brut d'une tâche pleine au Québec. Ouf!

Le professeur masqué a dit…

Youx: comme on peut le lire ici, certains ont vu leurs stages payés...

Teacher: le manque de profs varie selon la matière enseignée et la région. En français, il est évident qu'on ne trouve pas uen tâche à 100% comme ça d'un coup.

Lysianne Dupont a dit…

Il n'y a pas à dire, l'enseignement est une vocation! Je réalise cependant que les jeunes sortant du cégep n'ont que très peu de connaissances sur la formation en enseignement ou sur la profession elle-même. Ils ont déjà eu des enseignants, ça leur suffit pour savoir de quoi il en retourne! Je suis à ma première session (en enseignement du français langue seconde, décision longuement réfléchie!) et je constate que beaucoup tombent de haut dès la première semaine et abandonnent. Il faut au moins se réjouir pour le système d'éducation, ces gens qui ne sont pas fait pour l'enseignement ne prendront pas en charge l'avenir scolaire de jeunes.
C'est une fois rendus à la 3e et 4e année qu'il faut vraiment vouloir, effectivement! Comme vous le dites, les stages non-rémunérés nous tirent dans le pieds. Pourquoi ajouter un stage si le futur enseignant ne peut s'y consacrer convenablement à cause de problèmes d'argent? Une stage où on n'apprend qu'à moitié est-il vraiment utile à notre formation? Un commentaire précédent énonçait le fait que cette 4e année avait au moins enlever la probation par la suite. La probation était payée au moins! Et le jeune enseignant apprend autant que celui qui fait un 4e stage, il s'agit d'un processus continu.
Commencer un baccalauréat en enseignement, en toute connaissance de cause, c'est vraiment avoir la vocation!

Le professeur masqué a dit…

Lysianne: je suis tellement d'accord. Quand j'accueille des stagiares, je leur dis toujours: «Tiens, voilà le cheap leabor qui arrive...»

Le professeur masqué a dit…

Lysianne: je suis tellement d'accord. Quand j'accueille des stagiares, je leur dis toujours: «Tiens, voilà le cheap leabor qui arrive...»