23 septembre 2010

La valeur de l'éducation

Oui, il est vrai que l'éducation doit être gratuite au Québec. La Loi sur l'instruction publique (LIP) prévoit des dispositions à cet effet. Cependant, il arrive parfois qu'on se retrouve dans une zone floue.

Ainsi, la LIP autorise l'achat de matériel didactique et de livres qu'on ne peut réutiliser. Que penser alors d'une école qui demande aux parents d'acheter des romans en affirmant qu'il s'agit de matériel qu'ils doivent payer puisque les élèves écriront et surligneront dans ces derniers? Dans un recours collectif contre la commission scolaire des Seigneries, des parents allèguent qu'ils ont dû payer injustement pour des romans.

Lorsque je lis les propos de François Paquet, président de la Fédération des comités de parents du Québec, j'avoue que je m'étouffe dans ma barbe: «Il ne faut pas qu’une famille se prive de manger pour acheter un dictionnaire.»

Tout d'abord, je ne connais pas d'école publique qui exige l'achat d'un dictionnaire. Ensuite, je connais bien des familles - dont certains provenant de milieu défavorisé - qui dépensent pour des biens fort discutables, mais qui ne sont pas foutus d'avoir un seul dictionnaire à la maison. Voilà un bel exemple de l'importance qu'on accorde parfois à l'éducation au Québec!

Il fut un temps où toute famille, soucieuse de l'avenir des enfants, se privait, s'il le fallait, pour posséder un dictionnaire. Il s'agissait d'un bien précieux, vénéré, d'un objet de savoir et d'éducation. Aujourd'hui, au Québec, un livre est une dépense questionnable comme c'est le cas de plusieurs biens culturels.

Monsieur Paquet en rajoute en affirmant «les professeurs ne doivent pas aller à l’encontre de ce qu’est un livre en y faisant écrire leurs élèves». Ah bon! On n'écrit pas dans un livre. C'est nouveau. Franchement...

Aujourd'hui, la gratuité en éducation est un mythe, une illusion. Pour ma part, il serait temps qu'on parle de coûts raisonnables en éducation. Sinon, en suivant le raisonnement de la loi et de tous les messieurs Paquet du monde, il vaut mieux oublier les sorties au théâtre, au musée, etc., à moins que l'école paie le tout.

Or, de mémoire, je me rappelle que mes parents payaient pour ces activités sans rechigner parce qu'on parlait de montants raisonnables. Aujourd'hui, j'ai davantage l'impression de parents qui chiâlent pour tout et pour rien, qui contestent le moindre sou exigé. Qu'ils continuent: ils en auront pour leur argent...

15 commentaires:

gillac a dit…

Mine de rien vous touchez là un des effets pervers de la Révolution tranquille qui a amené l'état à prendre de plus en plus de place dans nos vies. Nous sommes devenus des personnes de plus en plus dépendante de celui-ci qui a maintenant l'obligation de prendre en charge tant nos bébés que nos vieillards. J'aimerais qu'un jour un chercheur regarde s'il y a une corrélation entre le degré d'engagement des parents envers l'éducation et le décrochage scolaire. Le fait d'avoir un dictionnaire à la maison est déjà un début d'engagement.

Julie a dit…

Il a poussé l'odieux jusqu'à dire qu'on n'écrit pas dans un livre??? C'est pourtant en l'annotant, en lui tournant des coins, en fouillant dans un dictionnaire pour trouver la signification d'un mot qu'on vient de lire, en soulignant des passages qu'on s'approprie le livre. Et qu'on a envie de le relire. Ou d'en lire un autre... Ah oui, j'oubliais... ils n'ont pas de dictionnaire non plus.

Le professeur masqué a dit…

Gillac: on ne critique jamais les parents. Ce sont des payeurs de taxes (donc nos salaires) et des électeurs...

Julie: et dire que ce monsieur parle d'éducation et représente des parents!

Charles Samares a dit…

Malheureusement, cher Prof masqué, c'est bien là que nous voyons les «limites» de ces fameux conseils d'établissement...

Les parents qui y siègent sont souvent ceux qui ne révolutionneront pas notre réalité scolaire actuelle. Ils demeurent bien ancrés dans les désirs généraux de bien de parents: occupez-vous de mon enfant, ne me dérangez pas trop et assurez-vous que ça ne me coûtera pas une cenne!

Réussir et avoir un peu de culture ne font malheureusement pas partie des besoins naturels de la vie...

Jeune femme a dit…

Les parents commencent à chiâler très tôt. La petite puce de mon amie commence sa pré-maternelle cette année. Elle a eu sa première rencontre cette semaine. Elle est sortie de là découragé. Pas à cause de l'éducatrice qui semble aimer et son travail et qui semble très compétente. Pas à cause du programme qui est très diversifié et qui va permettre aux petits de s'épannouir!

Ce sont les autres parents! L'éducatrice a donné une petite liste de choses à acheter. Les parents n'étaient pas content! Selon eux le matériel scolaire coûte cher ces temps-ci puisque les spéciaux sont terminé! L'éducatrice demande seulement un sac à dos, des crayons de bois et quelques autres petits choses....

Pour ce qui est du programme: l'éducatrice favorise beaucoup les activités avec les parents. Elle organise plusieurs petites sorties sur le milieu de vie des enfants et elle veut impliquer les parents. Mais non ils travaillent tous et n'ont pas le temps pour s'investir.

Bon ce sont les impressions de mon amie qui était la seule maman au foyer sur les 16 parents présents. Elle est prête à tout pour ses petits loups. Ils sont sa priorité. Alors elle ne comprend pas vraiment comment les autres parents peuvent faire passer leurs enfants après eux.

Mais c'est juste pour dire que si les parents ont de la difficulté à s'investir auprès de leur enfant qui va en pré-maternelle seulement une demie journée par semaine, qu'est-que ce sera plus tard?

bobbiwatson a dit…

Qu'est-ce que les parents (et M. Paquet) ne comprennent pas dans l'expression "roman à l'étude"?

Jacques Tondreau a dit…

Réaction à retardement

La frais scolaires sont en augmentation constante au Québec. Je ne partage non plus le point de vue de Monsieur Paquet, mais il faut bien admettre que certaines familles, pour ne pas dire plusieurs, peinent à joindre les deux bouts lors de la rentrée scolaire tellement les frais de toutes sortes s'accumulent. Certes, les commissions scolaires ont des programmes pour aider ces familles, mais il est très difficile pour un parent d'utiliser ces programmes (dur pour l'égo et la fierté en pas à peu près).

En 2007, un organisme gouvernemental a fait le tour de la question et a déterminé que plusieurs de ces frais contrevenaient à la Loi sur l'instruction publique et même à la Charte des droits et libertés.

La raison: ces frais constituent une discrimination sur la base de la condition sociale (plus on est pauvre, plus ont est pénalisé).

Si vous souhaitez en savoir plus,j'ai écrit un petit article sur la question. Voir http://www.csq.qc.net/sites/1676/nouvelle/aut07/p22-23.pdf

Jacques Tondreau

Anonyme a dit…

Temporisons un peu s.v.p. Il y a en effet des parents pour lesquels l'achat d'un roman compte moins que le forfait cellulaire, ou la télé plasma, ou la prochaine épicerie. Mais il y a aussi des profs pour qui ce genre d'achat semble être une évidence, une seconde nature, voire une maladie (je ne peux pas passer devant une bouquinerie et ne pas entrer, et j'en sors rarement les mains vides). Pour un prof qui fait un salaire décent, qui aime les livres et la culture en général, voire qui en a fait le centre de son existence, il semble aberrant qu'on puisse s'indigner d'avoir à payer pour un livre qui ne servira qu'à être lu, et une seule fois, et en plus c'est des menteries qu'on y raconte, c'est quoi c't'histoire de nénuphar dans le poumon, ça s'peut même pas, c'est pas une vraie maladie, on leur enseigne n'importe quoi. Vrai qu'il y a dévalorisation de la culture chez certaines parents; vrai qu'on s'en remet un peu trop facilement au gouvernement pour ce qui relève de l'école, et vrai surtout qu'un livre ne représente pas la même chose pour quelqu'un qui valorise la culture que pour quelqu'un qui pense avant tout à survivre et qui n'a rien à foutre des histoires inventées. A part les véritables amoureux de la littérature, vous en connaissez beaucoup des gens qui annotent les livres, qui soulignent des passages, qui relisent plusieurs fois le même bouquin au point d'en apprendre des passages par coeur ?
Le vrai scandale m'apparaît être ailleurs : c'est quoi l'idée d'un cahier d'exercices qui ne servira qu'une fois et dont on pourraît tout aussi bien transposer lesdits exercices sur une feuille mobile, de sorte que sa durée de vie pourraît être de dix, de vingt, voire de trente ans? Comment le lobby des manuels scolaires a-t-il réussi à imposer une principe aussi idiot que le cahier qui ne sert qu'une fois ? De combien de romans une école pourrait-elle garnir sa bibliothèque avec cet argent gaspillé année après année ?
Chez mes collèques profs, m'a toujours frappé la propension à ériger ses propres valeurs en vertu absolue : j'aime la culture, donc tout le monde doit l'aimer, sinon on est un parfait béotien. Et que je t'amène de force au théâtre, et que je te fasse acheter l'anthologie machin-truc qui ne coûte que 40 dollars. Ça serait formidable que le salaire de ces profs soit également une valeur absolue.

Anonyme a dit…

Temporisons un peu s.v.p. Il y a en effet des parents pour lesquels l'achat d'un roman compte moins que le forfait cellulaire, ou la télé plasma, ou la prochaine épicerie. Mais il y a aussi des profs pour qui ce genre d'achat semble être une évidence, une seconde nature, voire une maladie (je ne peux pas passer devant une bouquinerie et ne pas entrer, et j'en sors rarement les mains vides). Pour un prof qui fait un salaire décent, qui aime les livres et la culture en général, voire qui en a fait le centre de son existence, il semble aberrant qu'on puisse s'indigner d'avoir à payer pour un livre qui ne servira qu'à être lu, et une seule fois, et en plus c'est des menteries qu'on y raconte, c'est quoi c't'histoire de nénuphar dans le poumon, ça s'peut même pas, c'est pas une vraie maladie, on leur enseigne n'importe quoi. Vrai qu'il y a dévalorisation de la culture chez certaines parents; vrai qu'on s'en remet un peu trop facilement au gouvernement pour ce qui relève de l'école, et vrai surtout qu'un livre ne représente pas la même chose pour quelqu'un qui valorise la culture que pour quelqu'un qui pense avant tout à survivre et qui n'a rien à foutre des histoires inventées. A part les véritables amoureux de la littérature, vous en connaissez beaucoup des gens qui annotent les livres, qui soulignent des passages, qui relisent plusieurs fois le même bouquin au point d'en apprendre des passages par coeur ?

Anonyme a dit…

Le vrai scandale m'apparaît être ailleurs : c'est quoi l'idée d'un cahier d'exercices qui ne servira qu'une fois et dont on pourraît tout aussi bien transposer lesdits exercices sur une feuille mobile, de sorte que sa durée de vie pourraît être de dix, de vingt, voire de trente ans? Comment le lobby des manuels scolaires a-t-il réussi à imposer une principe aussi idiot que le cahier qui ne sert qu'une fois ? De combien de romans une école pourrait-elle garnir sa bibliothèque avec cet argent gaspillé année après année ?
Chez mes collèques profs, m'a toujours frappé la propension à ériger ses propres valeurs en vertu absolue : j'aime la culture, donc tout le monde doit l'aimer, sinon on est un parfait béotien. Et que je t'amène de force au théâtre, et que je te fasse acheter l'anthologie machin-truc qui ne coûte que 40 dollars. Ça serait formidable que le salaire de ces profs soit également une valeur absolue.

bibconfidences a dit…

Que de commentaires pertinents, celui de monsieur Gillac en particulier me ramène à plusieurs réflexions personnelles.
En particulier un souvenir heureux, celui de mon enfance où je me revois, jouant dehors pendant que mon père passe le gros balai à poils durs sur les trottoirs devant notre maison...Les gens à l'époque s'occupaient de ce qui étaient aussi hors des limites de leur salon, pas pour critiquer, mais pour faire avancer les choses. Les revendications ne cessent de prendre de plus en plus de place, tout comme les interdictions d'ailleurs.
Autre souvenir, la collection de l'encyclopédie de la jeunesse, achetée par ma grand-mère maternelle chez qui on ne se nourrissait pas toujours de filet mignon, mais qui n'était pas peu fière de se collection, avec raison; elle a donné à sa famille un bien précieux et m'a légué son amour des livres, annotés ou pas.

Le professeur masqué a dit…

Charles: je revidendrai sur votre commentaire un peu plus loin.

Nancy: des histoires d'horreur de parents quant au parcours scolaire de leur enfant, j'en connais assez pour écrire un livre...

Bobbi: un livre est une relique sacré pour lui?

M. Tondreau: j'apprécie vos comentaires puisqu'ils apportent un éclairage différent ou complémentaire aux miens.

Je vais vous surprendre peut-être en vous disant que ce sont souvent les parents de classe moyenne et aisée qui chiâlent le plus pour le fric à mon école. Je connais des parents qui ont des difficultés financières et qui font des miracles ou demandent de l'aide. Pour eux, ils voient notre école comme une occasion de permettre à leur enfant de pouvoir sortir de ce cycle de la pauvreté. Ils partagent la maxime «Qui s'instruit s'enrichit.» Les chiâleux, eux, voient l'école comme une garderie où ils envoient leur enfant.

Profquifesse: ici, il ne s,agit pas d'annoter par plaisir, mais d'annoter pour comprendre, pour résumer. D'annoter pour aider à lire.

Jacques Tondreau a dit…

Professeur masqué,

Non, votre commentaire ne me surprend pas, ou si peu. Ce n’est pas une loi sociologique mais disons que c’est une tendance forte dans nos sociétés occidentales : plus on riche, plus on est radin. Il est étonnant de voir la générosité de ceux qui possèdent peu.

Bon samedi.

Jacques Tondreau

bobbiwatson a dit…

Il ne doit même pas savoir ce que c'est, une relique. Sacrée, encore moins.
Ce n'est pas parce qu'on n'écrit pas DANS les livres, qu'on ne les écornent PAS, qu'ils ne sont pas des "cahiers d'exercices" !!!! À chacun sa technique de travail. Mais le résultat est le même: un roman à l'étude est l'équivalent d'un cahier d'exercices en compréhension de textes, sauf qu'il ne mesure pas 8.5 X 11 po.

Anonyme a dit…

C'est pour ça et bien d'autres raisons, qu'après treize ans, je quitte l'enseignement. La goutte qui a fait déborder le vase : mon statut précaire qui a fait que je devais accepter une tâche en adaptation scolaire, domaine dans lequel je n'ai pas la compétence, ni la formation. Je prends ma part de responsabilité, car en 2004 j'ai changé de commission scolaire. J'ai donc dû tout recommencer, alors qu'on est en pleine baisse de clientèle au secondaire. Normalement, on doit faire ce chemin de croix... voilà, comme Jésus, je ne peux en faire qu'un. En rétrospective, j'en ai eu de la clientèle rock and roll, mais je suis rendu au bout du rouleau. Bonne chance à ceux qui continuent !