02 décembre 2010

Cachez ce pénis... ce sperme... que des parents ne sauraient voir.

Il ne faut jamais parler de sexualité en classe. Jamais. Il faut laisser les élèves le faire seuls dans la cour d'école, sur Facebook, mais jamais en parler en classe. Voilà la morale qu'on peut tirer de ce qui survient à cette enseignante de la Rive-Sud (ici, ici et ici).

Cette dernière a conçu un questionnaire de type «vrai ou faux» à partir des préoccupations des élèves de deuxième secondaire de ses classes pour corriger les perceptions erronées qu'ils ont quant à la sexualité. Elle l'a soumis à ses élèves l'année dernière. Pas de problème. Elle le soumet à sa nouvelle cohorte cette année. Trois parents se plaignent formellement à la commission scolaire, elle est suspendue et elle fait les pages du JdeM.

Sur les ondes d'une radio de Québec, une de ses anciennes élèves confiait: «Peut-être que les questions sont crues, mais elles viennent de nous. [Ce qui lui arrive] me fait vraiment de la peine. C'est une super bonne prof d'éthique et culture religieuse.»

Quant à moi, on nage en pleine hypocrisie dans tout cet incident et les questions posées par l'enseignante semblaient fort légitimes. «Ce questionnaire, je le trouve douteux, même pour des étudiants de niveau collégial, lance le directeur général de la commission scolaire Marie-Victorin, André Byette. On désapprouve le contenu de certaines questions. C'est totalement inadéquat. En quoi ça peut aider l'éducation à la sexualité des adolescents? Il y a des liens que je ne fais pas.»

Alors, aidons un peu M. Byette à faire des liens et allons-y avec deux questions.

«Le sperme est sucré et fait maigrir.» Réfuter un argument utilisé par certains garçons pour convaincre les filles d'avaler leur sperme, une pratique sexuelle dangereuse.

«Quand j'ai mes règles, je dois accepter la pénétration anale si je veux avoir une relation sexuelle.» Encore une fois, démonter un argument utilisé par certains garçons pour convaincre les filles d'avoir une relation anale, une autre pratique sexuelle dangereuse.

Bon, vous avez compris le topo, je pense. Il faut savoir que bien des jeunes vivent une sexualité active en deuxième secondaire et n'en parlent pas avec leurs parents. Personnellement, dans certains cas, je comprends pourquoi. Au primaire une directrice me racontait qu’elle avait interrompu à temps le tournage d’un film porno…

Si, à la suite de cet incident, la sexologue Julie Pelletier affirme qu’il faudrait un intervenant relié à ce dossier dans chaque école, il en faudrait souvent aussi un dans certaines familles, croyez-moi parce que bien des parents ont la tête dans le sable en ce qui concerne la sexualité de leur enfant.

Certains parents veulent que l’école aborde le volet sexualité, mais en tenant compte de leurs valeurs et non pas en fonction des questions de leurs enfants tels qu'ils existent réellement ou du contexte sexuel dans lequel ils baignent. Par contre, allez chez eux et vous découvrirez qu'ils laissent leur enfant surfer sur Internet sans aucune supervision, par exemple. Combien de familles ont une option internet (gratuite chez certains fournisseurs) restreignant l'accès à certains sites explicites, vous croyez?

Je repense à la conclusion de mon précédent billet sur les NTIC (mon meilleur depuis des lustres) et je la trouve fort à propos pour ce sujet. Alors, je ne me gêne pas et changez les mots qui doivent l'être:

À mon avis, on doit accompagner les élèves dans ce nouvel univers virtuel de l’information et de la communication si on veut comprendre comment ils s’en servent et les éduquer, les guider dans leurs choix. Si on ne le fait pas, ils l’exploreront seuls, sans notre expérience et notre sagesse pour leur indiquer l’importance de respecter certaines balises et principes éthiques.

Est-ce vraiment cela que nous voulons comme éducateurs?

23 commentaires:

Michel a dit…

J'ai maintenant 31 ans. A l'époque de mon secondaire 5, soit environ 15 ans maintenant, notre professeure avait produit un formulaire similaire, dont les questions provenaient des élèves. Je trouve regrettable que des initiatives du genre soit dénaturé aux point de rendre les élèves ignorants. Et je ne parles pas seulement du sujets présents.

Anonyme a dit…

L'enfer est pavé de bonnes intentions et en fait de pavage, nous avons ici un beau mélange de lourdeur et de nids-de-poule.
Les cours d'éducation sexuelle à l'école sont une nécessité qui ne remplacera jamais l'obligation que devraient avoir les parents de faire en sorte que leurs enfants aient conscience de la souveraineté totale que ces derniers ont sur leur propre corps. Je n'ai plus treize ans évidemment, mais il me semble que c'est infantiliser les élèves encore davantage que d'avancer des arguments aussi ridicules que les exemples ci-haut mentionnés pour les mettre en garde vis-à-vis de certaines pratiques sexuelles. "Tiens, en effet, une petite fellation, ça me changera de mon dessert habituel et en plus, ça ne fait pas engraisser." Ça serait drôle si ce n'était pas si hénaurme, comme disait Flaubert, et surtout, si ce n'était, comme on l'affirme, une rhétorique masculine pour obtenir des faveurs sexuelles. Y a-t-il vraiment des filles qui cèdent à ce type de chantage ? Possible, je n'en sais rien, mais j'ose croire qu'il y a, derrière cette tentative de "séduction", des approches préalables et un argumentaire plus efficace que celui-là. C'est cela, il me semble, qu'il faudrait déconstruire, et par un seul argument, absolu et final : c'est la fille qui décide. Il est tout aussi ridicule de mettre en garde vis-à-vis de la sodomie parce qu'elle n'est pas une alternative aux règles ou à la virginité que d'utiliser cet argument pour la justifier. Je crois comprendre (j'espère comprendre) cependant que le formulaire incriminé a valeur de sondage avant tout, mais j'imagine ma fille (13 ans) pouffer de rire devant les questions, et moi de rire avec elle. Que des parents s'affolent devant le langage cru d'un tel questionnaire, ça montre l'infantilisation dont sont victimes ces enfants à la maison. Mais si l'école s'y met en plus, on n'est pas sorti de l'enfance. Or, c'est pourtant un des rôles de l'école : former des adultes.

J a dit…

La réaction démesurée de certains parents n'est pas si étonnante. À l'école où je travaille, plusieurs enseignants étaient eux-mêmes carrément scandalisés par «le culot» dont avait fait preuve cette enseignante. Pour avoir eu une enseignante de ce genre au secondaire (c'est-à-dire qui démystifiait les mythes sur la sexualité et n'avait aucun tabou, et qui en faisait rougir plus d'un), je peux vous dire que j'en suis sortie indemne... et beaucoup plus informée, confiante.

Catherine a dit…

J'ai entendu quelque part.. je ne me souviens plus trop où, un intervenant qui disait que les parents préféraient probablement que leur enfant ait une éducation sexuelle en écoutant Occupation Double ou Loft Story que par cette enseignante.. Ce genre d'émission est dans le même sens qu'Internet...

Le professeur masqué a dit…

Michel : j'ai connu la même chose au secondaire et je n'en suis pas mort.

J: la réaction de tes collègues était positive ou négative? Moi, je trouve qu'elle a tenu compte de ses élèves.

Profquifesse: «Ce sont les filles qui décident.» Vraiment? Ce sont les filles sur lesquelles on fait pression. Ce sont les filles qu'on manipule. Ce sont les filles sur lesquelles on fait du chantage affectif. Ce ne sont quand même pas les filles qui décident de devenir des putes pour des gangs de rues. Je ne crois pas qu'il s'agisse d'un choix libre et éclairé.

Pour les exemples sur le sperme et les relations anales, j'ai entendu les mêmes arguments dans mes groupes.

Catherine: Désespérant...

J a dit…

les réactions étaient souvent négatives. Selon certains, il faudrait ignorer les questions trop directes des élèves pour éviter des représailles. Je n'étais évidemment pas en accord avec eux.

Le professeur masqué a dit…

J: Éviter les les représailles de qui? des parents?

Renaud Tremblay a dit…

"des préoccupations des élèves de deuxième secondaire de ses classes pour corriger les perceptions erronées qu'ils ont quant à la sexualité."

C'est ce qu'elle prétend, pourquoi la croyez-vous ?

Combien d'élèves au fait ? "Des" c'est très vague...

Marianne Leblanc a dit…

1) Combien d'enfant de 13 ans ont les pratiques que vous dites être au coeur de leurs préoccupations ?

Des chiffres svp.

2) " d'avoir une relation anale, une autre pratique sexuelle dangereuse."

Vous n'êtes qu'un homophobe qui s'ignore.

Le professeur masqué a dit…

En passant, le billet précédent sur les TIC est un de ceux dont je suis le plus fier et touche un des sujets les plus importants pour le monde de l'éducation. Peu de commentaire.

Là, je parle de zizi et de sperme et bang! ça déboule.

Le père Péladeau avait raison. Sexe, sang et sport. Les trois mamelles du succès.

Le professeur masqué a dit…

M. Tremblay: tout d'abord, merci pour le ton de votre commentaire. J'ai créé ce lieu virtuel pour exprimer des opinions, mais aussi pour apprendre des divers échanges qui s'y tiennent et changer d'avis quand je suis dans le champ. J'apprécie quand les gens s'adressent à moi poliment et font valoir leur point de vue avec un respect certain ou, tout au moins, avec un certain respect. On ne peut dire autant de l'intervenante qui vous a suivi.

Actuellement, au Québec, on assiste à un hypersexualisation sans précédent chez les jeunes, à une sexualité vécue de façon plus précoce mais aussi à une hausse fulgurante des ITSS dans cette catégorie d'âge. Toutes les statistiques montrent bien qu'on n'est plus à l'âge de la chaise musicale mais à celle de la «pipe musicale» (un jeu sexuel inspiré de la chaise du même nom).

Devant de telles indications, je crois légitime qu'on aborde certains sujets avec les jeunes qui nous sont confiés puisque plusieurs éléments d'informations semblent leur manquer. Bien que l'éducation à la sexualité relève davantage de la sphère privée et familiale, la situation actuelle est rendue nettement préoccupante au niveau de la santé publique.

Il est par ailleurs paradoxal de constater qu'on demande à l'école de s'occuper de la santé des jeunes, par le biais de la malbouffe et de l'éducation physique, (deux domaines relevant davantage de l'éducation et de la sphère familiale, quant à moi) mais qu'on se monte davantage «attentif» comme parent quand il s'agit de sexualité.

Le professeur masqué a dit…

Madame Leblanc: L'insulte n'a jamais tenu lieu de discussion. Vous ne me connaissez pas, alors j'estime qu'il aurait été poli et normal que vous ne me traitiez pas d'«homophobe qui s'ignore» sans au préalable nous avoir laissé la chance d'échanger quelque peu.

Intéressons-nous maintenant à vos deux interventions.

2) " d'avoir une relation anale, une autre pratique sexuelle dangereuse."

Actuellement, dans la situation actuelle, chez les jeunes, une relation anale est une pratique dangereuse puisque ceux-ci n'utilisent pas toujours le condom pour se protéger. Peut-être aurais-je gagné à préciser ce point, ce qui m'aurait évité vos insultes. Mais vous auriez pu éviter de sauter aux conclusions grossières en me questionnant plutôt qu'en m'insultant comme vous l'avez fait. Quoi qu'il en soit, on ne peut nier que le manque d'informations quant aux ITSS explique la progression fulgurante de celles-ci.

1) Combien d'enfant de 13 ans ont les pratiques que vous dites être au coeur de leurs préoccupations ?

Des chiffres svp.

Premièrement, vous déformez ce que j'ai écrit. Le passage exact est : «Cette dernière a conçu un questionnaire de type «vrai ou faux» à partir des préoccupations des élèves de deuxième secondaire de ses classes ...» On est loin de votre affirmation. On parle ici de «préoccupations», pas de «pratique».

Deuxièmement, vous me demandez des chiffres? Soit. Mais vous avez sûrement une thèse contraire pour m'apostropher ainsi. Alors, quels sont les vôtres?

Pour ma part, je vous invite à consulter ces quelques liens intéressants :

Précocité sexuelle des Québécois et hypersexualisation
http://www.meq.gouv.qc.ca/ministere/veille/index.asp?page=fiche&id=88
http://www.montrealexpress.ca/Education/2007-08-22/article-1548728/Pipe-a-10-dans-les-cours-decole/1
http://www.ledevoir.com/societe/education/79553/ados-au-pays-de-la-porno
http://www.ledevoir.com/societe/education/80974/des-quebecoises-precoces

hausse des ITSS
http://lejournaldequebec.canoe.ca/journaldequebec/actualites/sante/archives/2010/05/20100526-222629.html
http://www.radio-canada.ca/regions/Montreal/2010/12/02/006-itss-hausse-montreal.shtml

Quant à votre insulte finale, elle est facile, non fondée et mesquine. Si, d'aventure, vous revenez échanger ici, j'apprécierais si vous laissiez ce genre d'attitude au vestiaire et adoptiez un ton plus convivial et propre à une discussion. Sinon, abstenez-vous simplement de venir polluer ce lieu par une présence qui serait tout simplement déplaisante.

Jonathan Livingston a dit…

Parler de ce sujet si intime avec les jeunes est évidemment délicat. Mais on peut très bien le faire, évidemment en autant qu'on a une relation avec les jeunes significatives et que la question est légitimement posée. J'ai appris à répondre à ce qu'on me demande avant d'imposer mes réponses. Je ne cherche vraiment pas à m'étendre sur le sujet!

D'abord, je ne crois pas qu'il faille nécessairement employer ou laisser employer un langage vulgaire, encore moins formaliser ce genre de formules dans un questionnaire d'école pour aborder ce sujet si on le juge opportun. Le sujet est suffisamment attractif comme ça!

Enfin, laisser des traces aussi évidentes d'un emploi aussi discutable du vocabulaire cru des films pornos dans une école prête le flanc à une critique qui se défend bien évidemment.

Évidemment, si on veut provoquer parce qu'on aime le faire et qu'on aime donner dans le spectacle, il se peut qu'on nous rappelle à l'ordre. L'école est aussi un lieu public où se rencontre des gens aux valeurs fort diverses, il importe d'en tenir compte.

Enfin, que dire, quand les jeunes me questionnent, ce qui arrive très occasionnellement, je ne suis pas sexologue et, prudemment, je m'avance avec les connaissances qui sont miennes avec beaucoup de nuances et je ne fais pas exprès d'aborder ces questions. Je n'ai pas lu nulle part que j'ai ce mandat. Et leurs directives à la noix qui fait de tout le monde et de personne des éducateurs sexuels, je n'en tiens évidemment pas compte.

Les infirmières dans le temps passait dans nos cours d'éducation physique à quelques reprises dans notre cheminement. Elles avaient des compétences et de l'expérience pour passer certaines informations cruciales aux jeunes. Enfin, je me demande bien comment il se fait qu'un cours qui prétend initier à l'éducation physique et à la santé n'a pas le mandat d'aborder ou de faire aborder un peu cet aspect fort délicat à aborder en public.

Future Prof a dit…

Mariane Leblanc: Je n'amène pas de chiffre, mais seulement quelques expériences... Ma première expérience qui dépassait le simple "french" avec un garçon s'est faite à 12 ans... Je n'étais pas la plus précoce de ma classe si ce qui se disait dans les vestiaire était vrai, mais j'étais dans les mieux informées. Et pourtant, j'étais dans un milieu favorisé... Ma première relation complète à 13 ans, avec un garçon du même âge.

Par cette expérience, je crois que ces cours ont lieu d'être et que l'enseignante n'était pas à côté de la plaque. Ces questions font bel et bien parties des préoccupation des adolescents...

J a dit…

Pour revenir rapidement sur ce que j'ai dit hier: je parlais de représailles des parents, mais aussi des médias qui manquent de sujets constillants ces jours-ci.

Le professeur masqué a dit…

J: déjà qu'on me traite d'homophobe qui s'ignore...

Jean-Pierre Proulx a dit…

Je partage largement les propos de M. Livingstone qui me paraissent inspirés d'une vision éducative très pertinente.

Le professeur masqué a dit…

Jonathan: langage cru et vulgaire? Vulgaire? J'en ai la plotte à terre, dirait un politicien français...

Je partage votre avis sur la prudence lorsqu'on aborde certains sujets, mais on comprend finalement que ce qui se passe dans la classe déborde largement les murs de celle-ci, surtout quand les médias s'en mêlent. L'école est un édifice de verre et aucune véritable relation significative avec les élèves n'empêchera que le tout devienne public et connaisse des dérapages.

Par ailleurs, vous me permettrez de soulever un point: sept directeurs d'école vont à Cancun sur le bras des contribuables et ils n'ont rien à leur dossier. Personne n'est blâmé. Rien. Le contraire aurait été étonnant puisque le voyage en question était implicitement cautionné par le MELS - peut-être la ministre elle-même - qui était au courant de ce dernier. Une enseignante passe un questionnaire à ses élèves qui soulèvent la colère de trois parents et elle est immédiatement suspendue. LaFontaine a écrit un belle fable à ce sujet, je crois.

Par contre, quand vous écrivez ce passage, je m'interroge: «L'école est aussi un lieu public où se rencontre des gens aux valeurs fort diverses, il importe d'en tenir compte.» Que faire avec les créationnistes? les extrémistes religieux de toute religion?

Cette réflexion s'adresse également à M. Proulx.

Jonathan Livingston a dit…

Ok, je retire cru et vulgaire, dans le tourbillon des commentaires, on en perd un peu le fil. Peut-être que j'ai été influencé dans ma perception par ce passage d'une de vos références: «En entrevue avec Pierre Pagé, sur les ondes de radio NRJ, hier, une ancienne élève de cette prof s'est portée à sa défense. «Peut-être que les questions sont crues, a-t-elle convenu, mais elles viennent de nous.» On n'a personne ledit questionnaire pour bien juger.

N'empêche qu'entrer dans ces détails crus de la sexualité avec des jeunes de 13 ans est assez téméraire. Imaginons un homme enseignant le faire avec ses étudiantes féminines dans un monde qui a le réflexe de plus en plus affuté pour porter des accusations d'abus envers d'autres adultes comme si nous étions tous des pervers en puissance potentiels.

Enfin, le sujet est sensible, à preuve, on ne peut pas en parler dans bien des familles très probablement par pudeur et aussi un peu dans le sillage d'un passé culturel qui faisait un tabou de ces choses dont on ne parlait pas. Il convient à mon sens de laisser entre les mains de gens formés, compétents et ayant une certaine caution du milieu ce genre d'initiatives.

Bien que beaucoup de jeunes de 13 ans très exposés à la sexualité par les facilités du web ont probablement une certaine connaissance de la sexualité qui requiert certaine mise au point, je ne suis pas sûr que je sois d'accord que l'école se charge d'entrer dans le détail de la pénétration anale ou de la saveur du sperme avec des enfants qui ne sont probablement pas tous rendus là. On n'a pas tous envers ses réalités le même détachement. Personnellement, j'aurais été un peu secoué et probablement assez questionné dans ma pudeur...

Jonathan Livingston a dit…

Quant à ces directions, ils semblent avoir eu la caution de la ministre, si j'en crois les informations que j'ai lues sur votre blogue. Je suis évidemment outré par cette situation.

Et je n'approuve pas la suspension de l'enseignante non plus.

Les créationnistes ne font pas trop de problème par ici, ils sont rares. Par contre, comme la plupart des humains, j'ai des idées ou des conceptions parfois qui pourraient passer pour peu scolaires que je m'abstiens de trop communiquer à des enfants qui pourraient s'en gaver pour prendre une revanche d'estime de soi face à un adulte qui incarne un certain savoir et qui sanctionne les apprentissages.

Les extrémistes religieux, même immigrants, n'ont pas le pouvoir encore ici de dicter notre enseignement non plus.

Par contre, la sexualité, bien que surexposé dans les médias non contrôlés, demeure du domaine de l'intime à niveau variable d'expression libre. La pudeur est encore de ce monde. Je comprends qu'on puisse s'indigner de maladresses et d'initiatives qui manquent de concertation sociale en ce domaine.

La situation a le mérite d'inviter à la réflexion sur la nécessité de remédier à l'absence d'un cours d'initiation à la sexualité depuis trop longtemps.

Pathfinder a dit…

Tout se dit, mais il y a une manière pour le dire.

Je viens d'une famille où on discute de tout. À l'adolescence, mes amis ont bien apprécié les soirées passées à discuter tous ensemble avec mes parents, alors qu'ils ne trouvaient que peu de réponses ou de démarches cognitives encadrantes pour en trouver dans le confort de leur propre foyer.

Sans être un expert en matière de relations interpersonnelles ou de sexualité, c'est cette posture épistémologique, à mon avis essentielle, qui fait que j'aborde ces mêmes thèmes (et bien d'autres!) avec mes élèves à chaque année, depuis bientôt dix ans. Que j'enseigne en 1re secondaire, en 5e ou au cégep, ces discussions sont TOUJOURS bienvenues. Les élèves m'en remercient à chaque fois.

Comprenez-moi bien! Le but, ce n'est pas de les endoctriner ou de leur passer de fausses perceptions. Le but, c'est de les amener à réfléchir et à développer leur jugement, de les outiller de manière à ce qu'ils puissent apprendre à se connaître et à faire des choix éclairés dans toutes les sphères de leurs vies.

Évidemment, on ne peut pas s'attendre à ce que tous les enseignants soient à l'aise d'aborder ces questions, alors qu'ils ne sont pas à l'aise d'en discuter eux-mêmes. Là encore, chaque enseignant doit se connaître... et savoir discuter!Tout est une question d'approche. C'est d'ailleurs ce qui fait que même certains spécialistes de la sexualité n'arrivent pas à bien traiter ces questions en classe.

On parle de sexualité... ce n'est là qu'un des nombreux sujets sensibles ou tabous que j'aborde en cours d'année. J'en parle ouvertement à la réunion de parents en début d'année. J'en parle ouvertement à mes élèves aussi. Je leur dit essentiellement que s'ils ne sont pas à l'aise avec l'un des thèmes traités, avec une des questions que je pose ou avec un commentaire que j'émets, ils peuvent m'en parler individuellement. Cependant, dans un monde idéal, je préférerais qu'ils lèvent la main et le mentionnent. D'abord, leur geste me permettra de creuser la question avec l'ensemble du groupe, mais surtout, elle permettra à l'élève de voir qu'il ou elle n'est pas seul(e) à penser ainsi ou à être mal à l'aise avec la situation. Il s'ensuit généralement des discussions plus formatrices que bien d'autres parce que réellement pertinentes.

Cette approche leur permet aussi d'avoir un espace ouvert pour s'exprimer sans peur d'être ridiculisés, en plus de leur permettre de confronter, de comparer et de discuter les points de vue de leurs ami(e)s qu'ils croyaient parfois bien connaître.

En général, les parents me remercient en fin d'année d'avoir ainsi osé traiter de ces sujets. Mes interventions et les réflexions du groupe font leur chemin jusqu'à la maison et nourrissent d'autres réflexions ou animent les discussions autour de la table au souper.

Bien sûr, certains parents sont déjà venus me voir pour se plaindre. Malheureusement pour eux, la démarche présentée ci-haut a ceci de génial, elle est on ne peut plus pédagogique... et bien menée. Si on ajoute à cela que ce qui crée la grande majorité des problèmes dans
la société, ce sont justement les tabous et les manques de communication... il ne leur reste plus beaucoup d'arguments.

Les élèves quant à eux comprennent bien vite la pertinence de l'exercice. Surtout quand ils réalisent que peu importte qu'ils aient une sexualité active et follement débridée ou qu'ils aient le sujet en aversion, la sexualité fait partie de la vie et ils devront tôt ou tard se positionner par rapport à celle-ci... peu importe les choix qu'ils feront. L'important, c'est justement qu'ILS fassent un ou des choix et qu'ILS soient confortables avec celui-ci ou ceux-ci.

(suite au prochain post!)

Pathfinder a dit…

Bref, je peux comprendre que la prof en question n'ait jamais pensé faire d'appel aux parents. La démarche cognitive qu'elle supporte paraît si évidente que je suis même surpris de voir des gens s'y opposer ici.

Ceci étant dit, la principale erreur dans cette histoire revient à mon avis à la direction, qui n'a pas su rassurer les parents quant au bien fondé, que dis-je, à la nécessité de cette démarche dans le cadre de la formation d'adultes responsables et dotés d'un regard critique sur la vie.

En terminant, que dire des directions qui se sont prononcées sur la teneur des questions présentées ou des gens qui s'en sont outrés? Voilà bien longtemps qu'ils n'ont pas mis les pieds dans une classe ou qu'ils n'ont pas côtoyé de jeunes d'âge secondaire.

Le professeur masqué a dit…

Pathfinder: je reviendrai sur ce sujet dans un billet dans quelques minutes.