05 décembre 2010

Cachez ce pénis... ce sperme... que des parents ne sauraient voir. (partie 2)

Pathfinder y va d'un commentaire intéressant sur le sujet abordé dans un billet précédent. Comme il s'interroge un peu sur la réaction des directions d'école dans de pareils cas, j'ai eu l'idée de mettre en lien ici l'entrevue qu'accordait le directeur général de la commission scolaire Marie-Victorin , André Byette, à l'émission Puisqu'il faut se lever de Paul Arcand. Et ne reculant devant rien, je vous en donne même le verbatim pour que vous puissiez former votre propre jugement sur cette affaire ou, tout au moins, une partie. Le mien suivra.

Arcand: Le directeur-général de la commission scolaire est avec nous, monsieur André Byette. Bonjour, monsieur Byette.
Byette : Bonjour, monsieur Arcand.
Arcand: D'abord, l'enseignante qui a distribué le questionnaire, si je comprends bien, a été relevée de ses fonctions?
Byette: On appelle cela une assignation administrative, c'est-à-dire qu'on la retire de la classe pour qu'elle n'ait pas de contact avec les élèves le temps de l'enquête administrative. On ne peut pas condamner une personne comme ça sur la place publique. On lui dit: «Regarde, on va être prudent et, en attendant qu'on est terminé notre enquête, on va te suspendre de tes fonctions.»
Arcand: À votre connaissance, le questionnaire en question, c'est l'enseignante qui l'a préparé ou c'est un questionnaire qui existe ailleurs dans le réseau?
Byette: Actuellement... Non, ça n'existe pas ailleurs dans le réseau. C'est à partir de préoccupations d'élèves, semble-t-il. Je dis bien semble-t-il. Je vous rappelle qu'on est en enquête administrative. Elle aurait préparé ce questionnaire sous l'angle de «Vrai ou faux?» à partir des préoccupations des élèves.
Arcand: Quand vous dites «de la préoccupation de ses élèves», de ses élèves à elle? des préoccupations soulevées en classe?
Byette: Exactement.
Arcand: Par des élèves?
Byette: Tout à fait. C'est actuellement ce qu'on entend.
Arcand: Ok, donc des jeunes de 13 ans qui auraient dit par exemple: «Est-ce que c'est vrai que les personnes noires ont des plus gros pénis?» et ce genre d'interrogations qu'on retrouve dans ce questionnaire?
Byette: Semble-t-il, semble-t-il... Et c'est pour cela qu'on est en enquête. Mais même, même si c'était cela, cela ne justifie pas la mise en place d'un questionnaire de cet ordre-là. Je le répète et je ne suis pas gêné de le dire, la nuit ne m'a pas fait changer d'opinion là-dessus. Je considère que le questionnaire, il y a des questions qui sont extrêmement douteuses même si l'intention était bonne. Elles n'ont pas leur place.
Arand: Je comprends que l'intention, c'est de combattre les clichés ou la discrimination, mais disons que c'est un peu raide pour des jeunes de 13 ans, peut-être?
Byette: C'est un peu raide pour des jeunes, tout court. (Rites) À mon sens, écoutez, en quoi ça peut faire tomber des préjugés que de demander si le sperme est sucré, pis ça fait maigrir? Moi, je me garderais une petite gêne pour poser ce genre de questions à des ados. Vous savez, je suis un père de famille. J'ai eu des enfants et j'ai maintenant des petits-enfants. Je ne souhaiterais pas que mes petits-enfants se fassent poser ce genre de questions-là en classe.
Arcand: Mais je vous ai posé la question à savoir si c'était un cas du professeur dans sa classe parce que je reçois des courriels ce matin de parents qui me disent que leurs enfant ont eu à peu près le même genre de questions dans une autre commission scolaire.
Byette: Ce que je vous dis, c'est que l'information que j'ai actuellement, c'est un questionnaire qui est une initiative de l'enseignante.
Arcand: Ok. Elle a quelle sorte d'expérience, l'enseignante.
Byette: Je rentrerai pas dans des détails de cette nature-là, monsieur Arcand. Ce sont des renseignements nominatifs que je ne peux pas vous livrer. Tout renseignement nominatif qui permettrait d'identifier la personne, je ne ferai pas ça.
Arcand: Mais vous ne pouvez pas me dire si c'est quelqu'un qui a peu d'expérience ou énormément d'expérience?
Byette: C'est une personne qui a pas des tonnes d'expérience.
Arcand: Et vous prévoyez compléter votre enquête à quel moment?
Byette: Euh... le plus rapidement possible. Je vous dirais d'ici la fin de la semaine.
Arand: Et donc, c'est un professeur qui remplace pendant la nouvelle affectation?
Byette: Exactement.
Arcand: Merci, monsieur Byette.


Si je décortique cette entrevue, plusieurs points ne peuvent que venir à mon esprit.

1- En quoi consiste cette enquête? Que reproche-t-on concrètement à cette enseignante? Et sur quelles bases pédagogiques ou psychologiques formelles le fait-on?

2- Quant à moi, même si M. Byette affirme qu'on «ne peut pas condamner une personne comme ça sur la place publique», le cas de cette enseignante est déjà jugé. Par exemple, on le remarque quand ce directeur général affirme: «Je considère que le questionnaire, il y a des questions qui sont extrêmement douteuses même si l'intention était bonne. Elles n'ont pas leur place.» Il ne semble pas comprendre la démarche pédagogique de l'enseignante lorsqu'il indique: «À mon sens, écoutez, en quoi ça peut faire tomber des préjugés que de demander si le sperme est sucré, pis ça fait maigrir?» S'est-on interrogé sur le contexte dans lequel ce questionnaire a été distribué et exploité en classe? Dans la même veine d'idée, si je fais lire Tintin au Congo en classe, cela fait-il automatiquement de moi un raciste?

3- Le directeur général de cette commission scolaire parle de ce cas en invoquant uniquement son expérience et ses valeurs propres. Son argumentaire est hautement personnel. «Vous savez, je suis un père de famille. J'ai eu des enfants et j'ai maintenant des petits-enfants. Je ne souhaiterais pas que mes petits-enfants se fassent poser ce genre de questions-là en classe.» Où sont les avis de spécialistes? Sans méchanceté, on comprend que les enfants de M. Byette sont d'une autre génération que ceux qui sont dans les classes de sa commission scolaire et que son expérience de parent date de plusieurs années.

4- Enfin, l'expérience d'un enseignant est-elle un renseignement nominatif? Je me pose cette question parce que c'est l'argument que M. Byette invoque pour ne pas répondre à une question à ce propos de M. Arcand. Question à laquelle il répondra pourtant cinq secondes plus tard quand il dira: «C'est une personne qui a pas des tonnes d'expérience.» Un peu contradictoire, non?

À mon avis, c'est parce que ce sujet est relié à la sexualité qu'on réagit autant. Point. À la ligne. Quand je pense que je côtoie des collègues qui présentent à leurs élèves des tas de films violents et sexistes pour les occuper ou les récompenser... et que je n'ai jamais vu un parent s'en plaindre.

8 commentaires:

Lud. a dit…

Je suis d'accord avec vous, on condamne à tort cette enseignante simplement parce qu'elle aborde ouvertement le sujet de la sexualité avec les ados. Et pourtant! Si les élèves se sentent libres de lui poser ces questions - aussi tordues soient-elles, tant mieux! Ce n'est certainement pas à des parents prudes qu'ils la poseraient. Par ailleurs, si elle part de leur questionnement, ça ne devrait pas être difficile à retracer: a-t-elle mis une boîte à questions en classe, afin de s'en servir comme base à son questionnaire?? ça reste à voir...

Quant au directeur de cette CS, on ne peut pas avoir plus subjectif! il répond à tout sur une base de «Moi, je pense que...»: ça en dit long! jugement de valeur, jugement de valeur, jugement de valeur!!

Le Prof a dit…

Je suis prête à parier que de telles initiatives se faisaient déjà dans les défunts cours de FPS il y a 15 ans sans que ça chiale...

Quant au DG de la CS, ses propos me rappellent vaguement Camil Samson.

Mamzelle Z a dit…

Pour continuer sur votre lancées M. Masqué, j'ai tout de suite pensé à ces enseignants qui affirment qu'un verbe c'est un mot d'action, ou autres affirmations catégoriques sans mise en contexte ni nuance.

Le professionnalisme d'un enseignant consiste également à préciser la justesse de ses propos (ex: un verbe est souvent un mot qui exprime une action.

Bref, dans le cas qui nous occupe, je pense qu'on devrait examiner les conséquences d'un tel questionnaire. Est-ce si grave que les jeunes aient réponses à leurs questions? que des préjugés soient démentis?

Je me demande bien ce que les jeunes en pensent de ce questionnaire et de la sexualité à ce jour.

Le professeur masqué a dit…

Lud: nous partageons le même avis sur la subjectivité de ce directeur général. Son argumentaire est faible. Sa position peut être bonne, mais il n'avance rien de bien convaincant pour l'appuyer.

Le prof: «On a sorti la religion de nos écoles pour la remplacer par le checse, mesdames et messieurs.»

mamzelle: effectivement, qu'en pensent les jeunes de cette classe? C'est bien les seuls dont on a peu entendu l'opinion, après tout.

Un parent masqué a dit…

"À mon avis, c'est parce que ce sujet est relié à la sexualité qu'on réagit autant. Point. À la ligne."

Et alors ?

Et si c'était simplement parce que c'est relié à la race ? La race est aussi un tabou? Est-il vraiment vrai que les races n'existent pas? pourquoi tous les gens du monde devraient avoir les mêmes habilités ? Les noirs courent vite, mais sont-ils aussi intelligents, hmmm ?

Je vous trouve comique aussi : le professeur a un argumentaire faible, personnel ?

Le vôtre est-il meilleur, moins personnel? Et celle de l'enseignante qui trouve que le principal c'est de faire tomber des tabous ?

Je trouve comique que vous croyez si facilement que 1) ce sont des précoccupations des enfants (alors que c'est le même questionnaire que l'année passée selon une ancienne élève), c'est au mieux les préoccupations de CERTAINS élèves l'année passée.
2) que les fantasmes de certains enfants devraient servir de cadre pédagogique (un enfant exprime cet intérêt, il faut lui répondre et l'école doit satisfaire cet intérêt). Bravo, vous êtes dans la pédagogie de l'enfant roi.

Il était une époque où on "socialisait" moins, on instruisait plus, on courait moins au devant des fantasmes de certains élèves en prenant prétexte de ceux-ci pour "combattre les préjugés" et adopter le mode pornographique. Bref, il y avait une enfance, on respectait les plus prudes.

L'école québécoise a laissé tomber tout cela, devant "moderne", vide de sens et de savoir et vulgaire.

Le professeur masqué a dit…

Parent masqué: Cette enseignante est suspendue. Une décision administrative a été prise. Sur quelle base? Que lui reproche-t-on? Peut-on questionner les décisions prises par les autorités? Pourquoi devrais-je fournir des chiffres et des argumentaires alors que ceux qui décident ne sont pas foutus de le faire? Pourquoi devrais-je établir une défense pour une accusation dont on ne connait même pas la nature?

Mon argumentaire est faible. Bien sûr! Je ne sais même pas de quoi elle est accusée. Chose certaine, mon expérience de 18 ans de contacts quotidiens avec les jeunes vaut amplement, je crois, celle de gens qui n'ont pas ce privilège que j'ai de pouvoir côtoyer notre jeunesse. Il n'est pas basé uniquement sur ma stricte relation parentale avec mes enfants. Il est aussi basé sur une réalité sociale dont vous pourrez prendre connaissance avec les liens plus bas.

Quand vous écrivez «il fut une époque...», je dois malheureusement dire que vous vivez dans le passé. «Ce n'est pas l'école qui a laissé tombé tout cela», mais bien notre société entière. Les jeunes d'aujourd'hui ont une sexualité précoce, les parents laissent leur fille de douze ans s'habiller en pute et mimer des fellations en dansant.

Alors, avant de condamner l'école, regardez la société dans laquelle je dois oeuvrer comme enseignant. La santé de nos jeunes est plus que compromise par une méconnaissance sexuelle. Que fait-on? On les laisse baiser comme des lapins jusqu'à temps qu'ils chopent des ITSS ou qu'ils crèvent du sida?

J'aime mieux une enseignante avec un questionnaire peut-être déplacé que des gens qui regardent le passé ou ailleurs alors qu'une proportion significative des jeunes

Précocité sexuelle des Québécois et hypersexualisation
http://www.meq.gouv.qc.ca/ministere/veille/index.asp?page=fiche&id=88
http://www.montrealexpress.ca/Education/2007-08-22/article-1548728/Pipe-a-10-dans-les-cours-decole/1
http://www.ledevoir.com/societe/education/79553/ados-au-pays-de-la-porno
http://www.ledevoir.com/societe/education/80974/des-quebecoises-precoces

Hausse des ITSS
http://lejournaldequebec.canoe.ca/journaldequebec/actualites/sante/archives/2010/05/20100526-222629.html
http://www.radio-canada.ca/regions/Montreal/2010/12/02/006-itss-hausse-montreal.shtml

Anonyme a dit…

Tous les adultes radotes, sous le couvert de la "joke" que les noirs ont une gros pénis. Ce préjugés là coure abondamment dans notre société.
VIRAGE À DROITE. TOUTE!
Qu'on enseigne le programme à la lettre. Il n'est pas indiqué dans le programme d'aborder la grosseur de l'organe reproducteur mâle de africains. Problème réglé!
Alors tous le monde ignorera que les noirs ont une grosse bizoune.
Ah! Les bonne vieilles valeurs!

Smeugd

Le professeur masqué a dit…

Smeugd: Ma question: si les parents ne sont pas foutus de faire l'éducation sexuelle de leur enfant, qui la fait? Personnellement, je m'en fous. Ma fille a reçu ce qu'il fallait pour comprendre sa sexualité à la maison, mais ce n'est pas le cas de bien tous.