31 mars 2011

Bulletin unique: les errements de l'Alliance ... (ajout)

L'Alliance des professeurs de Montréal n'est pas satisfaite de la monture du dernier bulletin unique, elle qui a pourtant vu pas mal de ses idées triompher en la matière au cours des dernières années. Elle reproche à ce dernier de laisser une trop grande liberté dans l'enseignement des connaissances.

En entrevue à Radio-Canada, Martin Bibeau, vice-président de l'APM, explique: «Le prof a le choix de déterminer les connaissances à voir. On n'a pas de garantie, par exemple, si notre enfant va à l'école X que, quand il va s en aller à l'école Y en deuxième année, que le prof qu'il va retrouver dans cette école-là aura vu les mêmes connaissances parce que ce prof-là a le choix en ce moment.»

On me permettra d'émettre quelques réserves à cette argumentation. Personnellement, je pense que l'Alliance devrait décrocher de ce débat si elle est pour s'enfoncer dans ce genre de bêtises. On dirait de l'acharnement pédagogique.

Tout d'abord, je n'ai pas vu l'Alliance avoir de telles préoccupations avec les bulletins de l'avant-réforme. Pourtant, il existait déjà de saprées disparités entre les connaissances vues d'une école à l'autre, quand ce n'était pas d'un enseignant à l'autre...

Ensuite, les enseignants sont tenus d'enseigner selon des programmes de formation qui prescrivent, à la suite de certaines modifications quand ce n'était pas assez clair, les connaissances à enseigner. En français, la hiérarchisation des apprentissages au primaire est venue clarifier bien des choses, par exemple.

Enfin, à force de vouloir s'assurer de tout contrôler, on va verser insidieusement dans une dynamique que j'estime dangereuse si on prend connaissance des propos de M. Bibeau:

«On nous répond qu'on a l'autonomie professionnelle de choisir. C'est dénaturer la notion d'autonomie parce que, nous, on demande pas l'autonomie sur le quoi enseigner. On ne demande l'autonomie sur le comment enseigner. Ce que l'on veut, c'est qu'ils nous disent, à chaque année, voici ce qui doit être enseigné, voici ce qui doit être evalué et voici ce qui doit déterminer si l'enfant passe d'une année à l'autre en ayant atteint ces objectifs.»

Je ne sais pas qui, au MELS, a répondu à M. Bibeau qu'il avait l'autonomie professionnelle de choisir les connaissances à enseigner, mais cette personne est joyeusement dans le champ. Sauf que le vice-président de l'Alliance, avec de tels propos, pave la voie, que dis-je l'autoroute à une série de mesures de contrôle qu'il s'empresserait de dénoncer joyeusement par la suite. Des examens communs nationaux de connaissances et de compétences à toutes les années du parcours scolaire d'un jeune, par exemple. Je l'entends déjà dire: «On passe notre temps à évaluer, pas à enseigner...»


L'Alliance a gagné la bataille du comment. Qu'elle nous foute la paix avec la bataille du quoi. Les profs sont assez professionnels pour le savoir. C'est comme si elle ne faisait pas confiance à ses propres membres ou aux équipes-école et voulait transformer tout le monde en petits robots.

Personnellement, le bulletin unique m'emmerde pour bien d'autres raisons que celle-là. Et j'y reviendrai assurément sous peu.

**********

La Presse reprend la position de l'Alliance aujourd'hui. Le porte-parole de l'Alliance, Yves Parenteau, affirme: «Notre proposition fragilise beaucoup l'esprit de la réforme. Avec des critères d'évaluation objectifs, la réussite automatique n'est plus possible. Ça ne doit pas plaire à tout le monde.» Des critères d'évaluation objectifs seraient meilleurs? Mouahhhh! L'objectivité, ça existe en éducation? M. Parenteau n'a jamais corrigé un examen d'écriture de cinquième secondaire. Des tas de descriptifs, de critères détaillés, une «objectivité» de façade mais surtout une évaluation complètement ridicule dont le taux de réussite est quasi automatique. 


Pour l'Alliance, les «compétences», dont l'évaluation serait très subjective, prendraient encore trop de place par rapport aux connaissances. Elle veut quoi? Uniquement des tests à choix de réponses?  Même là, je peux vous garantir des évaluations «objectives» totalement bidons.

15 commentaires:

Anonyme a dit…

Je suis allé en formation sur le nouveau bulletin il y a quelques jours et j'en suis sorti déçu. C'est encore basé sur l'évaluation des compétences (c'est une forme maquillée). Je sens que le ministère nous considère plus comme des évaluateurs que des enseignants! Quand pourrons-nous vraiment enseigner!

Le professeur masqué a dit…

Ano Nyme: en français, on a toujours davantage évalué en fonction de compétences. La réforme voulait réduire la mesure des connaissances à zéro. Donc, la nouveauté est qu'on nous reconnaisse une certaine autonomie quant à l'évaluation des connaissances.

Marc St-Pierre a dit…

Cher PM,

Je ne blaguais l'autre jour quand je vous écrivais que la seule chose qu'on peut vraiment décider quand on retouche au bulletin,c'est où ça va crier...

Les modifications actuelles au bulletin ne sont pas sans rapport avec les échanges qui ont eu lieu entre la FAE et la ministre de l'époque et entre l'Alliance,le plus gros syndicat de la FAE, et la CSDM. Quand on monte au front sur la question de l'évaluation, on meurt rarement d'une balle entre les deux yeux. On meurt beaucoup plus souvent d'une balle entre les deux omoplates... C'est un peu poche, mais c'est comme ça.

Mam'Enseignante a dit…

Modèle de bulletin unique = enseignants techniciens

C'est la seule façon d'arriver à avoir un vrai bulletin unique. Qu'on nous fournisse alors une planification hebdomadaire et qu'on nous impose une collection unique de matériel didactique. Alors là, on pourra parler de bulletin unique.

Mon élève qui a 80% parce qu'il a une belle plume mais se mêle dans ses accords de noms n'est pas le même 80% que l'élève qui a de la difficulté avec sa structure de phrase. Deux 80%, deux réalités.

Le professeur masqué a dit…

Oui, l'APM semble tombé dans ce genre de travers de la dictature du modèle unique pour l'évaluation, le contenu à évaluer...

Anonyme a dit…

Le MELS est bien mal foutu. Il tente d'avoir le meilleur des deux mondes en évaluation et çe n'est pas vraiment possible à cause des fondements différents des approches normatives et critériées - sauf peut-être à l'U de Sherbrook...

Evaluer des compétences et chiffrer la démarche - difficile à faire sans tomber dans l'incohérence. Évaluer des compétence est très peu quantitatif.

L'évaluation des compétences est en effet très subjective et devrait reposer sur le jugement d'experts - dont très peu travaillent en éducation.

Ainsi, un peu comme la réforme, on se retrouve avec un ragout incohérent de demi vérités et de contradictions.

Mais on aura fait plaisir à tout le monde - i.e. à personne.

Paul C.

Le professeur masqué a dit…

M. Paul: j'enseigne le français depuis 18 ans. Je «chiffre» des compétences depuis 18 ans. Or, cela n'a posé aucun problème jusqu'à l'arrivée de la réforme. Personne n'y trouvait à redire. Ce que je veux expliquer est que je crois qu'on capote un peu. Je me méfie un peu des jugements professionnels sans formation adéquate comme évaluateurs et sans critères précis d'évaluation. Or, le MELS est un pro du flou, du vague et de l'éthéré...

Anonyme a dit…

Au sujet de la difficile cohabitation des compétences et de la mesure quatifiée:

http://www.aqpc.qc.ca/levaluation-des-competences-et-limportance-du-jugement.

Paul C.

JPP a dit…

Quand je suis revenu à l'enseignement universitaire en 2006, nous étions passé, à la faculté des sciences de l'éducation, à l'ère des compétences. On s'était arrimé à cet élément de la réforme de 1997-98.

Je n'ai jamais eu de difficultés à évaluer lesdites compétences, dans la mesure où je les avais déterminés explicitement et que j'avais choisi des indicateurs cohérents pour ce faire.

Le système universitaire a ceci d'intéressant est qu'il propose une évaluation qualitative plutôt que quantitative.

Bref, on se demande si à l'égard des indicateurs retenus, les étudiants a produit des réponses ou un travail excellent (A), très bon(B) , bon (C), passable (D) ou nulle (E).

Pour les fins des moyennes et seulement à cette fin, on transforme ces lettres en une échelle de Liekart où A=4, B=2, C=2, etc. Bref, on fait comme on fait pour les cotes de film ou pour les étoiles des logements touristiques, ou les étoiles Michelin pour les restaurant.

Tout cela fait partie de notre quotidien et je me demande pourquoi on se triture l'esprit au primaire et secondaire avec les pourcentages et tutti quanti.

Les enseignantes et enseignants qui ont pourtant été formés à l'université savent de quoi je parle. Aussi, il est bien difficile de comprendre pourquoi ils ne se sont pas encore collectivement convaincus de passer résolument à une évaluation d'abord et avant tout qualitative et à un système de notation cohérent avec cette perspective (ce que ne sont pas les pourcentages!).

Je suis convaincu aussi que les parents mettraient bien peu de temps à s'y faire d'autant qu'une bonne proportion d'entre eux le connaissent pour avoir fréquenté l'université.

Mais j'ai déjà tout écrit cela sur ce blogue. Mais il faut répéter!

Le professeur masqué a dit…

Monsieur P: pourquoi des lettres transformées en notes? Des notes suffisent. Le débat n'est pas là, désolé. Un ou l'autre, je m'en moque bien maintenant. Mais nous avoir demandé de faire des notes en % pour les convertir en lettres et les retransformer en notes, c'était absurde. Pourquoi changer ce qui marchait bien, soit une note en %? Peut-on mettre nos énergies ailleurs?

Les pourcentage tout comme les lettres peuvent tous les deux s'arrimer à un système d'évaluation qualitatif. Ce débat est une pure perte de temps en finalité.

JPP a dit…

"Les pourcentages tout comme les lettres peuvent tous les deux s'arrimer à un système d'évaluation qualitatif."

S'agissant de note, il ne faut pas confondre cote et pourcentage. On cote sur une échelle pas sur une proportion à quoi renvoie un pourcentage.

Le professeur masqué a dit…

Monsieur P: cote, note, pourcentage, symbole, tout cela est la même poutine dans le fond.

JPP a dit…

Votre réplique ne fait pas honneur à votre intelligence!

Le professeur masqué a dit…

M. JPP: tout cela n'est qu'une façon de rendre compte. C'est ce qu'on enseigne, comment on l'enseigne et comment on l'évalue qui comptent. Le code pour transmettre un résultat n'est qu'on code.

Personnellement, ce qui m'importe est la qualité de la rétroaction que je donne à mes élèves.

JPP a dit…

Bien sûr que le code pour transmettre un résultat n'est qu'un code. Mais vous qui enseignez le français savez bien que tous les codes n'ont pas la même valeur.