11 avril 2020

Ouvrir les écoles?


Ouvrir les écoles. 

Lancée en fin de point de presse hier, l'idée de M. Legault a fait l'effet d'une bombe. Il existe plusieurs raisons à cette réaction. Et le gouvernement est en partie responsable de celle-ci. Ce n'est pas la première gaffe que fait ce dernier (mais il ne faut pas le dire...), mais celle-ci est de loin la plus visible.

Tout d'abord, plusieurs notions sont mal maitrisées par la population et il sera difficile d'obtenir son adhésion à un tel projet actuellement. Mettons quelques faits au clair.

Il n'existe aucun vaccin actuellement. Il n'existe aucune façon d'acquérir une protection contre ce virus. Le concept d'«immunité communautaire» ne signifie pas que les gens, s’ils se tiennent ensemble, vont transférer leur immunité à d’autres. Ça signifie simplement qu’il y a des gens qui ne subiront aucun ou peu d’effet dans la communauté. L'immunité communautaire signifie que la fraction de la population qui est immunisée par des anticorps, acquis via des vaccins ou la présence de la maladie, empêche le virus de passer d'un hôte à un autre. Cette fraction de la population doit atteindre entre 70-80% pour qu'on puisse parler d'immunité communautaire dans le cas d'une grippe.

Le confinement n'a pas comme objectif de réduire significativement le nombre de personnes atteintes en bout de ligne. Au Québec, il visait ici à ralentir la propagation parce que notre réseau de la santé n'était pas assez solide pour accueillir un grand nombre de personnes atteintes en même temps. Plus des gens vulnérables sont atteints en même temps, plus des gens se retrouvent à l'hôpital en même temps, plus les risques que ces mêmes gens meurent faute de soins adéquats sont élevés. On ne soulignera jamais assez que cette «fragilité» du sytème hospitalier est le résultat de toutes les années de gestion des gouvernements qui se sont succédé à Québec.  

La grande majorité de la population ne peut être confinée jusqu'à l'arrivée d'un vaccin. De toute façon, la grande majorité de la population aura peu ou pas de conséquence si elle est contaminée par ce virus.

L'idée est de contrôler combien de personnes sont atteintes en même temps. Le confinement était une de ces techniques, mais il a donné l'impression qu'on pourrait se prémunir pour toujours de la maladie. Il était aussi beaucoup plus rassurant que ce qui s’en vient parce qu’on a malgré tout une impression de contrôle sur notre destin. Avec le déconfinement, on essaiera d’éviter d’exposer des personnes vulnérables au virus.  Mais il y aura inévitablement des morts et des morts. Beaucoup plus que maintenant. Mais ce n’est pas payant politiquement de le reconnaitre.

À cet égard, depuis une semaine, la gestion de la crise par le gouvernement est très questionnable. L’épisode de la «Fée des dents» a montré que le premier ministre était trop confiant par rapport à la réalité. On ne fait pas des blagues dans un point de presse sur une pandémie. Platement, si le premier ministre ne verra pas sa mère pour Pâques, c’est qu’elle est une personne vulnérable et que les risques qu’elle meurt au cours de prochains mois sont élevées. Je m'excuse de citer cet exemple, mais c'est une réalité. 

M. Legault n’est manifestement pas un pédagogue. On peut aussi en douter dans le cas de son ministre de l’Éducation. Quant aux journalistes de la Colline parlementaire, leurs connaissance en sciences sont très relatives. 

Le problème maintenant est de savoir à quelle vitesse on ouvre les valves du réservoir afin de respecter la capacité du réseau de la santé à accueillir adéquatement tous les gens qui subiront des conséquences sérieuses du virus. À Montréal, les unités sont sur un point de rupture. Mais on ne le dit pas trop.

Il y a aussi le fait qu'on ne teste pas assez la population. On n'a aucune idée véritable du pourcentage de la population déjà atteinte. On sait que le Québec a fait bonne figure en matière de confinement. Ce qu'on ignore est si cela pourrait maintenant lui jouer des tours et être un facteur important dans la suite des choses. Il existe donc des risques de connaitre ce qu'on appelle une «seconde vague».

En éducation, il serait illogique d'envoyer des enseignants à risque dans les classes. Mais comment déterminera-t-on qui sont ces derniers? Du côté des parents, dire que les jeunes ne subiront aucune retombée négative de retourner en classe est faux. Il y aura très peu de risques si on se base sur l’état actuel des connaissances quant à ce virus. Mais des enfants pourraient mourir. C’est arrivé dans d’autres pays. Il y en aura peu, très peu, mais il y en aura fort possiblement. Certains parents refuseront d’envoyer leurs enfants en classe pour des raisons tout à fait légitimes : ceux-ci ou leurs proches peuvent être des personnes à risque. Est-ce que le gouvernement est prêt à prendre vraiment le risque que des jeunes ou leurs proches meurent pour un mois et demi de classe? D’ailleurs, que fera-t-on en classe dans un tel climat?

Tout cela pour dire que l’on ne propose pas d'ouvrir les écoles pour des raisons académiques. Mais bien des raisons sanitaires. Et comme il n’y a pas de vérité absolue en la matière, il s’agit d’une opération comprenant des risques mais que l’on «croit» pouvoir contrôler. 

Si actuellement, c’est une prof toute seule dans un studio de télé qui a été la meilleure réponse pédagogique à la pandémie (La classe de madame Marie-Ève), j’ai hâte de voir qui sera celle ou celui qui arrivera à expliquer tout cela correctement aux Québécois.



1 commentaire:

Anonyme a dit…

En tant qu'enseignant, j'ai été très déçu que personne sur la tribune ou qu'aucun journaliste ne souligne que si les jeunes ont peu de chance de d'avoir des complications, qu'en est-il des enseignants? Nous savons très bien qu'une distanciation physique dans une école est illusoire. Est-ce que le gouvernement va installer des plexiglas autour de mon bureau pour me protéger comme les autres travailleurs jugés essentiels? J'ai eu l'impression que le premier ministre jouait à la roulette russe avec la santé des élèves, de leurs parents, des enseignants et du personnel des écoles pour des motifs économiques. D'ailleurs derrière l'idée de rouvrir les écoles le sous-entendu est qu'il s'agit d'un moyen de permettre aux parents d'aller travailler, donc de servir de garderie et non pas d'éduquer les élèves. Très déçu...