27 août 2020

Le jour de la marmotte selon JF Roberge

«Pas d'arts ni de sports à l'extérieur des groupes-classes, tranche Roberge», rapporte Radio-Canada.

C'est la consternation dans les écoles ayant des programmes particuliers, surtout en sport-étude. On dirait que le ministre de l'Éducation, Jean-François Roberge, qui ne connait rien de la réalité du secondaire, vient de se réveiller tout en ne comprenant pas comment fonctionnent ces derniers qui existent pourtant depuis des années. 

La pratique d'un sport à l'extérieur de l'école sous l'égide d'une fédération sportive est l'essence même de ces programmes et n'a rien à voir avec des activités parascolaires. L'excellent article de Martin Leclerc sur Radio-Canada.ca explique d'ailleurs toute l'incohérence de cette décision ministérielle en ce qui concerne la pratique du sport scolaire et civil. En gros, il est donc interdit pour un jeune d'aller pratiquer son hockey l'après-midi dans le cadre d'un programme scolaire particulier mais il le peut le soir avec des jeunes de diverses provenances. Au cégep, les équipes sportives sont même maintenues!

Je comprends donc que la logique veut qu'on prive de sport un jeune qui s'est inscrit dans un programme pour être motivé dans ses études parce qu'il pratiquera une discipline à l'extérieur des murs de son école avec d'autres athlètes qui viennent d'une autre bulle-classe. 

C'est strictement la même incohérence qu'une situation que j'ai vécue ce midi mais permise par les consignes de M. Roberge. J'explique.  Pourquoi dois-je forcer des jeunes qui mangent à la cafétéria à rester avec les élèves de leur bulle-classe mais, que s'ils sortent de l'école, ils peuvent allègrement «chiller» avec leurs amis d'autres groupes au Subway?  Poliment, on comprend que le concept de classe-bulle est surtout de la «bulle-shit» politique.

Bref, aller au Subway sans aucune supervision: oui. Le sport sous l'égide d'une fédération sportive respectueuse d'un protocole sanitaire: non. Comprenne qui pourra.

Le plus incroyable est que M. Roberge annonce sa directive aujourd'hui alors que les groupes de sport-étude sont formés depuis plusieurs jours et que des enseignants leur ont déjà donné leurs premiers cours et leurs premiers devoirs! Encore une fois, ce ministre est en retard comme s'il maitrisait mal ou négligeait ses dossiers: en retard d'une dizaine de journées sur l'Ontario pour un plan de la rentrée; en retard en déposant un plan de rattrapage pédagogique des jours après celui de la rentrée (alors que l'Ontario a tout déposé en même temps). Et maintenant, cette directive lors du premier jour de la rentrée. Comme s'il avait manqué de temps durant depuis la fin juin.

D'ailleurs, cette réaction d'un dirigeant  du Collège Mont-Sainte-Anne, à Sherbrooke  est très éclairante: « Ce n’est pas drôle du tout de voir que le ministère nous convoque aujourd’hui (jeudi), jour de rentrée, en nous disant qu’on va nous éclaircir des points, alors que ça aurait dû être fait il y a deux semaines.» Deux semaines: voilà ce qui semble être le retard moyen que le ministère a dans la majorité de ses décisions.

Le travail en retard de ce ministre, c'est tout le réseau qui en paie le prix: directions, personnel scolaire, enseignants mais aussi les élèves et leurs parents. On comprend mal que M. Roberge ait mérité un vote de confiance aussi grand de la part du premier ministre Legault. Il serait temps que le chef de la CAQ réalise que son ministre de l'Éducation est brûlé dans le monde scolaire et qu'il dessert son gouvernement. Avec M. Roberge aux commandes, on a l'impression de revivre la même gestion improvisée et bâclée du printemps dernier. Et l'année ne fait que commencer.

Si le film Le Jour de la marmotte était drôle et sympathique, celui dans lequel ce ministre nous fait jouer est, de loin, beaucoup moins drôle.

Pour ceux qui croient que ce sont les écoles qui ont mal fait leur travail, je suggère la lecture de ce texte fort éclairant. «Quand on a eu des rencontres avec les 53 programmes sport études au Québec, début juillet, c’était clair pour tout le monde qu’il y avait un groupe classe stable à l’école et un groupe d’entraînement stable au sport. On a tous interprété ce qui était écrit de la même façon. On a demandé de se faire confirmer le tout, on a annoncé au ministère de l’Éducation qu’on allait baser notre modèle scolaire en fonction de ces données -là. Le ministère était courant, mais il ne nous a jamais donné d’indication contraire», explique Jean-Benoît Jubinville, directeur adjoint au 1er et au 2e cycle Sports-études, de l'école Le Triolet. Mais avec M. Roberge, ce sont toujours les autres qui ont tort...

Alors que M. Roberge indiquait que sa position était claire et ferme le matin même, le Premier ministre François Legault est venu calmer les esprits et acheter du temps en promettant que ces activités pourraient se dérouler dans deux semaines si les circonstances le permettent. Il a ainsi désavoué son ministre pour la deuxième fois depuis avril. Il ne faut décidément pas avoir d'orgueil ou trop aimé être le «professeur en chef» pour accepter pareil traitement. D'autres ministres ont déjà perdu leur poste pour moins que cela. Il faut croire que M. Roberge est encore utile.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Il faut crever la "bulle" une bonne fois pour toutes. Plusieurs élèves l'ignorent tous les matins en se rendant à l'école en autobus. Ils répètent l'expérience tous les soirs. Ils se côtoient, hors bulle, au dîner, après l'école, sur les terrains de sport durant la soirée...
Surtout, il faut remettre l'éducation au centre des préoccupations. Le ministre Roberge a clairement indiqué que, pour lui, l'enjeu principal de la rentrée était le contrôle de la pandémie! Et ça ne choque personne! Bien souvent, au cours du printemps, il a présenté l'école comme une garderie où l'on place les enfants pour que les parents puissent travailler. Il n'est clairement pas à la tête du bon ministère: il n'insiste jamais sur l'importance de l'éducation pour l'avenir de la société québécoise et des jeunes; il n'exprime aucune crainte à propos des retards qu'entraîne la pandémie dans leur cheminement scolaire (il ne semble pas croire qu'il y ait un problème...) - pas plus qu'il ne propose de solutions. Le premier ministre Legault n'a pas fait mieux que son ministre: il n'a pas mieux répondu aux questions au sujet de l'incohérence gouvernementale, tant pour la question des bulles que pour celle de l'incapacité chronique à planifier un échéancier permettant aux acteurs du réseau de jouer efficacement leur rôle.