28 septembre 2020

Construire un avion en plein vol alors qu'il s'écrase (ajout)

Manifestement, la stratégie actuelle du gouvernement Legault en ce qui concerne la pandémie que nous vivons ne fonctionne pas. Le nombre d'individus positifs repart à la hausse. Les cas de gens hospitalisés ou aux soins intensifs montent lentement. Montréal et Québec redeviennent des zones rouges. Est-ce le plan de la Direction de la Santé publique qui dérape? Sont-ce les citoyens québécois qui sont indisciplinés? Un peu des deux, je crois.

Dans tout ce brouhaha, on parle de contamination communautaire, de restreindre l'accès aux bars et aux restaurants. Mais le tout reste flou. Et qu'en est-il de l'impact de la réouverture des écoles? Pas un mot. Comme s'il s'agissait d'un tabou. Un tabou qu'on maintient au nom de l'économie.

 

On pourrait facilement établir un lien chronologique avec la hausse des cas de covid et le retour en classe. Pourtant, il est encore difficile d'établir scientifiquement si les enfants sont des vecteurs de contamination. De même, la Direction de la Santé publique fournit peu ou pas de données sur l'origine des différentes contaminations. De toute façon, les a-t-elle, ces données, quand 25% des gens ne répondent pas aux appels téléphoniques concernant le traçage des cas infectés?  


Au Québec, il y a près d'une semaine, 334 écoles ont eu un cas de covid diagnostiqué, 234 classes ont dû être fermées et au moins quatre d'entre elles ont même dû fermer leurs portes pour 14 jours. Dans les faits, les chiffres sont plus importants, encore aujourd'hui, si on se base sur le site Covid écoles Québec qui recense 554 écoles ayant un cas de covid. Et rien n'indique que ces mêmes écoles, ou des classes en leur sein, ne devront pas refermer au moins encore une fois au cours de l'année scolaire. Dans certains cas, j'ai déjà des jeunes qui ont manqué deux semaines de classe sans qu'on soit obligé de leur fournir quelque suivi scolaire que ce soit parce c'était un proche qui était atteint de la covid. Et l'année scolaire ne fait que commencer....

 

Ce que l'on remarque aussi est que, pour bien des enseignants (et le personnel scolaire en général), le nombre de contacts quotidiens a littéralement explosés avec le retour en classe, ce qui augmente d'autant les facteurs de risques. Pourtant, des centres de services scolaire s'entêtent à demander aux profs de se présenter à l'école lors des journées pédagogiques et règlementent le télétravail d'une façon si restrictive qu'il devient impossible à effectuer à la maison. Dans un exemple qu'on m'a soumis, un CSS n'arrive même pas à respecter à l'école les consignes qu'il demande à un enseignant de suivre à la maison. Dans un autre exemple, la présence des enseignants a été requise à l'école pour suivre une formation à distance...

 

Il y en aurait beaucoup à dire sur certains décideurs qui manquent tellement de jugement en ces temps de crise. Il faut croire que l'abolition des commissions scolaires n'a pas rendu certaines dirigeants plus compétents ou efficaces. Ils demeurent bien à l'aise cachés derrière leur bureau, sans excuse pour expliquer leur piètre performance. Peut-être devraient-ils venir faire quelques jours dans les écoles et en classe (où on ne les voit jamais) pour qu'ils réalisent la situation dans laquelle nous sommes?

 

Pour ce qui est des élèves, le ministre de l'Éducation, Jean-François Roberge, fabule avec son concept de bulle-classe. Dans les faits, certains jeunes sont rendus à trois, quatre et même cinq bulles-classe quotidiennement. Le nombre de contacts qu'ils ont chaque jour a, lui aussi, explosé. Ils ne voient plus seulement leurs amis proches comme lors du confinement, mais tous leurs amis plus éloignés qui sont maintenant avec eux à l'école. Ils les retrouvent le midi au restaurant, s'amusent avec eux sur des terrain de basket et retournent à la maison le soir sans qu'on sache ce qu'ils ramènent avec eux...

 

De manière générale, le plan du ministre Roberge, soit un retour complet sans masque en classe, a eu comme effet pervers de mettre dans la tête des citoyens que la situation était redevenue plus normale. «Si mon fils peut être avec 29 autres élèves en classe sans masque, pourquoi je ne pourrais pas être avec 10 de mes amis à souper?», ai-je entendu récemment. Les signaux sont contradictoires et les citoyens, écoeurés, font un peu beaucoup n'importe quoi. 

 

Pour ma part, au secondaire, la seule réalité que je connais bien, certaines mesures devraient être mises de l'avant d'urgence. Tout d'abord, on doit permettre l'enseignement à distance aux parents qui le demandent pour leurs enfants. On réduirait ainsi le nombre de contacts quotidiens de certains jeunes qui ne sont pas à l'aise de se retrouver en classe. Ensuite, on doit instaurer l'enseignement hybride, c'est-à-dire alterner entre des moments de présence en classe et des moments de travail à la maison, quitte à assurer un suivi par télé-enseignement. De la sorte, il serait plus facile de faire respecter les mesures sanitaires à l'école. Enfin, on doit obliger le port du masque en tout temps et en tout lieu à l'école. En cédant manifestement à la pression populaire, le gouvernement Legault a discrédité sa propre stratégie, si je puis dire. Il sera difficile pour lui de renverser cette décision politique... sans perdre la face.

 

Ces mesures, je les estime nécessaires, car je crois que l'école est un lieu effectif de contamination communautaire. Le problème est que le ministre Roberge, en favorisant par orgueil «le tout à l'école», comme il a qualifié son plan, a demandé au réseau de consacrer des énergies colossales à organiser une rentrée vouée à l'échec et a négligé des solutions alternatives pour des raisons qu'on comprend mal. Quand l'enseignant en chef affirmait que la rentrée 2020 se déroulerait bien, puisque celle de mai s'était bien passée, il avait manifestement oublié que cette dernière ne se déroulait qu'au primaire, dans des écoles à moitié vides et situées en dehors des zones où étaient concentrés la majorité des cas d'infections. L'autre hypothèse est qu'il soit simplement bête ou qu'il croit ses propres mensonges politiques.


Le personnel scolaire est déjà brûlé et septembre n'est pas encore terminé. Personne n'est pas prêt à effectuer immédiatement de tels changements qui tiendront de l'improvisation parce qu'en haut lieu, on a encore une fois mal planifié les choses. Il faudrait une semaine, voire deux pour y parvenir. Ce qui correspond en passant à la durée de fermeture des écoles ou des classes à cause d'une éclosion en leur sein.


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À la suite du point de presse de M. Legault, on comprend que, d'après lui:

  • Il faut protéger les écoles, mais on ne fait rien pour que celles-ci soient plus sécuritaires. Tout semble bien aller.
  • L'école en télé-enseignement semble pire que de tomber malade ou en confinement sans suivi pédagogique.
  • Les écoles ne sont pas un lieu d'éclosion et de transmission communautaire: «Pour l'instant, il n'y a rien de changé dans les écoles.»
  • Le gouvernement veut éviter la socialisation pour un mois... sauf dans les écoles et à l'heure du diner. On continue de coller au plan Roberge.


Une seule question sur les écoles de la part des journalistes...  

2 commentaires:

Anonyme a dit…

On ne passera pas l’automne. Si ce n’est pas la covid qui va nous avoir, c’est le burn out.

La marâtre

Unknown a dit…

Tout comme dans les milieux de la santé (hôpitaux saturés, manque de personnel ...),les gens sont peu préoccupés par ce qui se passe dans les écoles, après tout, les enseignants reviennent d'un long congé, ils devraient être prêts ! Sauf que le milieu scolaire est aussi amoché, en temps normal, que le système de santé. Et, en ces temps exceptionnels, on demande aux enseignants de faire comme s'il n'y avait rien d'anormal (aucune adaptation du régime pédagogique, aucun changement pour améliorer les conditions de travail des enseignants qui voient leur condition se détériorer par l'ajout de tâches quotidiennes, ...). On se sert de l'école pour dégager les adultes afin qu'ils puissent vaquer à leurs occupations professionnelles, mais malheureusement, en ne se préoccupant pas de la santé générale de celles et ceux qui œuvrent dans les écoles (les jeunes ne développant pas de symptômes graves qui mèneraient à des hospitalisations en grand nombre).