29 mars 2008

Senécal: le vrai vide

La direction de mon école a remis la main sur les deux oeuvres de Patrick Senécal qu'un technicien avait retirées des tablettes de la bibliothèque, soit Le vide et Aliss. Le gag, c'est qu'elle les a feuilletées et a décidé qu'elles ne seraient pas accessibles aux yeux des chastes et purs élèves. Depuis quand, je vous le demande, on veut une direction qui sache lire...

Cette situation est purement aberrante puisque, loin de les encourager, Senécal dénonce certains comportements et amène les jeunes à réfléchir. Quand je pense à la décision de ma direction, on dirait un curé qui interdit des planches anatomiques parce qu'on y voit des corps nus. C'est à se demander ou se trouve le vide finalement.

Puisqu'elle a fait la preuve qu'elle sait lire (mais peut-être pas d'apprécier une oeuvre littéraire), je songe donc à soumettre à la direction de mon école toute une série de titres pour qu'elle se prononce sur leur validité. Si j'avais déjà mentionné quelques écrits scandaleux et pornographiques, je suis toujours ouvert à vos suggestions. Dire que pendant ce temps-là, on peut continuer à faire voir en classe aux élèves des cochonneries sexistes ou abrutissantes sans trop de problème.

Plus hilarant enfin, un collège secondaire privé situé pas trop loin de mon lieu de travail a les mêmes titres interdits de Senécal dans sa bibliothèque et songe à faire venir cet auteur en classe.

Censurer au lieu d'éduquer. Belle mentalité.

Devinez quelles oeuvres on retrouvera dans ma bibliothèque de classe l'année prochaine? Sûrement pas des Picsou et des Sylvie hotesse de l'air. Quoique...
Mais surtout, vite, vite, vite! il va falloir que je recommande à certains de mes élèves de lire rapidement le roman C'est pas moi, je le jure! de Bruno Hébert dont je leur ai prêté un exemplaire avant que la censure ne s'abatte aussi sur cette oeuvre. En passant, celle-ci remporte actuellement un franc succès auprès de mes lecteurs assidus et me vaut quelques belles discussions avec eux.

14 commentaires:

A.B. a dit…

Je suppose que tu sais que C'est pas moi, je le jure! va être porté au grand écran? J'en ai vu les bandes-annonces au cinéma à plusieurs reprises déjà.
On pourrait également interdire L'étranger de Camus puisqu'il s'y retrouve un meurtre purement gratuit en plein milieu. ;o)
La série des Cassiopée de l'auteure Michèle Marineau, et celle de Marie-Lune, de Dominique Demers, devraient être aussi interdites. On y raconte en détails les premières expériences sexuelles des personnages principaux, deux adolescentes. Dominique Demers et Michèle Marineau à l'index? Mouahahah!

Anonyme a dit…

Je suis surprise, prof masqué, que tu aies de la difficulté à trouver le vide! Il y a tellement de monde dedans.

Moi, c'est le plein que je ne trouve pas souvent. C'est peut-être que ça ne signifie plus que mettre de l'essence dans son véhicule?

Tu sais que ne suis pas une grande lectrice de romans ou de littérature. Quelquefois.

Pourtant, je lis, mais des écrtis théoriques, surtout. J'y trouve beaucoup de poésie. Souvent. Beaucoup d'amour de la langue, des cabrioles sur les concepts qui font se reproduire les cellules du cerveau gauche, rencontrant celles du cerveau droit.

Mais ce Sénécal... J'ai un autre livre sur ma liste. Une théoricienne qui a écrit son premier roman (une physicienne si ma mémoire est bonne). Il faut que je lise ça.

Je vais te demander quelque chose d'important. Ne me laisse pas mariner dans mon jus d'ignorance, chacun ayant les siennes. (Bien oui, tu fais ça des fois, toi...)

Je viens de reparcourir ta liste à droite avant de te poser la question. Tu en as parlé dans un autre billet, de ce livre? J'aimerais vraiment en savoir plus.

Zed ;-)

Dobby a dit…

Fait longtemps donc que j'aurais dû être complètement timbrée au nombre de livres "fucké" ou à mettre à la censure que j'ai lu depuis ma jeunesse. Faudra interdire les Harry Potteux aussi, ils y boivent de la Bièreaubeurre dès 15 ans et il y a des dizaines de meurtres dans le dernier.

Le professeur masqué a dit…

Safwan: oui, je sais. Ils vont devoir le mettre 16 ans et accompagné d'un adulte si je me fie à certains critères de sélection...

Merci de tes suggestions. Je crois qu'on devrait faire la liste finalement. Il faut penser à l'équilibre psychologique de nos enfants.

Zed: tu es la reine des oxymores: un vide plein de gens...

Non, je n'ai pas parlé du Vide encore. J'ai quatre gamins qui l'ont lu. Ils sont tous devenus des délinquants sexuels.

Dobby: et la sorcellerie, c'est scandaleux. Ça verse dans le satanisme parfois!

Hortensia a dit…

Je suis absolument contre la censure, évidemment. Je m'interroge quand même sur la capacité d'un lecteur adolescent de faire la part des choses dans sa lecture du Vide. C'est tout de même un livre qui tombe dessus comme une tonne de briques. Tu vas peut-être me traiter de mère poule, mais je pense que, idéalement, c'est le genre de lecture qui demanderait un certain "accompagnement" pour les lecteurs du secondaire. Non? En fait, tu le sais sûrement plus que moi. Je suis habituée aux lecteurs un tantinet plus vieux. D'ailleurs, moi, j'ai mis Le passager au programme cette session. ;-)

Le professeur masqué a dit…

Hortensia: c'est là qu'il faut faire de l'accompagnement. Mais interdire bêtement est loin de l'éducation, je crois.

Hortensia a dit…

De toute façon, ils ont accès à l'horreur tant qu'ils le veulent en un clic de souris. C'est illusoire de penser les y soustraire dans une société comme la nôtre... Je vais essayer de penser à des titres pour ta liste. Déjà, en plus de ceux que tu as nommés, tu peux mettre tout Shakespeare —c'est plein de meurtres là-dedans—,Lolita de Nabokov, Les fleurs du mal de Baudelaire, et ces grands classiques du secondaire que sont Des fleurs sur la neige et Moi, Christiane F, droguée, prostituée, non mais, a-t-on idée de faire lire ça à des jeunes!

Mía a dit…

Hey M. Masqué,
Soumettez leur "La mort en été" de Yukio Mishima, un reccueil de nouvelles portant sur tous les genres possibles d’amour interdit... Je serais bien curieuse de connaître les détails de leur réaction! Hé hé…
Mía
Ps: Yukio Mishima = Dieu, fleuron de la littérature Japonaise, pour ceux qui ne connaissent pas...

Le professeur masqué a dit…

Hortensia: la plupart de tes titres sont dans ma bibliothèque de classe (sauf Lolita).

Mia: je pourrais aussi ajouter «Le marin rejeté par la mer». Zigouiller le beau-père devrait être un thème qui devrait «pogner»...

bobbiwatson a dit…

Qui sommes-nous pour vouloir censurer les ouvrages lus par nos jeunes du secondaire? Depuis quelques années les écoles secondaires ont tendance à acheter des "ouvrages adultes" pour garnir les rayons de leurs médiathèques. Des livres comme "Moi, Christiane F., droguée, prostituée ...", L'herbe bleue, Élisa T., Jamais sans ma fille, etc. ont retenu l'intérêt des "acheteurs scolaires". Est-ce parce que ce sont des faits vécus qu'ils ne sont pas censurés? La drogue vécue, la maltraitance vécue, l'inceste vécu, le viol vécu ... sont donc acceptables dans nos milieux scolaires secondaires, parce que ces sujets sont vécus? Est-ce que les premières relations sexuelles, les premiers essais drogues, les premières amours, la bestialité, les orgies "gargantuesques", la cruauté animale, le moralisme et la mauvaise foi, la grossesse chez les ados, la sexualité chez les jeunes, l'ésotérisme dans la vie de nos jeunes, la violence, l'horreur .... qui font partie intégrante des romans fiction dits "jeunesse, classiques, policiers" et autres,doivent être bannis?
La littérature accessible à nos jeunes reflète la liberté "morale" concédée par notre société.
Bannir Sénécal est une aberration mentale. C'est donc dire que nous bannirons tout ce qui reflète notre société moderne.
Notre société moderne est tombée dans le laxisme face à ses enfants : la négociation y est reine. Attention de ne pas se faire mener par nos enfants. Nous pouvons encore contrôler les lectures de nos jeunes mais nous n'avons aucun droit de les censurer!

Anonyme a dit…

Voici mon infime contribution à votre liste de livres pouvant potentiellement mener vos élèves vers la délinquance la plus sévère, et votre direction à un parangon de dégoût!

- Dracula, de Bram Stoker (plein de scènes potentiellement sexuelles)
- L'Avalée des avalées de Réjean Ducharme (incite à la haine envers les parents)
- Le salut de l'Irlande de Jacques Ferron (un jeune homme s'engage dans le FLQ et entretient des idées terroristes...)
- Les fleurs du mal de Beaudelaire (un poète maudit, besoin d'autres explications?)


Voilà! Que la censure et l'obscurantisme règnent jusqu'à la fin de l'année scolaire, amen.

Mía a dit…

Et j'oserais ajouter, longue vie à la grande noirceur. Amen.

Anonyme a dit…

Vous parlez d'éduquer Professeur Masqué? Exemple.

Je connais une école secondaire qui, l'année dernière, a fait venir Senécal pour une conférence.

Il a parfaitement expliqué sa démarche avec l'écriture de Le vide. On m'a dit qu'il avait été question de téléréalité notamment. M. Senécal aurait également expliqué sa démarche dans le genre littéraire qui est le sien et aurait poussé l'audace jusqu'à discourir sur le processus d'écriture, la méthode et la discipline de travail qu'il se donne.

Apparamment, après la conférence, les élèves étaient même invités a une foire du livre où ils pouvaient se procurer, entres autres, et je vous le donne en mille: Le vide.

Ça donne froid dans le dos non?

Le professeur masqué a dit…

Bobbi: il y a tellement d'oeuvres à brûler. Vite, mon briquet et un peu d'essence...

L'éponge: mumm! D'autres titres à autodafer!

Mia: quelle noirceur! En brûlant des livres, on va se garder au chaud et on aura de la lumière!

M. Chartrand: Le vide est un livre obligatoire dans au moins une école, à ma connaissance, et est acheté par plusieurs bibliothèques scolaires.