22 octobre 2011

Chantal Longpré: analyse d'une controverse (ajout)

Le Journal de Montréal nous apprenait cette semaine que la commission scolaire des Affluents (CSA) refusait la demande d'un congé d'ordre professionnel d'une de ses directrices d'école, Chantal Longpré. Cette dernière est à la fois la présidente de la Fédération québécoise des directeurs d'établissements d'enseignement (FQDE) mais aussi une des porte-paroles de la Coalition pour l'avenir du Québec (CAQ). Ce refus serait basé sur le retard d'un peu moins d'un mois dans la présentation de cette demande.

Dans un article publié par l'Hebdo Rive-Nord, le président de la CSA, Yves St-Denis affirme: «Si elle avait fait sa demande selon les règles, je ne vois pas pourquoi nous aurions pu refuser sa demande. Nous n'aurions pas pu le faire à cause de la teneur de ses propos.»  Il faut savoir que la réélection de Mme Longpré à la présidence de la FQDE a eu lieu en 28 mai 2011 et qu'elle a présenté sa demande de libération le 31 mai alors que celles-ci doivent être présentées le 2 mai pour être admissibles.

«Il m'était impossible de la faire dans les délais respectés en ne connaissant pas la suite des événements, explique Mme Longpré. Il (M. Saint-Denis) savait très bien que je voulais renouveler mon mandat et que j'allais demander un congé professionnel.»

Dans les faits, les relations entre la CSA et sa directrice sont depuis très longtemps orageuses.  Déjà, en juin 2010, alors que la CAQ n'avait même pas encore été fondée, Yves St-Denis manifestait son mécontentement à l'égard de cette dernière en affirmant en avoir «ras le bol» des déclarations de Mme Longpré en matière d'éducation. En avril dernier, Yves St-Denis allait plus loin encore en s'insurgeant contre les propositions de la CAQ en ce qui concerne l'éducation et en réclamant ouvertement le départ de celle-ci à la tête de la FQDE, affirmant qu'elle ne pouvait être engagée à la fois dans la CAQ et dans la FQDE.

Même dynamique avec la présidente de la Fédération des commissions scolaires du Québec (FCSQ), Josée Bouchard. En octobre 2009 déjà,  Mme Bouchard reprochait à Mme Longpré ses propos en matière de bureaucratie avec laquelle devaient vivre les directions d'école: «Si elle (Mme Longpré) veut moins de papier, c'est parce qu'elle veut rendre moins de comptes à la population.» En mai et août 2011, Mme Bouchard contestait la légitimité de Mme Longpré à titre de présidente de la FQDE et porte-parole de la CAQ.

Pour ceux qui suivent l'éducation, il faut aussi savoir que le torchon brûle entre la FQDE et la FCSQ bien avant l'arrivée de Mme Longpré à la tête de cette association. En effet, en mars 2007, le regroupement de directeurs d'école et son président d'alors, Serge Morin, remettaient en question la pertinence des commissaires scolaires. On se rappellera la réplique d'André Caron, président de la FCSQ à cette époque:

«On a ici un groupe qui relève de la direction générale d'une commission scolaire, qui elle-même est sous le conseil des commissaires, et qui remet en question la structure qui la dirigeSur leur chèque de paye, il y a des signatures! Et c'est la présidence et la direction générale de la commission scolaire. Disons que tout ça est étonnant et déplacé

À tort ou à raison, il est inévitable que bien des gens lieront la rigidité administrative de la CSA aux positions de Mme Longpré en ce qui a trait à l'éducation, plus particulièrement concernant les commissions scolaires. Les propos de M. St-Denis à l'égard de la présidente de la FQDE sont une porte ouverte à le faire: «Elle beurre tellement épais qu'elle finit par conter des menteries. C'est inacceptable. Que ce soit dans une commission scolaire ou dans une entreprise, s'il y a un employé qui bitche contre son employeur, c'est évident que ça crée un malaise.»

En lui ayant demandé dans le passé de se retirer de la présidence de la FQDE et en lui refusant aujourd'hui un congé lui permettant d'occuper ce poste sur la base de raisons administratives, la CSA se place dans une position qui prête à la critique.

Sur le plan administratif, la CSA pouvait ne pas accorder ce congé à Mme Longpré. C'était son droit le plus légitime. De plus, il est vrai que cette décision n'empêche pas à proprement parler Mme Longpré de demeurer présidente de la FQDE.

Sur le plan politique et de l'apparence, il s'agit cependant d'une décision qui vient renforcer l'image négative des commissions scolaires dans l'opinion publique. De nombreux intervenants (dont la CAQ et la FQDE, bien sûr, mais aussi le Parti québécois, l'Action démocratique du Québec, la Fédération autonome de l'enseignement et la Centrale des syndicats du Québec) ont dénoncé ce geste et demandé à la ministre de l'Éducation d'intervenir dans ce dossier (ici et ici).

Je ne partage pas toutes les idées de madame Longpré en matière d'éducation comme on peut le lire ici et ici. Chose certaine cependant, en agissant ainsi, la CSA lui confère un statut de «martyre» qui sera bien encombrant et qui fera le jeu de celle qui dénonce justement ces organismes ! L'opinion publique, sondage après sondage, veut l'abolition des commissions scolaires. L'ADQ et la CAQ ont d'ailleurs inscrit cette idée au sein de leur programme. Jusqu'au PLQ qui vient finalement de les lâcher avec le récent projet de la ministre de l'Éducation Line Beauchamp!

Les CS ont déjà suffisamment d'ennemis comme cela: il était inutile qu'elles alimentent encore plus leur volonté de les abolir. Sur la forme, la CSA peut affirmer qu'elle a raison d'avoir refusé le congé de Mme Longpré. Sur le fond, c'est autre chose.

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En date du 27 octobre, la ministre de l'Éducation, Line Beauchamp, malgré les demandes de l'opposition à l'Assemblée nationale, refusait toujours de se prononcer su ce sujet.

8 commentaires:

David D'Arrisso a dit…

Excellent billet. Aide-toi et le ciel t'aidera. C'est souvent cet adage qui me vient à l'esprit quand je pense aux commissions scolaires depuis quelques années. Si les forces qui cherchent leur disparition sont de plus en plus nombreuses et puissantes, force est de constater que les CS demeurent les premières artisanes de leur malheur. Pas facile de les aimer. Même les libéraux s'en sont lassés et cela en dit long, considérant ce qu'ils sont capables de tolérer!

Il demeure que j'ai bien peur de ce qui s'en vient pour les CS. Populisme et "gros bon sens" génèrent trop souvent des remèdes qui sont pires que la maladie à soigner, surtout quand ils sont préparés dans la plus grande des improvisations en vue d'un beau grand "show de boucane"...

Sylvain Bérubé a dit…

Excellente synthèse ici : plein de liens pertinents qui font un bon tour de la question… Un dossier à suivre, assurément !

Jean-Pierre Proulx a dit…

PM,
Vous écrivez: « L'opinion publique, sondage après sondage, veut l'abolition des commissions scolaires».

Comme je mettrai très bientôt à jour ma banque de données "Opinéduq" sur l'opinion publique et l'éducation au Québec, (voir: www.opineduq.ca", vous me rendriez service en m'envoyant les références aux sondages qu vous évoquez dans votre billet.
Merci,
Jean-Pierre Proulx

jean-pierre.proulx@umontreal.ca

Je garderai votre identité pour moi. Juré craché!

Le professeur masqué a dit…

M. Proulx:

Pour votre mise à jour.

En matière d’éducation, l’un des plus importants postes budgétaires du gouvernement, plus d’un Québécois sur deux pense qu’il faudrait abolir les commissions scolaires ou abolir les cégeps pour les remplacer par une année supplémentaire au secondaire.

http://tvanouvelles.ca/lcn/infos/national/archives/2010/01/20100120-232245.html

Plus de la moitié des Québécois (54%) sont favorables à ce que le gouvernement permette aux écoles publiques de se détacher de leur commission scolaire et de transiger directement avec le ministère de l’Éducation, comme c’est le cas pour les écoles privées.
http://www.iedm.org/fr/3636-sondage-une-majorite-de-quebecois-veulent-plus-dautonomie-dans-la-gestion-scolaire-il-est-temps-de-remettre-en-question-les

Vous pouvez aussi ajouter les % que recueillent l'ADQ et la CAQ dans les sondages et dont les idées comprennent l'abolition des CS.

Sans vouloir être méchant, le reste du texte, ça allait?

gillac a dit…

Il est difficile de prendre une décision à partir des opinions socio-affectives exprimées dans des sondages. Je crois cependant ceci: 1- les cs ont échoué dans leurs communications avec la population qui ne perçoit que l'aspect bureaucratique de leur rôle2- une réorganisation "intelligente" exige que l'on examine de près les 3 paliers et non 1 seul3- le cumul des rôles de madame Longpré est à tout le moins problématique et il y a une limite à vouloir le beurre, l'argent du beurre et le cul de la crêmière...

bobbiwatson a dit…

Voilà bien la preuve que, quand on veut congédier quelqu'un qui dérange tous les moyens sont bons pour le faire .... Madame Longpré a une grande gueule et ne dit pas toujours des choses sensées. La journée où elle a parlé de son implication dans la CAQ elle s'est mise un doigt dans l'oeil et quand elle dit que M. Saint-Denis savait qu'elle demanderait un congé professionnel, elle nous montre qu'elle croit encore au Père Noël.

Marc St-Piertre a dit…

Deux choses:

Un, en agissant de la sorte, le président de la CS Des Affluents a donné à la CAQ sa 1ère martyre et des munitions aux abolitionnistes. En ce sens, il est devenu un allié objectif des Legault et Longpré parce qu'il a contribué à augmenter leur capital de sympathie. Quelqu'un pourrait peut-être lui offrir un cours de politique 101.

Deux: Dans une école privée, une direction qui dénonce publiquement son employeur risque un beau matin de s'apercevoir qu'elle n'est plus capable de débarrer sa porte de bureau parce que la serrure aura été changée et devra attendre à la maison que le camion de UPS vienne lui livrer ses effets peresonnels dans une petite boîte toute enrubannée.

Jean-Pierre Proulx a dit…

PM

Merci pour les liens.

Je connaissais le sondage de 2007, mais pas celui de 2010.

Un gros merci.

Si vous en voyez d'autres passer, faites-le moi savoir!

Pour ce qui est de votre billet en général, je ne saurais quoi dire. Je n'ai pas lu la controverse. Suis en réclusion!