La Presse
publiait récemment les propos un peu vagabonds - tant ils allaient dans
plusieurs directions - d’un enseignant de Québec, Stéphane Boulé. Celui-ci était d’avis que les
choses n’allaient pas si mal en éducation au Québec. Il estimait que dénoncer
les mauvais côtés du système scolaire équivalait à le «salir» et qu’une des
plus importantes belles choses qui s’y produit est que «la majorité
des jeunes qui y entrent en sortent avec un diplôme sous le bras.» Encore
faut-il voir ce qu’exige ce diplôme…
La
réalité est parfois fort différente
Dans les faits, au Québec, le taux de diplomation ne
regroupe pas uniquement le fameux Diplôme d’études secondaires (DES) mais aussi
12 qualifications ou diplômes différents. Qu’on pense au certificat de
formation préparatoire au travail, par exemple. Certains intervenants
n’hésitent d’ailleurs pas à affirmer qu’on décerne aujourd’hui à des
analphabètes fonctionnels des diplômes qui sont parfois de niveau primaire. Pour
Caroline Meunier, du Regroupement des groupes populaires en alphabétisation du
Québec, «Il y a des gens qui ont leur secondaire cinq et qui ont un faible
niveau de littératie. On peut se questionner sur leur parcours scolaire.»
Par ailleurs, en français, M. Boulé devrait pourtant savoir
qu’au fil des ans, les exigences ont été constamment réduites quant à la réussite
de ce cours. Pis encore : en 2003, 47 % des Québécois étaient considérés
comme analphabètes fonctionnels. En 2013, ce pourcentage augmentait à 53 %
comparativement à 49 % au Canada. Et ne n’oublions pas le décrochage scolaire :
21,5 % pour les garçons et 13,6 % pour les filles en 2009-2010 d’après un
document de la CSQ.
D’autres
égarements pédagogiques
Dans une autre veine d’idée, M. Boulé croit fermement que
«ce n’est pas le milieu social ou le revenu familial qui, en premier lieu, fait
qu’ils [les élèves] réussissent leurs études.» Sans aucune preuve à l’appui autre
que son expérience personnelle, ce dernier s’inscrit en faux contre une foule
d’études et d’experts qui ont clairement démontré le contraire.
Plus loin dans ses propos, M. Boulé écrit également :
«Cesser de donner des devoirs aux jeunes ou les leur faire faire à l’école nuit
tôt ou tard à leur réussite scolaire, ce que confirme la recherche en
éducation.» Ah bon, quelle recherche? Un expert en éducation comme Normand
Baillargeon reconnaît que les devoirs au primaire ont peu d’impact sur la
réussite des jeunes. Par contre, il indique qu’il est préférable d’en donner au
dernier cycle du primaire afin de mieux préparer les élèves aux devoirs du
secondaire qui, eux, semblent pertinents.
Quant à moi, depuis dix ans, peu de choses ont changé depuis. La situation
s’est même détériorée dans certains cas car l’école publique a subi au cours
des dernières années des coupes qui ont nui à la réussite de plusieurs jeunes
et les réinvestissements qu’annonce le gouvernement actuel ne suffiront même
pas à revenir à un niveau de services acceptables, surtout pour les élèves en
difficultés d’apprentissage.
Comme enseignant, quotidiennement, je vois qu’il se fait de
belles choses dans le réseau scolaire québécois. Cependant, on ne peut affirmer,
comme Candide, que «Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes
possibles». Devant la place qu’occupe l’école privée au Québec et une opinion
publique qui cherche constamment à la dénigrer, l’école publique est souvent déchirée
entre dénoncer publiquement les ratés qu’elle connait et affirmer qu'elle
réussit malgré tout à atteindre plusieurs de ses objectifs. Il ne faut pas se
bercer d’illusion : l’école publique, celle de tous les Québécois, a
besoin qu’on s’occupe d’elle. Reste à voir comment nos décideurs entendent le
faire.
7 commentaires:
Il suffit de diviser votre réponse en plusieurs commentaires.
:)
Pourtant pas compliqué. Mais bon.
Finalement, après mûre réflexion, sachez que je ne poursuivrai pas, ici, ce qui aurait pu devenir une discussion intéressante.
Le jour où vous aurez le courage de vos opinions en signant vos textes de votre vrai nom, comme je le fais, il me fera plaisir de reprendre là où nous avons laissé.
Débattre à visage découvert et en terrain neutre pourrait même s’avérer constructif et mutuellement enrichissant : vous devriez essayer!
Cordialement,
Stéphane Boulé
Pour votre gouverne, La Presse+ n'a pas publié la lettre que je lui ai envoyée. Ce n'est pas de ma faute et pas un manque de courage. Il m'est arrivé souvent d'être publié et j'ai participé à la rédaction de deux livres en éducation.
Dommage qu'il vous faille un nom pour échanger.
Pour le reste, comme me l'a souligné un ami, le courage dont je manquerai semble faire davantage défaut chez vous. Quant à la mention de «terrain neutre», mais c'est quoi cette idée? On dirait quelqu'un quis e cherche des excuses. Platement.
Enregistrer un commentaire