Comme enseignant, le ministre de l’Éducation a dû donner de nombreux devoirs à ses élèves. Comme ministre, il vient d’en donner tout un aux commissions scolaires, aux directions d’école et au personnel scolaire: celui d’accueillir tous les élèves du réseau primaire en tenant compte des contraintes reliées à une pandémie comme le Québec n’en pas connue depuis près d’un siècle. Réalise-t-il qu’en moins de deux semaines, il demande littéralement à ces intervenants de dédoubler tout le réseau des écoles primaires? En conférence de presse, M. Roberge estimait à 50% le nombre de parents qui renverraient leurs enfants à l’école. Dans certaines régions, des chiffres préliminaires indiquent que ce pourcentage serait de 80%.
Non seulement le ministre donne-t-il un devoir exigeant, mais il se permet même de changer les règles de celui-ci en cours d’exécution: en effet, des parents pourront maintenant choisir d’inscrire leurs enfants à leur guise aux cours de prochaines semaines. A-t-il seulement idée de l’alourdissement de travail et du stress qu’il vient d’ajout aux directions d’école qui devront gérer des groupes dont la taille sera variable selon les semaines? On dirait que ce ministre a oublié que ce sont ces directions qui ont eu à mettre sur pied un service de garde d’urgence en catastrophe tout en continuant à devoir répondre aux différentes demandes administratives de son ministère. M. Roberge aurait intérêt à cesser d’écouter les représentants des directions d’école qui lui disent ce qu’il veut entendre pour aller directement sur le terrain. Il y verrait des gens dévoués mais épuisés et à qui on exige encore, pour reprendre cet euphémisme administratif, de «relever de nouveaux défis».
Cette décision de rouvrir les écoles primaires, M. Roberge l’a prise seul, sans donner l'impression de véritablement consulter les différents intervenants du milieu scolaire, comme s’ils n’étaient que de simples exécutants de ses volontés politiques. Or, il est paradoxal de voir ce même ministre avoir confiance en ceux à qui il demande de mener à bien une mission impossible, mais rarement écouter leurs avis et leur expertise. Assez bons pour exécuter mais pas pour penser. Le ministre décide, délègue et, temps de pandémie oblige, s’en lave les mains.
Comme ministre, M. Roberge devrait réaliser qu’il a aussi de nombreux devoirs à compléter. Le premier, c’est celui d’être franc avec la population et les différents intervenants qu’il a sous sa responsabilité. S’il demande à ces derniers l’impossible et d’aller au front, il devrait avoir le courage de leur dire que la réouverture des écoles est nécessaire pour remettre en marche l’économie québécoise. En tentant de masquer cette évidence, M. Roberge ne s’affirme pas comme un véritable leader et manque de respect envers le personnel scolaire. Il n’y a rien de pire que cette forme de gouvernance que certains pourraient interpréter comme du mépris. Des soldats doivent avoir confiance en leur commandant. Ici, si le personnel scolaire n’avait pas à coeur le bien-être des enfants, il aurait déserté depuis longtemps
Cette franchise, M. Roberge aurait dû aussi l’avoir à l’égard des parents. La réouverture des écoles primaires ne signifie par une retour à la «vie normale». Il est faux d’affirmer que les jeunes y retrouveront leurs amis et leur enseignant. À toute fin pratique, la seule chose qu’on peut garantir est qu’ils seront confinés dans une classe. Avec qui et où? On ne le sait pas. Là encore, le ministre de l’Éducation aurait dû avoir le courage politique de demander aux parents de n’envoyer que les enfants qui seraient restés seuls à la maison avec une éventuel réouverture de l’économie.
Le deuxième devoir de M. Roberge est d’être davantage pro-actif et de consulter ses différents partenaires en éducation. On a l'impression qu'il n'y a pas que le Québec qui a été sur «pause» pendant deux semaines. Il n’est pas normal que le ministère ait rejeté l’offre d’une commission scolaire de partager son expertise d‘enseignement en ligne. Actuellement, les élèves québécois pourraient continuer leurs apprentissages, en faire de nouveaux et même compléter des évaluations comme c’est le cas de leurs jeunes collègues ontariens. Or, il n’en est rien et le ministre n’a pas eu à expliquer pas les raisons de ce refus. Il n’est pas normal non plus que le ministère ait conclu des semaines après l’Ontario des ententes pour fournir des appareils électroniques aux enfants en ayant besoin.
Par ailleurs, le ministre doit déjà élaborer et faire connaitre les différents projets qu’il a pour la prochaine rentrée scolaire et non faire connaitre ses intentions «exécutoires» à la fin du mois d’août. Les enseignants et le personnel scolaire sauront mettre à profit l’été devant eux pour se préparer à ce qui les attend dans le but d’offrir des apprentissages de qualité aux jeunes sous leur gouverne.
Enfin, M. Roberge doit cesser de vivre dans un monde imaginaire et constater que bien des jeunes n’ont plus une très grande motivation intrinsèque quant à leur parcours scolaire actuellement. En cinquième secondaire, les élèves sont généralement acceptés au programme collégial de leur choix et travaillent dans des secteurs utiles à la société. D’autres sont déjà en vacances. Mes collègues qui les appellent les dérangent. Pour les autres niveaux, le degré de motivation est variable. Ce qui est clair, par contre, est que les enseignants ne savent plus quoi dire à des jeunes qui ont entendu le ministre de l’Éducation parler de «congé», puis d’apprentissages «facultatifs», puis d’apprentissages «fortement recommandés» pour enfin terminer par des «apprentissages essentiels». Il est dangereux d’abuser ainsi de sa crédibilité et tant les jeunes que leurs parents ne sont pas dupes de ce discours que nous tentons, bien mal, de soutenir comme enseignants.
L’année scolaire est finie. Comme c’est le cas dans de nombreuses autres provinces canadiennes. Si le gouvernement a décidé de rouvrir les écoles primaires pour accueillir les enfants qui ne peuvent rester seuls à la maison comparativement à leurs grandes soeurs ou leurs grands frères, c’est un choix politique qu’il devrait assumer par respect pour ceux qui oeuvrent dans ces mêmes écoles. Pour le reste, il est normal d’improviser en temps de crise, mais le ministre de l’Éducation a le temps et les ressources pour présenter dès la mi-juin, avec ses partenaires, différents plans quant à la rentrée scolaire 2020-2021.
10 commentaires:
"...la seule chose qu’on peut garantir est qu’ils seront confinés dans une classe. Avec qui et où? On ne le sait pas."
Ça, il ne faut pas trop en parler parce que ça va faire passer le goût aux parents d'envoyer leurs enfants à l'école.
Il faut aussi mentionner les 15 000 tablettes disponibles (comment? pour quoi? payé par quel budget?) et la formation en technopédagogie offerte dès la semaine prochaine (alors qu'on parle d'un retour en classe), sept semaines après le début du confinement.
Mais comme le Ministre le dit si bien:
« Moi, je n’appellerais pas ça improviser. Quand on a décidé d’aller sur la Lune, la fusée n’était pas construite encore, et on a décidé d’aller sur la Lune ».
Sur ce, je vais aller mettre mon casque d'astronaute! ;-)
Et en plus de tout ça, ils ont comme oublié de dire suite aux appels répétés du gouvernement et des CS (après tout, nous étions payés à la maison!) d'aller faire du bénévolat que si nous étions infectés et pas en mesure de faire notre prestation de travail, que nous serions dirigés vers l'assurance-salaire avec le délai de carence habituel!
J'ai ravalé de travers hier soir... couchée dans mon lit à avoir mal partout après avoir fait deux semaines en CHSLD, un des plus affecté dans ma région!
Bref, engagez-vous qu'ils disaient!
Lucie: je sais.
Mam: vous avez toute mon admiration. Pour le reste, je préfère me taire. Nos décideurs ont de drôle de façon de nous remercier.
PM
Oui et il y avait des milliers de fonctionnaires du provincial et du municipal payés à la maison. Les seuls à qui on a fait appel ce sont les enseignants et enseignantes. Pourquoi pensez-vous?
Lucie: Même si on n'a pas envie d'envoyer nos enfants à l'école, si l'employeur dit au parent qu'il doit entrer travailler, ben en réalité on l'a pas vraiment le choix. Sinon c'est considéré comme départ volontaire, pas de chômage, pas de pcu. Avec tout ce que je lis cest jours-ci, l'économie passe bien avant les humains et elle reprendra au prix de nombreuses vies et santé.
Fait bon de te lire l'ami. C'est chouette chez toi. A part la peinture et quelques rénos, je m'y suis bien retrouvé. Merci de ta clairvoyance.
Unknown: je préfère ne pas y penser.
Anonyme: ouaip. Et dans certains milieux de travail, la distanciation est impossible, quoiqu'on dise.
L'ensaignant. Toi, tu me manques beaucoup. Si tu sais comment me trouver, viens me faire signe, l'ami.
Si j’étais une direction d’école, je vous embrasserais. Mais bon, nous sommes en pandémie. :p
Paola
Wow les fonctionnaires à rien faire!!!! On fait du télétravail et on a dû aussi faire des miracles pcq on avait pas l'équipement ni la formation. Et pourtant les services sont rendus, les paies déposées, les subventions versées, non??? Ça veut dire que les fonctionnaires ne sont pas payés à rien faire! Vous ne voulez pas que la population croit à tous les mensonges sur les profs alors svp ne croyez pas les mensonges sur les fonctionnaires! Savez-vous qu'on a payé de notre poche les imprimantes, papier, chaises, etc, nécessaires pour le télétravail?? Et c'est loin d'être tout mais la signature obligatoire de confidentialité empêche tout fonctionnaire de parler...
Je vous souhaite la santé et beaucoup d'amour cher anonyme.
Unknown: je n'ai pas lu dans el commentaire d'Anonyme qu'ils étaient payés à ne rien faire mais vous faites bien de préciser. L'intervenant ici indique qu'il semblerait que seuls les enseignants ont reçu un courriel exprès de leur ministère les invitant à aller oeuvrer en CHSLD. En passant, tout comme vous, certains profs ont payé de leur poche pour continuer à travailler de la maison.
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