Le ministre de l'Éducation, Jean-François Roberge, retourne encore une fois sa veste. Du moins, en apparence. Les fameux camps pédagogiques obligatoires dont il a annoncé la création lundi à la grande surprise de tout le réseau scolaire sont maintenant devenus optionnels.
Dans sa grande mansuétude, le ministre avait déjà laissé le soin aux commissions scolaires de déterminer quels élèves y seraient invités. Maintenant, on pourrait penser qu'il leur laisse encore plus de liberté.
Or, il ne faut pas être dupe. Dans bien des CS, dans bien des écoles, des appels ont été faits, des courriels ont été envoyés, des ententes ont déjà été prises. Alors que tout est organisé ou presque, M. Roberge change soudainement d'avis et dit laisser le libre choix aux écoles. Mais comment pourraient-elles reculer sans en porter l'odieux aux yeux des parents?
Bien sûr, on pourrait taxer cette vision d'un ministre machiavélique de paranoïaque. Mais il existe une autre hypothèse qui s'inspire de la célèbre règle du rasoir d'Ockham («lex parsimoniae») pour comprendre le comportement erratique du ministre de l'éducation.
Plutôt que d'éliminer les explications improbables d'un phénomène, la règle du rasoir de Hanlon veut qu'il ne faut jamais attribuer à la malveillance ce que la bêtise ou l'incompétence suffit à expliquer («never attribute to malice that wich is adequately explained by stupidity»).
Seuls les décideurs qui ne croient plus à la cohérence du ministre et attendent ses contre-ordres avant de se mettre à l'oeuvre ont compris comment sauver leur peau sous sa gouverne. Ses partisans fidèles de la première heure ne le suivent plus. Il faut le dire haut et fort: il n'est pas normal de voir un élu occuper un tel poste lancer ainsi des idées aussi improbables pour qu'elles soient accomplies au prix d'efforts considérables ou abandonnées à la dernière minute parce que franchement irréalisables. Cette façon d'agir épuise tous ceux qui subissent de telles pratiques de gestion. Aussi bien le dire: les directions d'école sont à bout. Et elles ne sont pas les seules.
Une autre chose est tout aussi certaine: jamais de ma carrière, je n'ai vu les équipe-écoles aussi unies; jamais, je n'ai vu un ministre de l'Éducation faire autant l'unanimité de la sorte contre lui. Sur Facebook, dans des conversations privées, même avec des cadres scolaires, sa crédibilité est plus que mise à mal. Dans certains cas, on commence à réclamer sa démission. Quelques collègues m'ont confié même s'ennuyer d'Yves Bolduc. Si le ministre déclarait oeuvrer à remettre le pouvoir entre les mains des directions et des enseignants, on a l'impression que son tempérament le pousse ordinairement à faire tout le contraire.
Aussi bien le dire: le ministre, celui qui répète qu'il a été enseignant pendant 17 ans, ne passe plus. Peut-être est-on simplement devant un autre exemple du principe de Peter? Ses rires, ses mimiques, ses leçons de morale à peine voilées, son comportement que plusieurs attribuent à de la suffisance: tout en lui devient insupportable aux yeux et aux oreilles de ceux qui, depuis plus de deux mois, subissent sa gestion erratique du réseau scolaire québécois.
Le personnel scolaire ne se sent plus respecté et écouté par ce ministre mais bêtement utilisé à des fins partisanes. Il ne le croit plus quand il parle de travailler ensemble à la prochaine rentrée scolaire alors qu'il gouverne à coups de bâillons, de décrets et d'annonces surprise. Et s'il fallait qu'il change encore d'idée ou improvise une mesure venue dont on ne sait où d'ici la fin de la présente année scolaire, je ne serais pas surpris de voir certaines personnes autour de moi craquer. Cet homme n'a pas idée de toute la détresse et la désaffection qu'il cause inutilement actuellement dans le réseau de l'éducation.
Finalement, Hanlon avait peut-être raison.
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