24 octobre 2007

Mes chaînes? Ou sont mes chaînes?

Chaque fois que je lis Paul Inchauspé, c'est bien simple: j'ai l'impression d'être un con, mais un con! Total. Fini. Irrécupérable. Alors, imaginez après son épître publié dans Le Devoir de ce matin.

Grand papa Bi de l'éducation (désolé du surnom, mais ça se veut quand même affectueux) prend la plume pour réagir à propos de la dernière sortie de la ministre Courchesne sur l'enseignement du français. Ses récents propos manquent de clarté, indique-t-il. Et puis, que reproche-t-elle donc à la réforme?

Les avantages du Renouveau quant à l'enseignement du français.

Tout d'abord, M. Inchauspé indique qu'un «choix a été fait: celui d'un enseignement du français qui mettrait l'accent essentiellement sur l'apprentissage de la lecture, de l'écriture et de la communication orale.» Quoi de neuf, docteur? L'ancien programme s'intéressait aux mêmes aspects, à ce que je sache.

Ensuite, il souligne que «l'apprentissage de ces savoirs essentiels bénéficie aussi de plus de temps qu'auparavant.» Fallait-il une réforme de cette envergure pour ajouter plus de temps d'enseignement au français? J'en doute. Et a-t-on vraiment plus de temps pour enseigner cette matière? Avec les compétences traversales, l'interdisciplinarité, la pédagogie par projet, je ne suis pas du tout convaincu que le temps consacré à l'acquisition de connaissances et de compétences soit plus grand maintenant. Pour l'instant, et je demeure poli, certains indices donnent à penser que les élèves de sixième année du primaire écrivent moins bien que leurs prédécesseurs d'avant la réforme. Plus de temps, moins de résultats. Il y a comme un problème.

Sur le même argument, monsieur Inchauspé ajoute: «Cette augmentation du temps a un effet: celui de réduire le nombre d'élèves différents qu'auront les enseignants de français.» Que ça tombe bien! Parce qu'avec l'intégration forcée et sauvage d'élèves en difficulté (à qui on ne rend manifestement pas toujours service) et la pédagogie différenciée qui en découle, les profs ont justement besoin de davantage de temps!

Des programmes clairs et exigeants

Par ailleurs, l'ancien président du Groupe de travail ministériel sur la réforme du curriculum d'études, les textes du programme de français au secondaire sont clairs: «Et le degré d'explicitation de ce contenu est tel qu'un enseignant de français pourrait se passer de manuel. » Alors, pourquoi nous oblige-t-on à en acheter?

Toujours sur les programmes, M. Inchauspé continue: «On peut critiquer bien des aspects du nouveau programme d'études, notamment certaines de ses formulations, mais on ne peut, sans mauvaise foi, dire qu'il ne contient pas de contenus exigeants en ce qui concerne l'apprentissage de la lecture et de l'écriture.» Là, désolé, mais je décroche complètement. Entre les attentes du programme et la réalité de l'évaluation, il y a un monde que ce grand penseur de l'éducation semble tout bonnement ignorer. Le contenu est exigeant, mais la réalité est qu'on ne demande pas, à toute fin pratique, à l'élève de le posséder. Je me souviens d'un objectif au primaire que des professeurs universitaires jugeaient tout bonnement irréaliste pour des élèves de cinquième secondaire.

À mots voilés, on dirait que M. Inchauspé suggère que les enseignants sont paresseux. À vous de juger en lisant sa lettre, mais que penser de la remarque suivante: «Aussi, le développement des compétences en lecture ou en écriture demande quelques connaissances mais surtout beaucoup, beaucoup de pratique. Et si les médiocres résultats en français écrit étaient aussi dus au fait qu'on l'oublie parfois?» Pas assez de pratique alors que les enseignants ont plus de temps et moins d'élèves? Doit-on en déduire quelque chose?

La faute est ailleurs

Quoi qu'il en soit, l'auteur de Pour l'école - Lettres à un enseignant sur la réforme des programmes croit que les lacunes des élèves en français relèvent davantage «du côté de son application et des conditions de cette application». Et M. Inchauspé y va d'une longue liste révélatrice:

«Qu'est-ce qui peut expliquer les lacunes constatées: les tests utilisés? L'élève? L'enseignant? Ses méthodes? Les manuels? Le degré d'appropriation des exigences du programme? Les effets du «bruit» sur et autour la réforme? L'importance donnée par l'école à l'apprentissage du français? Les difficultés particulières de cet enseignement aux élèves d'aujourd'hui? Les effets de la suppression du redoublement? Le contrôle de l'application du programme par la commission scolaire? Les effets des dispositions prises pour libérer l'espace professionnel des enseignants?»

Ou s'intéresse-t-il à la mollesse de l'évaluation? au manque de la culture de l'effort et de toutes ces valeurs résolument facistes?

Les enseignants ne savent pas comment vivre leur liberté

Pour Inchauspé, une autre explication tiendrait dans le fait que les enseignants doivent maintenant apprendre à se libérer du carcan des anciens programmes. Ils ont de la difficulté à passer du stade de technicien à celui de véritable professionnel:«Cette forme de détermination du programme et ce mode d'évaluation visaient à faire de l'enseignant un technicien, applicateur de procédures déterminées ailleurs. Ces deux verrous ne sont plus là. (...) La disparition de ces verrous, en ouvrant une nouvelle situation de liberté pédagogique, produit aussi le tohu-bohu actuel des batailles du bulletin et des pédagogies.»

Liberté pédagogique? Ai-je bien lu? Alors, pourquoi ai-je l'impression d'être passé d'une prison à une autre, simplement? Je suis libre et je l'ignore? Et je ne saurais pas quoi faire de cette liberté qui, à mes yeux, est totalement inexistante? Vite, mes chaînes! mes chaînes!

Chaque fois que je lis Paul Inchauspé, c'est bien simple: j'ai l'impression d'être un con, mais un con! Total. Fini. Irrécupérable. je vous l'avais dit.

Sur ce, je fuis pour le congrès de l'AQPF. Je suis sûr que quelques amis cons m'y attendent.

6 commentaires:

Sylvain a dit…

Comment peut-on se sentir libre, professionnellement, quand on nous fait remplir une carte à punch en plusieurs volets aux noms plus ou moins cryptiques comme Tâche d'Enseignement (OK pour celle-là), Autres Tâches Éducatives, Tâches Complémentaires, Travail de Nature Personnelle (mais qui doit être inscrit à un horaire qui ne pourra être toujours respecté, car certaines de ces tâches ou travaux ne peuvent se produire bêêêêêtement à heures fixes.

Avez-vous déjà vu, vous, chers lecteurs du professeur masqué, des professionnels à cartes à punch ?

Si le ridicule tuait, le système d'éducation au Québec serait mort, enterré, et vraisemblablement décomposé totalement...

(Ça fait du bien ! Merci cher PM de nous permettre cet exercice !)

bobbiwatson a dit…

À la lecture de la lettre de Paul Inchauspé dans Le Devoir d'aujourd'hui (mercredi le 24 octobre 2007), on se demande si ce monsieur est un technicien ou un professionnel de l'enseignement. Ses considérations sont purement théoriques, loin de la réalité scolaire vécue par nos enseignant(e)s et nos enfants. Que ce soit au primaire ou au secondaire (actuellement), tout est à reconsidérer. M. Inchauspé parle d'une augmentation du temps accordé pour le français. Mais ce temps supplémentaire est-il : réel? concret? aléatoire? subliminal? Je pense que les grands penseurs "pédagogiques" de notre MELS (et autres) devraient se voter du temps pour vivre la "réalité vraie" vécue dans nos écoles, qu'elles soient secondaires ou primaires.

Le Devoir d'aujourd'hui (mercredi) est une mine d'articles portant sur l'éducation. On y mentionne : "ne plus financer le privé serait payant à condition que les élèves ne rejoignent pas massivement le secteur public". Est-ce parce qu'on a peur de ne plus pouvoir offrir autant de services, de services de qualité? Est-ce que la qualité du français de leurs élèves en pâtirait?

Il faut aussi penser à nos immigrants qui doivent apprendre le français comme le mentionne Maryse Potvin dans Le Journal de Montréal du mercredi le 24 octobre 2007 en p. 29.

Décidément, le français (enseigné) prends de plus en plus de place dans nos tribunes populaires.

La Souimi a dit…

De cons et de connes. Une gang de "tarla", en fait.

Anonyme a dit…

Bonjour prof masqué,

Quel plaisir de débuter une journée avec une réflexion de ce genre :) Je prends la parole à titre de jeune enseignante au primaire et, de surcroît, d'une région éloignée...Ouf! Là, j'ai l'air un peu à côté de la plaque, mais quand même. Pour avoir moi-même tenu des propos semblables aux vôtre il y a quelques années, lorsque la réforme au primaire battait les sentiers, je peux comprendre votre idée. Toutefois, suite à quelques remises en question et des rencontres opportunes avec M. Inschauspé, j'ai changé d'avis. Dans ma classe, on vit notre réforme, celle qu'on a la liberté d'instaurer en fonction du groupe. Celle où on peut encore faire "show time" devant le groupe et ensuite démarrer un projet. Résultat: mes élèves performent! Pas tous également, mais ils s'impliquent, s'investissent, bougent et ils aiment ça! Toute l'école aimerait venir faire un stage dans ma classe. Pourquoi ça marche chez vous? Parce que j'ai arrêté d'écouter ce qu'on dit à droite et à gauche, exactement comme me l'avait suggéré Paul Inschauspé. Au fait, je me sens très conne à son côté, mais d'abord et avant tout, parce qu'il en connaît foutrement plus que moi sur le sujet. Vous proposez quoi exactement pour que les étudiants s'améliorent en français? La meilleure solution à mon avis, c'est d'attendre que les profs du primaire vous envoie des élèves qui sont meilleurs, plus intéressés et qui répondent aux exigences de base. Je pense que rendu au secondaire il n'y a plus grand chose à faire :)
Mais je me répète, ce n'est pas qu'illusion ce que M. Inschaupé présente. Ça ne sort pas de l'imaginaire d'un homme. De toute façon, ça ne pouvait pas être pire que la ministre quand même!!!!

La Marsouine a dit…

Stop! On arrête! J'ai la solution! On retire les filles de l'école, on ramène l'enseignement religieux, on engage des eunuques pour enseigner et on rend le russe obligatoire dès la maternelle. Au secondaire, deux profils : funambulisme avancé et biologie moléculaire de base.

J'ai tellement hâte au cours de danse poteau!!!

Avis d'intérêt public: ceci est un délire. Cette mention aurait dû être ajoutée à plusieurs interventions précédentes concernant l'Éducation. Veuillez nous excuser des inconvénients que cela a pu causer. Le gouvernement du Québec

Le professeur masqué a dit…

Sylvain: ouins, mais on le réanime chaque jour. On dirait Frankenstein...

Bobbi: et vous n'avez rien vu si on se base sur les propos de la ministre Courchesne à l'AQPF aujourd'hui.

Souimi: on est tous des tarlas de ce temps-ci.

Majesty: bonjour à vous ici. On peut ne pas avoir le même point de vue, mais on échange. D'ailleurs, si les profs se parlaient davantage, ça irait peut-être mieux.

Au congrès de l'AQPF, je ne suis pas le seul à avoir avaler de travers les propos de M. Inchauspé. Maladresse? Erreur de parcours?

La lettre de M. Inchauspé a ceci d'insultant qu'elle semble sous-entendre qu'avant la réforme, on ne faisait que de la merd... et que les profs n'étaient que des techniciens. Et qu'aujourd'hui, c'est parce qu'ils sont incapables d'assumer leur liberté pédagogique (donc, qu'ils ne sont pas des professionnels) que tout va si mal...

La marsouine: dommage... surtout pour le russe.