Bon, aussi bien le dire, il est écrit dans le ciel que les enseignants vont exercer des moyens de pression et que la fin de la présente année scolaire risque d'être longue... Déjà, certains syndicats ont adopté une liste de moyens de pression «légers» pour mettre la table. Le Soleil en parle traite d'ailleurs des négociations en cours ce matin dans son édition.
Aujourd'hui, question de débroussailler, si possible, le tout et de se désennnuyer de son célibat, le sympathique Prof masqué traitera de la question des salaires et de la durée de l'entente liant le gouvernement et ses employés. Un autre texte suivra sous peu sur les conditions reliées à l'emploi.
La question du front commun
Avant d'entrer dans le vif du sujet, je m'en voudrais de ne pas aborder une première manoeuvre syndicale qui pourrait expliquer pourquoi les enseignants se feront une fois de plus entuber lors des négociations actuelles.
En participant au front commun intersyndical, les syndicats enseignants espèrent bénéficier de l'effet du nombre mais ils diluent, quant à moi, leur capital de sympathie en s'associant à des fonctionnaires beaucoup moins populaires auprès de la population. Et, on ne le dira jamais assez, le renouvellement des conventions collectives est davantage une opération politique que financière. Je ne suis pas sûr que nous améliorons nos chances d'obtenir une meilleure entente avec cette manoeuvre.
Déjà, les médecins spécialistes, qui n'appartiennent pas au front commun, ont annoncé leurs couleurs avec une demande d'augmentation de 4% par année. Il faut lire la logique et la détermination du discours de leur président, Gaétan Barrette, pour réaliser que nos représentants syndicaux ont des croûtes à manger en matière d'argumentation.
Bien sûr, notre situation n'est pas entièrement comparable à celle des médecins qui ont le loisir d'aller pratiquer ailleurs, mais il n'en demeure pas moins que, tout comme eux, le gouvernement québécois est en pénurie d'enseignants et que ceux-ci sont moins bien payés que la moyenne canadienne.
Le contexte financier évoqué par le gouvernement
En dévoilant ses offres, le gouvernement y est allé d’un tas de considérants qu’on peut résumer ainsi:
- les travailleurs du secteur public jouissent de conditions de travail avantageuses par rapport aux employés du secteur privé;
- la récession fait mal et le retour à un équilibre budgétaire demande un effort de la société québécoise;
- le gouvernement doit limiter la croissance de ses dépenses durant cette période tout en s’assurant du maintien des services publics.
Certains points méritent d’être soulignés.
Ainsi, les études actuarielles ne s’entendent pas sur les «conditions avantageuses» des employés du secteur public. Par exemple, il serait plus juste de comparer ces emplois avec ceux d’entreprises de taille comparable, ce que ne fait évidemment pas le gouvernement. On pourrait aussi souligner que le salaire des enseignants québécois vient à l’avant-dernier rang au Canada et que plus de 40% des enseignants du Québec n’ont pas obtenu leur permanence.
Ensuite, j’ai bien de la difficulté à trouver crédible cet effort demandé à la «société québécoise» quand on voit tous ces cas de bonis de performance, de primes de départ et de comptes de dépenses chez nos décideurs publics. Et on ne parle pas ici de la corruption dans l’industrie de la construction ou des 40 milliards partis en fumée à la caisse de dépôt et placement du Québec! La société québécoise semble donc, dans les faits, se résumer aux employés du secteur public… et personne n’a de compte à rendre si on est rendu au bord du gouffre à la suite d’une mauvaise gestion des finances publiques.
Enfin, il est clair que le gouvernement veut maintenir les services publics tout en limitant ses coûts. Devinez comment il va y parvenir? En limitant la masse salariale des employés les plus nombreux, pas en remettant en question les privilèges de gens haut placés ou de ceux qui auront su mieux jouer la game comme les médecins ou les policiers.
Une fausse augmentation de salaire de 7%
Là aussi, le gouvernement se montre habile en indiquant qu’il veut conclure une entente prévoyant une hausse de 7% en cinq ans des coûts de la main d’œuvre. Cela ne signifie aucunement une augmentation de salaire.
Par exemple, si on diminue le nombre d’élèves par classe, il faudra embaucher plus d’enseignants et la masse salariale se verra amputer de sommes qui ne pourront servir à augmenter les salaires. De même avec les fonds de retraite, les coûts reliés à l’équité salariale et les avantages sociaux.
Ironiquement, toute mesure d’amélioration en éducation se fera à même le traitement des enseignants. Ceux-ci seront donc placés dans une situation difficile devant la population : «Ils préfèrent augmenter leur paie que d’aider les jeunes…»
Dans les faits, on risque d'assister à une vaste campagne d’anthropophagie syndicale. Qui bouffera dans l’assiette de l’autre et, surtout, qui bouffera l'autre finalement? Généralement, pour des raisons politiques (parce qu’ils visent à être réélus), nos dirigeants syndicaux s’assurent de contenter le groupe de profs le plus nombreux, soit les profs permanents du primaire. On se souviendra tous de l’équité salariale qui n’a rien rapporté aux profs plus scolarisés, habituellement ceux du secondaire, qui ont hérité d’une augmentation… du temps de présence à l’école.
Sentant déjà qu'on risque de les sacrifier, l'Association québécoise des retraités des secteurs public et parapublic a d'ailleurs réclamé l'arrêt des négociations actuelles pour que ses membres soient consultés durant celles-ci. Croyez-vous que nos représentants vont se battre le couteau entre les dents pour d'anciens travailleurs qui ne les élisent pas et qui ne paient plus de cotisations?
Dans une récente déclaration, le premier ministre Charest est venu préciser ou court-circuiter ce processus en affirmant que 5 des 7% seront consacrés aux salaires en tant que tel (soit 0,5%, 0,75%, 1,0% ,1,25% et 1,75%). Mais le tout sent un peu l'improvisation...
La durée de l'entente
Un autre élément important est que le gouvernement souhaite conclure une entente de cinq ans avec les différents syndicats.
Soyons honnête : les syndiqués ne pourront qu’être perdants avec une entente aussi longue. En effet, si les effets de la crise s’estompent, il est fort à parier que l’inflation augmentera et les hausses salariales possibles ne suffiront pas à contrebalancer le coût de la vie. Cela, même si le gouvernement retient la «possibilité» de revoir à la hausse après trois ans le traitement des enseignants «si la croissance économique nominale s’avère plus élevée que prévue dans le plan de retour à l’équilibre budgétaire.»
De façon plus objective, il serait malvenu pour le gouvernement de réduire ses dépenses alors que la reprise économique s'annonce. On fonctionne à l'envers à Québec! Si on coupe les fonctionnaires, on réduira leur pouvoir d'achat et d'autant leur impact positif sur l'économie. En période ce crise, le gouvernement doit soutenir l'économie en dépensant. S'il nous coupe, il doit obligatoirement investir ailleurs, ce qu'il ne semble pas non plus faire.
Madame Gagnon-Tremblay a enfin laissé entendre que les salaires pourraient être augmentés si des gains en productivité étaient réalisés. Comment puis-je être plus productif, je me le demande?
2 commentaires:
Débats entre profs?
J'en ai plein le cul de me faire traiter de «gras dur avec mes deux mois de vacances par année». Faire 50 000$ après avoir fait 6 ans d'études post-secondaires n'est pas nécessairement synonyme de réussite sociale à mes yeux. Surtout quand on dénigre notre profession partout et trop souvent.
Je suis dégoûtée par ces négos et encore plus fière d'avoir donné mon nom comme commando au syndicat. Qu'ils viennent dans nos écoles voir ce qu'on fait avec le «toujours moins» qu'on nous offre.
Ça fait 6 ans que j'enseigne et je ne suis toujours pas permanente. Je dois parfois me battre pour avoir une formation parce que je ne pourrai pas la réinvestir dans mon milieu l'an prochain.
Je suis dégoûtée, mais je vais me battre pour qu'on reconnaisse l'excellent travail qu'on fait tous les jours.
(excellent texte soit dit-en passant, une fois la montée de lait passée) ;-)
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