Je ne débattrai pas ici de la valeur des arguments invoqués par cette mère enseignante. Ça serait trop plaisant... Une chose cependant: la réalité des exposés oraux dans les écoles ne consiste pas nécessairement à devenir un piquet récitant un texte appris par coeur. Il est consternant de voir des gens généraliser ainsi une situation qui n'est pas toujours le reflet de la réalité. Je parlerai donc de ce que je vis avec mes élèves dans mes classes, des pratiques qui rejoignent souvent celles de mes collègues.
Enseigner et être un modèle
Tout d'abord, je prends le temps d'expliquer à mes élèves que je n'ai pas oublié mes exposés oraux du secondaire. De façon à leur montrer une empathie certaine, je raconte qu'à l'époque, j'allais pisser avant l'exposé, après l'exposé et que mon défi était surtout de ne pas pisser pendant l'exposé... Je leur explique qu'il existe également des techniques et des façons de faire pour diminuer l'anxiété.
La première est d'éviter le déni ou la procrastination. Il est évident qu'un élève vivra du stress s'il ne s'est pas bien préparé. N'importe qui en vivrait d'ailleurs. Pour ma part, la préparation consiste notamment en la création d'un support visuel (PowerPoint ou KeyNote). Celui-ci est obligatoire. L'utilisation de fiches ou de cartons à l'avant est interdite. Il est frustrant pour les membres d'un auditoire d'écouter quelqu'un qui lit des fiches et qui ne les regarde pas. Je leur enseigne alors en quoi consiste une bonne diapositive (une diapo = un thème/une illustration/quelques mots clés/un contraste efficace entre les différents couleurs/un lettrage lisible). Je leur parle alors des tics, des mouvements des mains et des jambes, de l'intonation, du débit... Je mime généralement le tout et certains élèves partent à rire tellement ils se reconnaissent. Le tout se fait dans une atmosphère décontractée.
Puis, arrive le moment traumatisant: celui où je leur annonce qu'ils devront regarder l'auditoire, établir un véritable contact visuel avec eux. Certains paniquent alors vraiment. Je leur demande de penser aux profs qu'ils trouvent efficaces à l'avant. Que font-ils? Comment se placent-ils? Et ils remarquent inévitablement qu'un bon prof est entre autres celui qui les regarde. Communiquer présuppose établir un lien commun, ici par le regard.
Un autre élément important est que je leur indique que je ne veux pas d'un exposé appris par coeur. C'est malfaisant et peu naturel. Avec le support visuel dont ils se dotent, les élèves peuvent aisément nous «raconter» ce dont ils doivent parler. Ils se pratiquent à la maison en improvisant plutôt qu'en s'en tenant un «texte» suivi et seul le sujet amené demande peut-être une certaine mémorisation. Pour le reste, si l'élève connait son sujet, qu'il nous en jase! Je préfère un contact authentique et imparfait à un robot. D'ailleurs, le droit à l'erreur existe. Si un élève se trompe, il n'a qu'à se reprendre le plus rapidement possible et je n'ai rien entendu. Un exemple simple: «Il a botché...euh... négligé son travail»
Enfin, je fais un exposé devant eux exactement comme je le leur demande devant leurs confrères de classe. Par la suite, on analyse et critique ma «performance». Il ne faut pas avoir trop d'orgueil...
Finalement, on passe à l'étape de la préparation. L'enseignant que je suis se montre disponible, à l'écoute. Je les accompagne dans les diverses étapes da la réalisation de leur support visuel. Je souligne leurs bons coups et les éléments à corriger sans en faire un drame. Il faut les mettre en confiance.
Des accommodements raisonnables
Rendu au secondaire, on souhaiterait que l'élève ait gagné suffisamment en confiance pour faire un exposé oral seul devant la classe. Ce n'est malheureusement pas toujours le cas pour diverses raisons. Il existe différentes façons alors d'aider un jeune. L'enseignant doit se servir de son jugement et éviter de se faire abuser. Parfois, certains élèves tentent de se soustraire à cette évaluation sans motif valable. S'ils ont une attestation médicale, un suivi psychologique, il faut s'y conformer. Sinon, il est possible d'explorer différents accommodements. Parmi ceux-ci:
- on peut laisser l'élève choisir le moment où il passera devant la classe (au début, à la fin de la période..);
- on peut offrir à l'élève de se pratiquer devant l'enseignant;
- on peut offrir à l'élève de passer devant un plus petit groupe choisi à l'heure du diner..
Bien sûr, il existe d'autres façons d'évaluer la compétence en communication orale que par un exposé individuel: exposé en équipe ou en duo, courts exposés, cercles de lecture, tables de discussion, etc. Dans les deux derniers cas, je dois avouer que je ne me sens pas à l'aise de procéder de la sorte.
Des éléments importants
En première secondaire, une clé importante quant à moi est de proposer aux élèves des sujets qu'ils connaissent ou qui les rejoignent: une passion, un grand moment de sa vie, etc. Généralement, en début d'année, je débute par un court exposé individuel ou en équipe (une minute) sur un sujet simple pour identifier mes «nerveux». C'est avec eux que je travaillerai davantage.
Une autre clé est le comportement de l'enseignant. Lors des exposés, avec mes élèves «nerveux», j'adopte une écoute très attentive et bienveillante. Je veille à contrôler mon attitude non-verbale afin qu'elle encourage le jeune. Après l'exposé, je souligne toujours les forces de l'élève. Oui, on peut indiquer certains bouts qui retroussent, mais un jeune est rarement mauvais s'il a été bien accompagné par son enseignant.
Finalement, un dernier élément important pour moi est de m'assurer que l'exposé se fera dans une atmosphère conviviale. Comme je leur dis: «Vous êtes tous dans le même bateau. Votre rôle, comme public, est de soutenir l'autre par votre attitude, votre regard.» Il n'y a rien de pire pour un jeune de penser que son exposé pourrait susciter des rires ou des quolibets. Il est important que l'atmosphère du groupe ne soit pas un facteur anxiogène.
En passant, comparativement à la situation décrite par cette mère et qui se déroule dans une école privée, la mienne se déroule dans une école publique. Oui, oui: celle qui n'est pas novatrice et qui se fait tirer par la haut... :) Dans les faits, chaque enseignant est capable de favoriser des pratiques gagnantes pour ses élèves. Ce sont les miennes. J'y crois. Peut-être ai-je tort d'agir ainsi, mais l'important est que je crois permettre aux jeunes de s'améliorer, d'avoir plus confiance en eux et de développer des bases pour les prochaines années. Ça me semble essentiel.
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