Dans une entrevue avec le journaliste Sébastien Bovet à RDI, qui lui demandait s'il était plutôt du mode apprentissage de connaissances ou de compétences, le ministre de l'Éducation, Sébastien Proulx, a répondu qu'il prônait un équilibre entre les deux, tout en indiquant que «50% des emplois que nos enfants occuperont ne sont pas connus.»
Or, cette affirmation, reprise par de nombreux intervenants, est un mythe pédagogique, comme l'a déjà démontré Normand Baillargeon, reconnu pour son expertise à démonter les fausses vérités en éducation. Cette affirmation est également, on le verra, sans fondement scientifique et ne résiste d'ailleurs pas à une simple analyse logique.
Digne d'une légende urbaine
On attribuerait à l'ancien secrétaire américain à l'éducation, Richard Riley, l'idée que les 10 emplois les plus demandés en 2010 n'existaient même pas en 2004. Or, en cherchant un peu, ce que l'on présente comme un fait serait en réalité une prédiction qu'aurait effectuée ce politicien dans son livre intitulé The Jobs Revolution: Changing how America Works, publié en... 2004. Ce dernier, par ce propos qui ne s'appuyait alors sur aucune base scientifique, aurait voulu montrer l'aspect changeant du monde du travail. Mais voilà: cette prédiction a été largement reprise et est aujourd'hui utilisée ici et là comme étant un fait établi.
Par la suite, cette légende a connu une transformation importante afin de la rendre plus crédible par l'utilisation d'un élément statistique. Ainsi, on se met maintenant à affirmer que 50, 60, 65 et même 70% des emplois qu'occuperont les enfants qui entrent actuellement à l'école n'existent pas encore. C'est le cas tant du World Forum Economic que d'universitaires comme Cathy Davidson aux États-Unis ou Richard David Precht en Allemagne. Parmi ceux qui véhiculent ce genre de mythe ici au Québec, on retrouve les signataires du Manifeste pour une pédagogie active, contemporaine et renouvelée, mais aussi le président-directeur général du collège Sainte-Anne, Ugo Cavenaghi.
Un idée illogique
Il existe une inévitable part de vérité lorsqu'on avance qu'il existera demain des emplois qu'on ne connait pas encore aujourd'hui. Cela a toujours été le cas. Après tout, il est facile de concevoir que l'avenir est changeant tout comme le monde du travail. Qu'on pense, par exemple, aux allumeurs de réverbères désormais disparus.
Mais voilà: comment chiffrer avec autant de certitude ce qui n'est pas encore connu? Quels seront les nouveaux emplois dans une dizaine d'années? Certes, on peut en avoir une vague idée puisque le monde du travail sera assez stable sur une période aussi courte d'environ dix ans, mais de là à avancer un chiffre aussi précis et aussi important? On nage dans la prédiction, comme le faisait justement M. Riley.
Le ministre actuel de l'Éducation, Sébastien Proulx, a bien raison quand il parle d'un nécessaire équilibre entre connaissances et compétences à propos des apprentissages des élèves. Par contre, il gagnerait à se méfier de ce qu'on lui rapporte comme des faits établis. Le monde scolaire au Québec est parfois un véritable champ de mines et, comme dans toute guerre, c'est la vérité qui en est souvent la première victime.
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