10 septembre 2007

Ti-test: la suite de la fin

Le Journal de Monréal finit, espérons-le, sa série sur les devoirs et les parents avec deux articles (ici et ici), articles dont certaines phrases me font hurler d'incompréhension. Allons-y tout de go!
  • «Les parents sont tellement perdus dans le nouveau vocabulaire de la réforme que le ministère de l'Éducation devrait carrément leur fournir un lexique pour s'y retrouver, jugent des experts.»
  • «Ne comprenant rien au nouveau vocabulaire utilisé depuis la réforme, plusieurs parents ont eu du mal à répondre aux questions en français.»
  • «Il faut se poser des questions sur les changements qui ont été faits en français avec la réforme. Des fois j'ai l'impression qu'on applique la règle de pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué», affirme Nathalie Morel, présidente de l'Alliance des professeurs de Montréal.
Ce sont de belles phrases, mais il y a un problème: la réforme n'a rien à voir avec cette terminologie utilisée en français. En effet, la refonte du programme de français date de 1995 et n'est pas reliée à la réforme actuelle. Oups...

«Le concept des «expansions de noyau» en français a aussi sérieusement donné du fil à retordre aux répondants.»

C'est évident, car il aurait fallu préciser des noyaux de quels groupes de mots on parlait! Groupe nominal, groupe prépositionnel, groupe sujet, groupe verbal... Mes collègues, ce matin, ont toutes vu le manque de clarté de cette question et elles ont dû déduire la tâche demandée.

Gérald Boutin, professeur au Département d'éducation et formation spécialisées de l'UQAM, et Johanne Fortier, présidente de la Fédération des syndicats de l'enseignement, estiment qu'il faudrait créer un «document pourrait faire la traduction entre ce qu'ils ont appris et ce que c'est devenu.» Ben oui! Il ne faut absolument rien connaître ou comprendre à la réforme de la grammaire de 1995 pour suggérer une telle idée. C'est non seulement la terminologie mais toute la logique de l'analyse de la langue qui a été changée. Méchante brique en perspective!

Quant à Lise Ouellet, présidente de la Fédération des comités de parents, elle ne montre pas une grande capacité d'autonomie: «Ça serait à regarder si c'est un outil qui pourrait être utile pour les parents. Il faudrait que le ministère de l'Éducation fasse une étude pour savoir si les parents en auraient besoin.» Son organisme ne peut-il pas le faire lui-même? Il doit laisser le MELS le décider?

«Votre enquête donne un son de cloche important. C'est un véritable problème pour les parents d'aider leurs enfants à faire leurs devoirs. Il ne faut pas s'en cacher», affirme Gérald Boutin. Une «enquête». Ben voyons donc! Cet universitaire n'a pas vu les failles méthodologiques qu'elle renferme ou quoi? De plus, depuis quand les parents doivent aider les enfants à faire leurs devoirs? Les résultats de ce sondage peuvent s'expliquer bien autrement: le test était mal foutu, les lecteurs du JdeM sont moins bons ou ont moins de mémoire que ceux Devoir (hypothèse), que sais-je encore!

Il est grand temps que cette série de textes finisse. Elle ne fait que culpabiliser les parents, les dévaloriser quant à leur véritable rôle. De plus, elle apporte injustement de l'eau au moulin de ceux qui chiâlent contre l'école et contre la réforme.

Faisons des débats, mais sur de vraies bases, s'il vous plaît!

5 commentaires:

Mario Asselin a dit…

Je ne voudrais avoir l'air de «défendre» M. Boutin, mais le journaliste a très bien pu lui présenter son sondage comme si c'était une vraie enquête et lui demander de commenter sur cette base sans qu'il ait pu vérifier de quoi il en retournait exactement. Vous allez me dire qu'il aurait pu poser plus de questions avant d'accepter de faire de commentaires, mais bon...

Je vous dis ça parce que j'ai accepté de commenter dans une série d'articles la semaine dernière pour le même journal (Le Défi Sans Techno) et je peux vous dire qu'il faut quasiment être chanceux pour qu'une citation tombe dans le contexte où on l'a dite. Je ne me plains pas de mauvais traitement... Le journaliste Codère a été correct, mais peut-être qu'il faudrait vérifier avec M. Boutin...

Pour le reste M. le masqué, je vous félicite pour votre série d'articles; vous avez le sens du devoir...

Les nuances que vous apportez valent cent fois le détour.

Bonne année scolaire à vous!

Le professeur masqué a dit…

M. Asselin: merci de votre présence sur ce site. Vous avez effectivement bien fait de souligner le traitement médiatique dont aurait pu être sujet M. Boutin. Mais en même temps, ce dernier est un habitué du Journal de Montréal. Il connaît «la game», comme on dit. Si on peut lui pardonner l'utilisation du mot «enquête», de relier les difficultés des parents à faire les devoirs des élèves à faire les devoirs de leur enfant (car c'est de cela dont traitent les article du Journal: faire les devoirs, pas les accompagner ou les superviser), il n'en demeure pas moins que de relier le tout au vocabulaire de la réforme est erronné, quant à moi.

Cela étant dit,comme vous le souleviez dans un de vos billets, il faut être extrêmement conscient des limites des différents médias par lesquels on peut être interviewé. Je reviendrai sûrement sur ce point dans un futur billet, ayant un bac en communication dans mes bagages.

Mario Asselin a dit…

«Il n'en demeure pas moins que de relier le tout au vocabulaire de la réforme est erroné, quant à moi.»

C'est une des conclusions à retenir de votre argumentaire. J'ajouterais aussi, cette idée de vouloir faire passer les parents pour plus décalés qu'ils sont. Aucun prof ne désire que les parents se mettent à enseigner à leurs enfants le soir. Aucun non plus ne veut voir les apprentissages des parents à travers les devoirs de leurs enfants. Entre l'obligation de donner des devoirs «pour des devoirs» et l'idée d'offrir des occasions d'approfondir ou de revenir sur ce qui a été appris dans la journée (dans le sens de pas tout à fait appris), il doit bien y avoir une façon plus réaliste de traiter de cette question...

Encore merci pour vos analyses!

Sacha a dit…

Je ne ferais pas de politique mais je vais juste vous dire mon expérience en tant que parent de deux enfants au secondaire (sec.1 et sec.4).

Je ne fais pas les devoirs des enfants, pas que je ne serais pas capable mais ce sont LEURS devoirs. J'ai déjà remarqué, même au primaire, que les terminologies ont changées en français (en math aussi d'ailleurs). Lorsque je ne comprends pas un terme, puisque même si je ne fais pas leurs devoirs j'y jette un oeil et je m'assure de leur compréhension, je leur demande de m'expliquer et je fais le parallèle avec ce que je connais. C'est en même temps une bonne façon de valider leur compréhension. Si je ne comprends pas et eux non plus je leur conseille d'en parler à leur professeur... C'est bien ce qu'il faut faire non?

J'ai découvert votre blog référé sur un site de brodeuse française! Le monde est petit. Je suis enchantée de la découverte et je viens lire vos textes tous les jours. Continuez longtemps!

Sylvie

Le professeur masqué a dit…

Sylvie: merci tout d'abord pour votre mot d'encouragement.

Effectivement, votre rôle de parent est de superviser la chose. Vous pouvez aider à l'occasion, si ça vous amuse ou si ça vous permet de passer un moment avec les enfants, mais attention de ne pas embrouiller ceux-ci! L'idée de leur demander de reformuler est excellente. C'est de cette façon que je travaille parfois avec certains élèves.

Cela étant dit, n'hésitez pas faire part de vos commentaires de parent sur ce site ou même à poser des questions. Il n'y aura jamais assez d'échanges entre les parents et les enseignants.