23 janvier 2008

Les exposés-z-oraux

Enseignants de français du monde entier, les exposés oraux sont les moments les plus jouissifs ou les plus ennuyants de notre boulot.

Garder l'oeil ouvert, lutter contre le sommeil alors que ce qui se passe devant nous incite au sommeil profond. Ne pas sourire quand l'élève voit le décor qu'il a malhabilement bricolé s'écrouler sur lui. Ne pas se réjouir quand il bute à un endroit précis, endroit dont on lui avait dit de se méfier ou d'éviter. Autant de moments qui font de nous de véritables professionnels.

Mais aussi s'émerveiller du génie de ces jeunes qui créent de toutes pièces des petits moments de magie. Apprécier leur intelligence quand ils nous démontrent qu'ils ont bien compris la tâche à réaliser et qu'ils la rendent de façon exceptionnelle, vivante, enjouée. Noter leur maîtrise de la langue, maîtrise dont ils ne font malheureusement pas toujours montre une fois le cours terminé. Autant de moments qui motivent encore à faire ce métier.

Un peu comme Safwan, je termine cette semaine la période d'évaluation des exposés oraux. Tout s'est bien déroulé dans l'ensemble. Aucun évanouissement, aucune crise d'hyperventilation, aucune échappée urinaire, aucune absence non motivée ou douteuse. La totale, quoi!

Ne riez pas: ce genre d'événement arrive. Il m'a déjà fallu réanimer un élève qui était tombé dans les pommes. Il m'a déjà fallu aussi trouver un petit sac brun pour un élève en crise. Pour l'incontinence passagère, je n'ai pas encore connu... et ne le souhaite pas non plus.

Cette année, un de mes groupes a eu à analyser le texte d'un poème ou d'une chanson. Lire un texte (poétique) et le comprendre. Mummmm... Faire des liens entre les mots, les temps de verbe, la ponctuation, le narrateur, les champs lexicaux, les figures de style. Un travail sérieux, rigoureux, exigeant.

Un autre a eu à analyser les personnages du roman Des souris et des hommes, de John Steinbeck. Description physique, psychologique, liens entre les personnages, valeurs, symboles, vocabulaire utilisé. Rien d'évident non plus. Quelques-uns ont lu le roman trois fois afin de recueillir toutes les informations nécessaires à leur exposé!

Certains s'en sont d'ailleurs plaint : «C'est trop difficile! On peut pas faire ça sur mon animal favori ou sur un film?» J'ai écouté leurs doléances et les ai renvoyés à leur travail. D'accord, j'ai un peu triché en leur offrant de la maxi-récupération le matin, le midi et le soir. Il s'agit d'un travail de fou, aussi bien les accompagner avec ce que je suis déjà comme perturbé mental.

Et certains m'ont livré des exposés géniaux dont ils ont raison d'être fiers. Ainsi, on a assisté à l'enterrement de Saint-Denys-Garneau, à Passe-Partout expliquant un poème de Rimbaud et à un de mes cours de français ou les élèves ont pastiché devant la classe votre humble scripteur. Inutile de dire qu'ils s'en sont donné à coeur joie avec tous mes tics et mes manies! Bref, des petits moments de bonheur!

Ce qui est regrettable cependant, c'est qu'on enseigne véritablement peu l'oral en français de cinquième secondaire. La qualité de la langue écrite est si mauvaise qu'on met beaucoup d'énergie sur la grammaire et l'écriture. Si on ne le faisait pas, les élèves nous en voudraient en fin d'année, une fois leur examen du MELS échoué...

On fait donc des exposés, mais combien de temps prend-on pour expliquer aux élèves leurs qualités et leurs défauts quand ils s'expriment ainsi devant un groupe? Combien de temps leur parle-t-on de prosodie, de maintien, de regard? Combien de temps consacre-t-on à l'utilisation efficace des moyens de communication audiovisuels, à ne pas décrocher d'un personnage, par exemple? Peu.

Cette année, comme j'ai un groupe que je conserverai pour deux ans, je prends plus de temps avec eux. Je commente, on échange. Je vais possiblement les filmer pour qu'ils puissent s'observer pour la prochaine année.

Mais chose certaine, l'expérience des oraux, qui est parfois pénible, s'est avérée agréable. Certaines équipes ont su conjuguer intelligence et audauce. Le prof est content. Les élèves le savent.

6 commentaires:

bibconfidences a dit…

Profitez de ces moments de bonheur!

A.B. a dit…

Yé!
J'ai eu à «subir» trois cours d'oraux jusqu'à aujourd'hui. Deux sur les auteurs contemporains 9le deuxième était mauvais) et un où mes jeunes de 4e secondaire présentaient leur micropièce de théâtre.
Mon collègue et moi avons été assez fous pour leur faire écrire et jouer une petite pièce de 4-5 minutes. J'ai été agréablement surprise jusqu'à présent! Les décors, la mise en scène, les costumes étaient au rendez-vous, la préparation aussi. En m'embarquant dans ce projet (qui est une tentative d'application du Renouveau avant le Renouveau...lol), je ne savais pas ce que serait le résultat final. Jusqu'à présent, rien à redire! Il reste encore 5 cours de présentations. J'aime croire que le meilleur est à venir. ;o)
P.S.: Tu as l'air de prendre du mieux, fiou!

Anonyme a dit…

Bonjour prof masqué,la lecture de ton texte sur les exposés-z-oraux me rappelle ma douleur à vivre ces moments. Jusqu'à la fin de mon premier Bacc j'ai réussi à éviter tous les exposés oraux. Chaque fois je travaillais si dur et avec autant de plaisir à produire un travail de bonne qualité. Pourtant à la toute dernière minute je prenais la poudre d'escampette et sortais par la porte de derrière.Heureusement ou malheureusement cela n'a jamais mis en péril ma réussite scolaire. Les choses ont changé lorsque ma fille a fait son entrée à la maternelle et que je devais l'encourager à préparer ses exposés oraux. Au même moment je retournais à l'université et j'ai cessé de fuir. Nous avons toutes les deux appris à se produire devant public. Aujourd'hui mon travail me demande d'animer des rencontres de groupes, de donner des conférences. Ma fille elle est musicienne. Et nous le faisons non sans trac mais avec un plaisir certain.

Anonyme a dit…

Cool! Il faut prendre le plaisir quand il passe, le savourer jusqu'à la dernière goutte.

Pas Zoro, mais un autre Zed, e lettres de feu :)

Anonyme a dit…

Surprenant et combien rafraichissant!

J'admire votre courage, car bien que je me plaigne souvent du manque d'effort des jeunes d'aujourd'hui, je n'aurais jamais la patience nécessaire pour leur inculquer quoi que ce soit.

Chapeau donc, et continuez votre travail : vous semblez le faire à merveille.

Le professeur masqué a dit…

Bibco: j'en profite, même si j'ai dû recaler une équipe géniale, mais qui a de la difficulté à suivre les consignes.

Safwan: on partages-tu ton matériel pour tes oraux en théâtre et en courant littéraire? (c'est une question tordue; on ne partage rien puisque je ne t'offre rien en retour...)

Cela étant dit, je ne prends pas de mieux. J'encaisse la bêtise humaine assez durement. On s'en reparlera.

Anioshka: mes élèves me trouvent déréglé quand je leur parle du plaisir de parler devant un groupe. Et pourtant...

Zed: : )

Détracteur: on aime ce que l'on fait dans nos classes. Ce sont ceux qui nous administrent qui rendent notre travail épuisant et insatisfaisant...