02 juin 2008

La réforme et l'évaluation

Deux événements récents viennent donner de l'eau au moulin à ceux qui critiquent le programme de formation actuel (On ne devrait plus parler de Renouveau ou de réforme, la ministre l'a dit...). Dans les deux cas, ils remettent en question des situations d'évaluation conçues par des enseignants et approuvées par le MELS.
Dans le premier cas, il s'agit d'une évaluation en mathématiques de sixième année du primaire qui demandait des heures de travail et que les jeunes n'auraient pas pu réussir sans l'aide de leur enseignant.
Dans le second, il s'agit d'une épreuve en mathématiques de troisième année du secondaire qui a été rejeté par les enseignants de la Commision scolaire des Affluents, en banlieue nord de Montréal parce qu'il était trop complexe et mal adapté à leur enseignement. «Le Ministère fournit beaucoup, beaucoup de données, mais aucune n'est complète. L'élève doit se référer à la 12e donnée pour compléter la première. Les jeunes ne sont pas habitués à travailler de cette façon et on avait peur que cela cause préjudice», explique André Lachapelle, directeur du service des ressources éducatives de la CSA. Pour Frédéric Pilon, président du Syndicat de la région des Moulins, «Les prototypes d'épreuves permettent au Ministère d'apporter des corrections à la réforme. Mais les profs et les élèves ont un peu l'impression de servir de cobayes là-dedans.»
De tels désaveux montrent bien que la machine ministérielle connait des ratés. On pourra toujours objecter que ce sont des cas isolés. En fait, je connais d'autres profs qui, dans leur matière, considèrent que l'épreuve à laquelle ils doivent soumettre leurs élèves est mal foutue, mais ils n'ont ni le courage et surtout ni l'énergie de se battre. Alors, en cachette, ils «adaptent» soit le contenu de celle-ci soit la correction qui est suggérée d'en faire.
Chez les partisans de la réforme, on entend souvent l'argument à l'effet que les programmes et les évaluation ne sont pas déconnectés de la réalité parce qu'ils ont été conçus par des profs. On vient de constater ici que ce n'est pas parce qu'une évaluation est conçue par des enseignants qu'elle est valable. Il faudrait peut-être d'ailleurs s'interroger sur les critères de sélection de ces profs. Qui plus est, dans ls deux cas mentionnés, il faut remarquer que ces évaluations ont passé toutes les étapes de validation requises par le MELS. On aura beau dire qu'il s'agissait d'épreuves prototypes, il est quand même troublant de penser qu'il s'agissait d'évaluations qu'on suggérait de faire passer à une cohorte complète d'élèves. Quand certains critiques affirment qu'on prend ces dernier pour des cobayes, comment leur donner tort? On peut se questionner fortement sur des expérimentations de la sorte.
Un autre argument qu'on entend chez les partisans de la réforme est que celle-ci permet la transmission efficace de nombreuses connaissances et les mesure de façon rigoureuse. Encore une fois, on peut éprouver certains doutes. Manifestement, il existe un écart considérable entre ce que les enseignants retenus par le MELS qui ont conçu ces évaluations croient que les élèves devraient connaître selon le programme actuel et ce qui se fait sur le terrain. «Des exigences en béton, mais des connaisances bidons», pour citer un confrère.

9 commentaires:

Mía a dit…

Salut Prof Masqué,
Vous allez être aux anges, pour une fois! Je publie ces temps ci une lettre *légèrement baveuse* au ministère de l'éducation qui vise à critiquer l'épreuve d'Histoire soumise aux cobayes de la réforme. Mais attention! Je critique UNE épreuve, mais je reste une pro-réforme convaincue!
Mía

A.B. a dit…

Je connais le confrère qui a pondu la dernière phrase? J'adore!

En français, deuxième année du premier cycle, les évaluations de fin de cycle provenant de ma c.s. sont vraiment terriblement mal bâties. Elles n'ont même pas été validées par des élèves! Comment s'étonner alors qu'un paquet de problèmes surgissent et que, comme tu le soulignes, les enseignants adaptent. Il ne leur aura même pas été possible de refuser l'évaluation en bloc comme l'ont fait les enseignants dont tu parles, car elle est arrivée dans les école beaucoup trop tard, tellement à la dernière minute qu'il s'en aura fallu de peu pour que certains groupes d'élèves n'aient pas eu le temps de la compléter en entier. Vraiment, on nous prend - les élèves et les enseignants - pour des CobAy(v)ES.

bobbiwatson a dit…

Le MELS a basé la réforme sur les écoles alternatives: cela en est presque une copie. C'est probablement pour cela que celles-ci sont dispensées du bulletin chiffré. 20 sur 28 écoles alternatives ont reçu une dérogation de leur commission scolaire. (Le Devoir, 31 mai et 1 juin 2008, p. A5).

bibconfidences a dit…

J'ai été témoin de l'exaspération des profs de 6... pas beau à voir...
J'ai raté la sortie du poème, permettez-moi de vous dire zici-même qu'il m'a fait soupirer. Et le billet d'en d'sous, celui où vous dites que vous n'avez pas l'âme d'un coureur, toujours... Si vous saviez comme je vous comprends....

Mam'Enseignante a dit…

bobbiwatson: Les écoles alternatives ont pu conserver le bulletin descriptif, mais c'était loin d'être dans la poche...

Nous avons du adopter des résolutions en CÉ, faire des pétitions, demander des rencontres pour défendre notre Communication auprès de la Commission scolaire...


En fait, ce qui a surtout aidé, c'est que la ministre Courchesne est députée de Laval et les écoles alternatives qui ont parties le bal pour la dérogation des bulletins sont à Laval... Elle n'avait pas envie d'avoir des écoles de sa circonscription qui soient dissidentes à sa position publiquement...

C'était une belle carte dans notre jeu :)

Le professeur masqué a dit…

Mia: je t'adore. Tu as toujours ce mot intelligent et baveux à la fois. Garde ce sens critique!

Safwan: oui, prof de cégep. Pour le reste, chez vous, c'est comme chez nous.

Bobbi: effectivement. Mais il y a autre chose comme le souligne un intervenant ici.

Bibco: merci du bon mot. Parfois, les gens ne sont pas les mêmes, les situations sont différentes et, pourtant, tout se ressemble.

Stagiaire: hey! Bonjour à vous! Merci de ce point de vue. La ministre serait donc influencée par des considérations politiques.... Incroyable! : )

Jonathan Livingston a dit…

Merci pour ces croutillantes évidences que le principe de Peter règne en éducation!

Comme vous l'avez noté en me visitant, j'ai écrit un billet aussi sur la question via la lorgnette de l'école privée que je fréquente où plus du tiers des élèves de secondaire 3 se tappent pendant trois samedis à raison de 6heures par jour un cours de mise à niveau en mathématiques pour peut-être espérer réussir à atteindre les objectifs délirants du programme du Mels.

Ça cafouille dur en ce moment au Ministère et dans les CS.

Mam'Enseignante a dit…

Plus que ça! Au dernier congrès de l'AQETA (avril 2008), je discutais avec une fonctionnaire dédiée aux élèves en difficulté et elle est tombée en bas de sa chaise en apprennant l'existence des bulletins descriptifs. Elle travaille en étroite collaboration avec la Ministre et ne savait pas du tout qu'une porte avait été ouverte...

Prochainement, ce sera 25 écoles sur 28 écoles alternatives qui auront l'approbation de la Ministre pour le bulletin descriptif.

Le professeur masqué a dit…

Stagiaire: la main droite ignore beaucoup ce que fait la main gauche en éducation. Hey! Merci de partager tout cela avec nous!