30 juin 2009

Payer les élèves? (ajout)

Une station de radio m'a appelé hier. Je devinais que c'était pour commenter l'actualité. J'ai manqué l'appel. Et mon esprit curieux a cherché quel dossier m'a valu celui-ci. Ce ne fut pas long à trouver: faut-il que le gouvernement paie les élèves qui sont assidus à l'école et qui ont de bons résultats scolaires?

Comme c'est le gouvernement qui paierait, êtes-vous surpris de savoir que près de la moitié des répondants à ce sondage était d'accord avec cette idée?

Je ne sais pas, mais je trouve qu'il y a quelque chose d'indécent à proposer que le gouvernement paie les jeunes pour qu'ils aillent à l'école.

N'est-ce pas le devoir des parents de s'assurer de cela? C'est sûr que, quand on propose que quelqu'un d'autre fasse le travail à notre place, on dit rarement non, remarquez... Sauf que la façon de faire le boulot est très pernicieuse.

La notion d'incitatif financier m'embête: «Tu vas à l'école, tu vas recevoir de l'argent.» Que la gratification soit de nature financière montre bien que le savoir doit être rentable. On va à l'école parce que ça rapporte, pas pour étancher sa soif d'apprendre.

Autrefois, on nous disait qu'étudier serait payant, mais il semble qu'en cette époque de société de l'instantanéité, le fric doive aussi arriver plus vite que par un futur emploi...

Et cette culture de la motivation à l'argent, n'est-elle pas le signe de notre société de consommation ou n'importe quel jeune de six ans demande son argent de poche comme mesure économique de base? Combien de parents mènent leur enfant à l'argent? Combien de parents en sont venus à prononcer cette phrase qu'il croit magique: «Si tu coupes le gazon, je te paie!»

Toi, pauvre parent à la con qui travaille 40 heures par semaine pour payer la maison et la bouffe; toi qui torche, lave, héberge, soigne, habille ton enfant; toi qui ne compte pas les heures reliées à ta job d'élevage familial, demandes-tu un salaire à ton enfant? Quand il sera plus grand et aura un emploi, lui enverras-tu une facture pour services rendus? Dans le fond d'un mouroir à petits vieux, négligé et abandonné, que feras-tu pour le manipuler si tu n'as pas de bel héritage à lui faire miroiter?

Et vous imaginez les jeunes à l'école revendiquant de meilleures notes pour ne pas être privés du pactole gouvernemental?

Oui pour l'éducation, non à la culture de l'argent.

AJOUT

Tiens, une petite montée émotive.

Parfois, je me sens vraiment couillonné par notre modèle québécois. Je suis un banlieusard qui a fait le choix de résider à côté de son boulot et qui paie pourtant des taxes pour un transport en commun inexistant dans mon coin.

Je suis un père qui paie une pension pour sa fille et qui ne peut jamais rien déduire même si elle a passé au fond deux années chez moi en raboutant les fins de semaine.

Je suis officiellement un célibataire qui paie le top de l'impôt et je ne peux pas travailler au noir comme mon voisin qui a une quatrième secondaire parce que je suis un employé de l'État.

Je ne connais ni chômage ni bien-être social et on est aussi bien d'oublier toute mesure sociale parce que je suis trop riche.

Et là, tout à coup, on parle de subventionner des jeunes pour qu'ils adoptent un comportement social qui me semble aller de soi. Ça me turlupine.

Pourquoi pas une prime pour ceux qui portent leur ceinture de sauvatage en bateau? pour ceux qui vérifient leur parachute trois fois avant de sauter? pour ceux qui portent leur casque en vélo?

On crie qu'il faut poursuivre les cigarettiers alors qu'on sait tous depuis longtemps que la cigarette, un produit légal et taxé, est néfaste pour la santé. On s'insurge contre la malbouffe, mais on en achète! On est pour responsabiliser les autres et leur réclamer de l'aide au lieu d'analyser son propre comportement.

Je comprends que cette mesure s'inscrit dans un contexte social et vise une certaine forme d'égalité des chances mais, parfois, j'en ai un peu soupé. Tout petit, j'allais à l'école. Point. Il n'y avait pas mille discussions là-dessus. Là, on dirait qu'on capote un peu. Va-t-il falloir aussi aller chercher les jeunes en limo? L'école doit être cool, branchée, à l'écoute des élèves.

Quand j'étais jeune, je ne capotais pas sur l'école. J'avais le plaisir d'y avoir de bons amis et de bons profs. Je ne demandais pas à l'école d'être hip hop rock'n roll boogie. Aujourd'hui, tout doit être sur mesure, parfait, merveilleux, sans effort, dans la joie et l'allégresse. Come on!

Ce qui m'embête de notre socio-démocratie, c'est qu'elle tend à infantiliser certains groupes et en négliger d'autres. Il faut encourager, accompagner, mais aussi demander des gens. On est loin des discours de J.F. Kennedy.

8 commentaires:

unautreprof a dit…

Je pense qu'il faut voir la nuance ici. Au Québec, on songe à appliquer cette mesure dans certains milieux (comme c'est le cas dans certaines écoles à Verdun) et l'élève doit avoir son diplôme pour toucher une sorte de bourse. Non?

Je trouve ça aussi dommage comme moyen mais je me questionne tout de même.

Il me semble que cet argent pourrait être utilisé pour des services aux élèves?
Je ne sais pas trop.

Cette nouvelle me laisse perplexe.

Méli a dit…

Je trouve ça dingue... J'ai de la misère avec ça... beaucoup !

Anonyme a dit…

Je voulais justement t'écrire ici-même un commentaire afin d'avoir ton opinion. C'est ce que je croyais.

J'abonde dans le sens de Unautreprof, après avoir écouté la radio aussi..

Mais d'abord, je suis tellement surprise qu'en période de crise, l'argent pleuve ainsi de partout!!! Aujourd'hui c'était à coups de millions (en tout, bien sûr), qu'on voulait payer les infirmiers et infoimières afin de les fiéliser : les jeunes les personnes qui devraient prendre leur retraite.

J'ai tout de suite pensé à mes copains profs, en bas de la liste de la reconnaissance et des priorités et qui y laissent leur santé bien souvent, et à celles et ceux qui, comme moi, sont d'éternels occasionnels avec des mois et des mois de chômage, jamais de sécurité d'emploi, bien au contraire.

Bon... La situation ne va pas changer demain matin, concernant les parents et ils ne sont pas tous de mauvais parents. Simplement, c'est la course infernale dans notre société, sans beaucoup d'espoir, souvent aucun, pour les classes défavorisées, de voir leur situation s'améliorer, même s'ils se tuent au travail, pour de maigres salaires. Cercle vicieux, alors, puisque l'argent manquera aussi à leurs enfants pour poursuivre leurs études. Dans ces cas, n'est-il pas trop tentant pour le/la jeune de tout lâcher pour aller gagner du pognon chez Mac Do... une fortune, quand on a 15-16 ans. Ne réalisant pas, bien sûr, que leur salaire baissera toute leur vie par rapport au cout de la vie.

En échange d'un projet scolaire ou parascolaire, je dirais oui, il me semble. Travailler à un petit projet (pas si gros qu'ils ne puissent fournir les efforts nécessaires à l'école car on tournerait en rond) parce que l'argent dne tombe pas du ciel) pour metter en banque une presque bourse afin de poursuivre). S'il fallait travailler un peu, ce serait plate de gaspiller des heures de travail pour une somme qu'on ne toucherait jamais ensuite.

Le petit projet valoriserait un domaine dans lequel excelle l'étudiant/e particulier/ère.

Tu en penses quoi?

Zed

bobbiwatson a dit…

"Et vous imaginez les jeunes à l'école revendiquant de meilleures notes pour ne pas être privés du pactole gouvernemental?"

Ils auront aussi le droit de grève pour demander une augmentation de salaire et des conditions améliorées?????

Stupidité!

Le professeur masqué a dit…

un autre prof: il s'agit d'un sondage. Pas d'une intention ministérielle.

Zed: je vais faire un ajout à mon billet.

Bobbi: tant qu'à y être...

Jonathan Livingston a dit…

Je suis d'accord avec vous et j'aime beaucoup l'ajout où je me retrouve comme homme de la majorité sans vraiment de bonnes raisons pour jouer les opprimés et revendiquer des compensations ou des motivations. Enfin, pour un homme digne, c'est une voie peu enviable... La fierté n'est plus en vogue de nos jours.

Les enfants payés à l'école, c'est une autre couche d'invraisemblance au-dessus de la dignité masculine qui est déchu sans aucun pouvoir de nos jours: quel homme peut dire à son fils rebelle bien informé «va à l'école» de nos jours sans risquer des problèmes, quel homme ne devra pas payer pour des imbécilités comme d'endurer des Tanguy ou de payer à distance pour un paquet de monde sans avoir rien à redire? Paye et farme ta gueule!

La société socio-démocrate mixte et multiethnique a dissous le contre-pouvoir des solidarités masculines des hommes ordinaires. Nous tendons désormais vers les minimums, notamment au niveau des salaires... La famille a succombé à la femme indépendante. La classe dominante jubile.

On comprend la percé nécessaire du Viagra dans ce contexte!

La classe moyenne aisée et éduquée généralisée aura été un simple battement de cil dans l'histoire humaine.

unautreprof a dit…

Écoute, je comprends ta montée émotive, je proviens moi aussi d'un milieu aisé, qui paie les taxes, j'ai fait mes études, travailler dès 15 ans des 20 heures/semaine, etc.

Par contre, dans un milieu où c'est dans la culture de bénéficier de l'aide sociale, c'est ultra-difficile de sortir les jeunes de là. Bien sûr, il y a des archis résilients ou archis motivés par un but précis qui y arrivent.

Est-ce que de donner de l'argent comme mesure est une bonne idée? Ça me titille aussi. Je n'aime pas ce genre de "bonbon". Par exemple, dans ma classe, le système d'émulation permet de s'acheter des privilèges (les plus populaires étant aller aider un autre prof ou rester à la récré en classe pour jouer à un jeu avec moi), mais jamais au grand JAMAIS que je ne mettrai des bébelles...

Je serine mes élèves avec l'importance de se sentir fier d'avoir poussé nos limites et je crois que ça marche, à force d'insister et tout, mais j'ai dse conditions idéales, un groupe fermé, des élèves que je suis 2-3 ans, donc mon discours fait son chemin.

Tout ça pour dire que la motivation intrinsèque me semble toujours la plus importante.

J'ose croire encore qu'il y a d'autres moyens que payer des élèves.

Anonyme a dit…

Prof masqué

Est-ce possible que cette mesure, appliquée aux élèves de milieux défavorisés soit un (autre) pansement parce que notre structure sociale est basée sur leur existence -puisque le profit doit bien se faire sur le dos de quelqu'un- et qu'on n'a aucune intention de la changer, cette structure? Même si elle craque de presque partout?

Sinon, je suis comme toi. J'ai appris à poinçonner, à mon premier emploi (fallait être à l'heure!) et à travailler pour gagner mon argent, mon pain et malgré tout, je n'ai aucune sécurité d'emploi et beaucoup de chômage impayé chaque année.

Si c'est de l'argent pour poursuivre des études, et pas une somme faramineuse, il me semble que cela pourrait permettre ou en tout cas offrir de meilleures chances de briser le cercle vicieux de la pauvreté. Non?

Mais comprends-moi bien : le non-effort, j'ai cela en aversion totale.

Zed